Poussés par Macron et Merkel, la Serbie et le Kosovo prêts à discuter
Vingt ans après leur conflit armé, la Serbie et le Kosovo ont accepté lundi, lors d’un sommet à Berlin, de reprendre leurs pourparlers, avec une nouvelle rencontre prévue début juillet à Paris.
Alors que des négociations organisées sous l'égide de l'Union européenne sont au point mort, Berlin et Paris ont décidé fin février d'organiser ce sommet pour désamorcer l'escalade entre la Serbie et son ancienne province, dont elle ne reconnaît toujours pas l'indépendance.
Lundi soir, les dirigeants serbe et kosovar ont accepté une nouvelle rencontre à Paris le 1er ou le 2 juillet, toujours sous l'égide franco-allemande, ont indiqué plusieurs pays participants.
Ce déblocage intervient après un regain de tension, depuis que Pristina a instauré en novembre des droits de douanes de 100% sur les importations de produits serbes pour pousser Belgrade à reconnaître son indépendance.
Avant le début du sommet, Angela Merkel et Emmanuel Macron avaient accentué la pression sur les anciens belligérants en les avertissant qu'ils devaient normaliser leurs relations avant toute avancée vers une éventuelle adhésion à l'UE.
"Je tiens à dire très clairement qu'aujourd'hui il n'est pas question de négociations d'adhésion. Pour cela il y a une procédure pilotée par la Commission", a tranché Angela Merkel. "L'actualité n'est pas à la politique d'élargissement de l'UE mais bien à une politique de stabilité régionale", a renchéri Emmanuel Macron.
La chancelière et le président français ont ainsi pris le contrepied de la Commission, qui parie sur l'adhésion serbe et kosovare pour régler leur différend. La Serbie est déjà en phase de négociations pour adhérer à l’UE mais le processus sera très long. Le Kosovo n’en est même pas encore là. Et à deux semaines des élections européennes, ni Angela Merkel ni Emmanuel Macron ne préconise d'accélérer l'élargissement.
Angela Merkel a aussi appelé le Kosovo a lever ses droits de douanes qui selon elle ne font qu'aggraver la situation.
- Impliquer Washington ? -
En acceptant lundi la demande franco-allemande de reprendre leurs discussions, les deux pays n'ont pas pour autant modifié leurs positions. Le président serbe Aleksandar Vucic a réaffirmé devant la presse que la levée des taxes douanières constituait un préalable à tout dialogue.
Et le président kosovar Hashim Thaçi a lui souhaité qu'après les élections européennes, l'UE supprime les visas pour les Kosovars et qu'un accord avec la Serbie ouvre au Kosovo la voie vers "l'ONU, l'UE et l'OTAN".
Autre demande, le dirigeant du Kosovo veut désormais impliquer les Etats-Unis sans qui, avertit-il, "un accord (avec la Serbie) est impossible à conclure".
Demande qui risque de déclencher l'hostilité de la Serbie, soutenue par Moscou, mais aussi des dirigeants de l'UE, qui veulent régler l'affaire eux-mêmes.
Il y a deux décennies, la guerre du Kosovo avait fait perdre à Belgrade le contrôle du territoire kosovar. Mais la Serbie considère toujours le Kosovo comme une de ses provinces.
L'été dernier, le dialogue semblait pouvoir repartir en s'appuyant sur l'idée "d'échanges de territoires" ou de "corrections frontalières", avant une reconnaissance mutuelle.
Le chef d'Etat serbe espérait manifestement accélérer ainsi la marche de son pays vers une adhésion à l'UE.
Mais Berlin y voit un risque de réveiller les vieux démons balkaniques, dans une zone déchirée par les guerres durant les années 1990.
A peine entamé, le dialogue serbo-kosovar avait tourné court après l'obstruction serbe à la candidature du Kosovo à Interpol. Le Kosovo a répliqué par ses taxes commerciales prohibitives.
Les retrouvailles entre Angela Merkel et Emmanuel Macron, qui ont affiché ostensiblement leur bonne entente, sont les premières depuis les critiques inhabituelles exprimées par le président français la semaine dernière à l'encontre de Berlin.
Qu'il s'agisse du Brexit, des relations commerciales avec les Etats-Unis ou des dossiers économiques, Paris ne cache plus sa frustration à l'égard du gouvernement Merkel, dans un contexte envenimé par la proximité des élections européennes.
Ce sommet des Balkans est enfin l'occasion pour Paris "de réengager la France" dans les Balkans, a souligné le président français.
Emmanuel Macron compte d'ailleurs effectuer une visite à Belgrade cette année. Celle prévue en décembre avait été annulée à cause de la crise des "gilets jaunes".
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