Twitter Files : comment le FBI a discrédité les informations sur le scandale du laptop de Hunter Biden

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FranceSoir
Publié le 20 décembre 2022 - 19:30
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CHIP SOMODEVILLA/GETTY IMAGES NORTH AMERICA/AFP
Michael Shellenberger explique comment le FBI a poussé Twitter à suspendre tout contenu lié à ce scandale sous prétexte que celui-ci provient d’une “opération russe de piratage et de fuite” d’informations.
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Les Twitter Files dévoilent (enfin) les dessous de la censure du scandale de Hunter Biden sur la plateforme. C’est l’auteur Michael Shellenberger qui prend le relais avec la partie 7 pour expliquer comment le FBI a discrédité les informations sur les “affaires” du fils de Joe Biden à l’étranger, “avant et après” la publication par le New York Post d'un article sur le scandale lié au contenu de son ordinateur portable.

Michel Shellenberger affirme, dans un thread publié lundi 19 décembre, que la Communauté du renseignement des États-Unis a “coordonné ses efforts” pour discréditer, “aux yeux des médias et des réseaux sociaux”, les informations liées au scandale du "laptop" d'Hunter Biden. Preuves à l’appui, il explique comment le FBI a poussé Twitter à suspendre tout contenu lié à ce scandale sous prétexte que celui-ci provient d’une “opération russe de piratage et de fuite” d’informations.

Le FBI a “préparé” Yoel Roth à censurer ce scandale

Rappelant la pression incessante exercée sur les ex-dirigeants de Twitter par le bureau fédéral et ses "intrusions" dans la modération de contenu et des comptes, Michel Shellenberger revient d’abord sur l’affaire de l'ordinateur portable d'Hunter Biden. Celle-ci “commence en décembre 2019 lorsqu’un propriétaire de magasin d'informatique du Delaware (...) contacte le FBI au sujet d'un ordinateur portable que Hunter Biden lui avait laissé”. Peu de jours après, “le FBI lui délivre une assignation à comparaître et prend l'ordinateur portable de Hunter Biden”, lit-on.

Faute de réponse du FBI, le propriétaire du magasin, qui avait alors transféré les fichiers du laptop endommagé, écrit au républicain et ex-maire de New York, Rudy Giuliani, qui transmet l’information au New York Post. Le 13 octobre, poursuit Shellenberger, l’avocat de Hunter Biden apprend que l’article sur son ordinateur portable sera publié le lendemain. Le même jour, Yoel Roth reçoit un email de l’agent du FBI, Elvis chan, qui lui envoie 10 documents via TelePorter, l’un des canaux utilisés par la police fédérale pour communiquer avec Twitter.

Le 14 octobre, le NYP a publié son article. “Chaque fait écrit était exact”, affirme Michael Shellenberger. “Et pourtant, en quelques heures, Twitter et d'autres réseaux sociaux censurent l'article du NY Post, l'empêchant de se propager”, rappelle-t-il.

Matt Taibbi, l’autre journaliste qui collabore avec Elon Musk sur les Twitter Files, avait dévoilé le débat interne à Twitter autour de la censure du contenu du NYP. Le fils de l’actuel président des États-Unis faisait déjà l’objet d’une enquête pour ses activités financières depuis 2018. Pourtant, “pendant toute l'année 2020, le FBI et d'autres organismes (...) ont préparé à plusieurs reprises Yoel Roth à rejeter les articles sur l'ordinateur portable de Hunter Biden et à la présenter comme une opération russe de "piratage et fuite”, poursuit Shellenberger. Les récentes révélations du PDG de Meta, Mark Zuckerberg, confirment cette information. "Le FBI est venu nous voir pour nous dire ‘Hé... vous devriez être en état d'alerte maximale. Nous pensions qu'il y avait beaucoup de propagande russe lors des élections de 2016. Il va y avoir une sorte de dépotoir similaire à ça’”, a déclaré Zuckerberg.

Une “propagande russe” quasi inexistante

Est-ce que les avertissements contre des actions de “propagande russe” étaient justifiés par de nouvelles informations ? Non, selon le même agent du FBI, Elvis Chan. "Grâce à nos enquêtes, nous n'avons pas vu d'intrusions concurrentes similaires à ce qui s'était passé en 2016", a-t-il admis. Idem pour les dirigeants de Twitter qui ont signalé très peu d’activité russe, “avant et après” l’éclatement de l’affaire du laptop de Hunter Biden. “Par exemple, le 24 septembre 2020, Twitter a déclaré au FBI qu'il avait supprimé 345 comptes largement inactifs liés à de précédentes tentatives de piratage russe coordonnées", dévoile le même auteur américain dans son thread. ll cite également l’exemple d’un article pro-Trump sur lequel Yoel Roth a été alerté par le FBI. "L'article fait beaucoup d'insinuations... mais nous n'avons vu aucune preuve que c'était le cas (d’ingérence russe, ndlr) ici”, lit-on.

Malgré ces assurances, les dirigeants de Twitter avaient ensuite remarqué une accentuation de la pression, exercée depuis janvier 2020. "Nous avons constaté un effort soutenu de la part de la communauté du renseignement pour nous pousser à partager plus d'informations et modifier nos politiques d'API. Ils sondent et poussent partout où ils le peuvent”, lit-on encore.

Le FBI demandait constamment à Twitter des preuves d'influence étrangère et Twitter répliquait à son tour toujours qu’ils ne trouvaient rien de particulier. Face aux réponses du réseau social, le FBI suggère même à Twitter en juillet 2020, par le biais du même Elvis Chan, une habilitation de sécurité pour l’un des dirigeants de la plateforme, afin de “voir des informations sur les menaces pesant sur les élections à venir”. L’agent du FBI partage à Yoel Roth, le 11 août, des informations sur l'organisation de piratage russe, APT28.

C’est finalement Jim Baker, ancien avocat du FBI, qui bénéficiait de cette habilitation. Il a dernièrement été viré par Elon Musk, lorsque le patron de Twitter a appris que la première série des Twitter Files a été examinée par lui. Cet avocat a également été mêlé à plusieurs affaires du bureau fédéral. Il avait démissionné en 2018 suite à une enquête relative à des fuites dans la presse. Au sein du service de renseignement, il a joué un rôle clé dans l'enquête sur les allégations d'ingérence russe dans l'élection présidentielle de 2016.

Shellenberger souligne qu’il n’était pas le seul employé de Twitter à être passé par le FBI. “Dawn Burton, l'ancienne chef de cabinet du chef du FBI, James Comey, qui a lancé l'enquête sur Trump, a rejoint Twitter en 2019 en tant que directeur de la stratégie”, dit-il.  Et d’ajouter : “En 2020, il y avait tellement d'anciens employés du FBI travaillant chez Twitter qu'ils avaient créé leur propre canal Slack privée pour intégrer les nouveaux arrivants du FBI”.

Jim Baker insiste sur la thèse du piratage

À l’approche des élections, vers la mi-septembre 2020, Yoel Roth et Chan Elvis conviennent de mettre en place “un réseau de messagerie crypté afin que les employés du FBI et de Twitter puissent communiquer (...) avec toute l’industrie et le Bureau du directeur du renseignement national”.

Le 14 octobre, peu de temps après que l’article du New York Post ait été publié, Roth a déclaré : "Ce n'est pas clairement une violation de notre politique sur les matériaux piratés, ni clairement une violation de quoi que ce soit d'autre". C’est Jim Baker qui lui a répondu, insistant à plusieurs reprises sur le fait que les documents de Hunter Biden “ont été soit truqués, soit piratés, soit les deux”, ce qui constituait, de son avis, “une violation de la politique de Twitter”.

Shellenberger a estimé dans ses tweets qu’il est “inconcevable que Baker ait cru que les e-mails de Hunter Biden étaient soit faux, soit piratés. Le NY Post avait inclus une photo du reçu signé par Hunter Biden, et une citation à comparaître du FBI montrait que l'agence avait pris possession de l'ordinateur portable en décembre 2019”, rappelle-t-il.

Le 15 septembre, “à 10 h du matin, les dirigeants de Twitter avaient déjà adhéré à une histoire de piratage et de fuite”, poursuit Shellenberger. “La suggestion des experts - qui sonne juste - est qu'il y a eu un piratage qui s'est produit séparément, et ils ont chargé les matériaux piratés sur l'ordinateur portable qui est apparu comme par magie dans un atelier de réparation du Delaware", a écrit Yoel.

Le FBI discrédite le NY Post

Cette “opération d'influence a persuadé les dirigeants de Twitter que l'ordinateur portable de Hunter Biden ne provenait pas d'un lanceur d'alerte (...) le FBI a donné un briefing aux sénateurs Grassley et Johnson, revendiquant des preuves d’ingérence russe” dans leur enquête sur Hunter Biden. De quoi provoquer “la colère des sénateurs, qui disent que cela a été fait pour discréditer leur enquête”, écrit Michael Shellenberger. "Le briefing inutile du FBI a fourni aux démocrates et aux médias libéraux le moyen de diffuser leur faux récit selon lequel notre travail a fait avancer la désinformation russe”, ont dénoncé les deux sénateurs.

Il conclut ainsi “qu’en fin de compte, la campagne d'influence du FBI à l’égard des responsables des médias, de Twitter et d'autres réseaux sociaux a fonctionné : ils ont censuré et discrédité l'histoire du laptop de Hunter Biden”, dit-il.

Il dévoile que le personnel de Twitter était payé pour le temps accordé au FBI. "Je suis heureux d'annoncer que nous avons collecté 3 415 323 dollars depuis octobre 2019 !", lit-on.

L’auteur dévoile aussi dans cette partie 7 que “la pression du FBI se poursuit". En août 2022, les dirigeants de Twitter se sont préparés pour une réunion avec le FBI, dont l'objectif était "de convaincre la plateforme de produire sur plus de demandes de divulgations d’urgence, une perquisition sans mandat, pour le FBI".

Dans la partie 6 des Twitter Files, dévoilée vendredi, Matt Taibbi a étalé la relation du réseau social avec le FBI, le journaliste allant jusqu’à le qualifier de “filiale” de la police fédérale. Les documents démontrent le caractère “hyper-intrusif” du service de renseignement, qui collaborait avec la précédente équipe de la plateforme pour modérer son contenu et exiger la suspension de plusieurs comptes.

Le FBI a rejeté vendredi 16 décembre les informations selon lesquelles ses employés ont exercé une pression sur Twitter pour modérer des contenus ou suspendre des comptes. Matt Taibbi a répliqué par des révélations supplémentaires.

Le rôle joué par le FBI dans la modération de contenus autour des élections avait déjà été évoqué dans un troisième volet. Des documents internes démontraient comment les employés du réseau social essayaient de définir le rôle joué par le FBI et les autres agences de renseignement dans la modération de contenus pour justifier les décisions de suspension prises.

La suspension n’était pas la seule arme de Twitter. Dans les précédents volets, Bari Weiss, Matt Taibbi et Michael Shellenberger ont expliqué comment des responsables du réseau social, notamment Yoel Roth et VIjaya Gadde, se sont constitués en “Cour suprême de modération”, violant les propres politiques et règles de Twitter pour justifier le bannissement de Donald Trump et recourant à des listes noires pour réduire la visibilité de certains comptes.

La première série de documents des Twitter Files a été dévoilée le 2 décembre par Elon Musk, pour prouver une “ingérence” de Twitter dans les précédentes élections américaines à travers le scandale lié à l'ordinateur portable de Hunter Biden, le fils de l’actuel président des États-Unis Joe Biden.

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