Victoire de Robert Fico et de son parti Smer-SD aux législatives slovaques, “inquiétude” au sein de l’Union européenne
MONDE - En Slovaquie, le parti Smer-SD est arrivé en tête des élections législatives qui ont eu lieu samedi 30 septembre 2023. Son fondateur et actuel dirigeant, Robert Fico, s’était plusieurs fois engagé à mettre fin au soutien militaire de son pays à l’Ukraine. La présidente slovaque Zuzana Čaputová, souvent qualifiée “d’agent américain” par le Smer-SD, a confié à l’ancien Premier ministre la formation du prochain gouvernement. Le scénario, qualifié de “désastre” par l’Union européenne, se réalise.
Premier ministre à trois reprises, Robert Fico a démissionné en 2018 après des manifestations organisées à la suite de l’assassinat d’un journaliste d’investigation qui enquêtait sur les liens entre le pouvoir slovaque et la mafia calabraise. Son parti, fondé en 1999, était déjà en tête des sondages plusieurs mois avant la tenue du scrutin législatif. Ses opposants et ses détracteurs attribuent la hausse de sa popularité à des slogans jugés “pro-russes” et “anti-ukrainiens” ainsi qu’à ses positions sur des questions sociales.
Depuis le début de la guerre en Ukraine en février 2022, le Smer-SD s’est opposé à la livraison d’armes et d’équipements militaires à Kiev. Son dirigeant a également critiqué les sanctions imposées à la Russie depuis l’annexion de la Crimée, affirmant que les mesures “nuisaient surtout aux populations et pas au régime”.
“Des problèmes plus importants” que l’Ukraine
La perspective d’une victoire de Robert Fico lors de ces législatives anticipées suscitait des inquiétudes chez la présidente slovaque mais également au sein de l’Union européenne. Zuzana Čaputová disait craindre que son pays d’Europe centrale, précieux soutien de l’Ukraine, ne devienne un ersatz de la Hongrie et de la politique étrangère de son Premier ministre, Viktor Orbàn. Aux yeux de plusieurs hauts responsables de l’UE, une victoire du Smer-SD tout comme celle du FPÖ, parti d’extrême droite autrichien, serait un “désastre”.
Samedi, la formation politique menée par l’ancien Premier ministre slovaque a fini par remporter les élections législatives. Le Smer-SD a obtenu 23,3% des voix à l’issue du scrutin. Le parti centriste Slovaquie progressive (PS) a récolté 17,03 % des votes dans ce pays de 5,4 millions d'habitants.
A l’annonce des résultats partiels, Zuzana Čaputová a déclaré que la formation du prochain gouvernement a été confiée au chef du parti vainqueur. “Je comprends que les résultats des élections soient associés à diverses préoccupations pour de nombreuses personnes”, a-t-elle déclaré, relevant que la “tâche du chef de l'État est de respecter le résultat des élections démocratiques”.
Dans une vidéo diffusée à l’issue de son vote, Robert Fico a expliqué vouloir une Slovaquie sans “amateurs et gaffeurs sans expérience qui nous entraînent dans des aventures telles que l'immigration et la guerre”. Réagissant aux résultats annoncés ce dimanche, l’ex-Premier ministre a estimé que son pays avait des “problèmes plus importants” que l'aide à Kiev. “Nous pensons que l'Ukraine est une immense tragédie pour tous. Si le Smer est chargé de former un cabinet (...), nous ferons de notre mieux pour organiser des pourparlers de paix dès que possible”, a-t-il fait savoir.
Une position déjà exprimée en juin par le parti, qui dit “soutenir pleinement l'adhésion de la Slovaquie à l'UE et à l'OTAN".
Orbàn salue la victoire de Fico, les eurodéputés français inquiets
A défaut d’une majorité absolue, le Smer doit composer avec d’autres partis pour former une coalition majoritaire au sein du parlement de 150 sièges. Parmi les trois premiers vainqueurs, figure justement le parti Hlas-SD (15,43%), créé en 2020 suite à une scission au sein du Smer. Le Hlas est dirigé par Peter Pellegrini, lui-même ancien vice-président de la formation politique fondée par Fico et successeur de ce dernier au poste de Premier ministre en 2018.
La victoire de Robert Fico a été saluée en Hongrie. Le Premier ministre Viktor Orbàn a rendu hommage à un “patriote”. “Devinez qui est de retour ! Félicitations à Robert Fico pour sa victoire incontestable aux élections législatives slovaques. Il est toujours bon de travailler avec un patriote”, a-t-il dit.
Guess who's back! Congratulations to Robert Fico on his undisputable victory at the Slovak parliamentary elections. Always good to work together with a patriot. Looking forward to it! 🇭🇺🇸🇰 pic.twitter.com/JHIlYWKX6c
— Orbán Viktor (@PM_ViktorOrban) October 1, 2023
Au sein de l’Union Européenne, ce sont surtout les eurodéputés français qui montent au créneau. Nathalie Loiseau, chef de campagne de la délégation française Renaissance lors des élections européennes en 2019, a appelé les membres de l’UE à “se réveiller”. “Il y a un risque pour ce pays, il y a un risque pour d’autres pays aussi”de “tomber dans des récits pro-russes”, a-t-elle déclaré sur France Info. “Ceux qui disent que les partis racistes, populistes et pro-russes ne peuvent pas accéder à des fonctions supérieures feraient mieux de regarder du côté de Bratislava”, a-t-elle ajouté.
Valérie Hayer, eurodéputée de Renaissance également, a évoqué un “jour sombre pour l’Ukraine et l’unité de l’Occident”. Pierre Moscovici, ancien commissaire européen aux affaires économiques et financières, estime que la victoire de Fico est “préoccupante” et qu’une “réflexion sur l’avenir de l’Europe et de la démocratie est nécessaire”.
De leur côté, les socialistes et démocrates français, qui réclament depuis des années l’exclusion du Smer-SD de leur groupe au parlement européen, ont fait part de leur intention de le redemander “encore à la réunion de groupe de ce mardi”. “Les chefs des délégations nationales du groupe S&D seront saisies à ce sujet. Et le PS français adressera une demande officielle encore une fois au PSE”, a affirmé Nora Mebarek, cheffe de la délégation française.
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