A Sanaa, l'esprit du ramadan est là, mais le cœur n'y est pas
Dans la capitale yéménite Sanaa contrôlée par des rebelles, les produits alimentaires abondent à la veille du ramadan, mais les acheteurs sont rares du fait de la flambée des prix liée à la guerre.
"Le chiffre d'affaires (du début du ramadan) n'est pas bon car les gens donnent la priorité aux produits de première nécessité", indique à l'AFP Ali Saleh, un vendeur de dattes au marché de Sanaa.
Ce fruit est spécialement consommé pendant le ramadan, mois de jeûne musulman qui commence jeudi au Yémen, où la guerre ne connaît pas de répit.
Ce conflit oppose les forces gouvernementales aux Houthis, rebelles soutenus par l'Iran qui se sont emparés de la capitale en 2014. Il a connu une escalade en 2015 quand l'Arabie saoudite a pris la tête d'une coalition militaire pour venir en aide au gouvernement.
Cette guerre, relativement oubliée, a fait près de 10.000 morts, plus de 55.000 blessés et provoqué ce que les Nations unies qualifient de "pire crise humanitaire du monde".
Quelque 22 millions de Yéménites sont affectés par le conflit avec une malnutrition généralisée, des risques d'épidémie et même de famine dans certaines régions.
Cependant, pour les habitants de Sanaa, il n'est pas question de renoncer à célébrer le mois du ramadan, fait de privations dans la journée, mais de grandes consommations de produits alimentaires le soir.
- Cartes d'approvisionnement -
Dans le souk du vieux Sanaa, les produits ne manquent pas, mais les prix font hésiter plus d'un chaland.
"Les prix à la veille de ce ramadan sont très élevés et ne correspondent pas aux revenus des gens, notamment ceux qui ont des cartes d'approvisionnement", se lamente un habitant de la capitale, Abdallah Mofaddal.
Faute de pouvoir payer les salaires de nombreux fonctionnaires, l'administration rebelle leur distribue des cartes d'approvisionnement qui leur permettent d'obtenir des produits de première nécessité.
"Il n'y a pas d'argent, les salaires ne sont pas versés et il faut qu'ils (les Houthis) donnent un peu d'argent pour le ramadan", ajoute-t-il.
Devant un étal, un autre habitant répète la même complainte.
"La situation est très mauvaise, les salaires n'ont pas été versés depuis huit mois. On est entre les mains de Dieu. Les prix n'ont cessé d'augmenter, tout augmente chaque jour", déclare Ahmed al-Oqabi.
Le prix du sac de 40 kg de riz a augmenté d'un tiers en quelques jours et celui du sac de 50 kg de sucre de 25%, déplorent des résidents de Sanaa.
Les convois de transporteurs de produits alimentaires se font racketter à des points de contrôle tenus à travers le pays soit par des rebelles, soit par des militaires gouvernementaux, et ces transporteurs répercutent les sommes soustraites sur les prix des denrées, expliquent des habitants.
- Pain et café -
De nombreux civils restent dans une situation extrêmement précaire et ne savent pas de quoi sera fait ce ramadan. C'est la cas d'une veuve de guerre, Jeta al-Sabri, mère de quatre fillettes dans l'attente d'une aide sociale qui ne vient pas.
"J'ai vendu ma bonbonne de gaz pour payer le loyer. Je n'ai plus de quoi cuisiner, je n'ai plus de farine, je n'ai plus de riz, et il ne me reste plus que mes filles, rien de plus", égrène-t-elle.
Les fillettes, au regard espiègle, se partagent un bout de pain qu'elles avalent avec des gorgées de café.
Jeta al-Sabri a perdu son mari à Taëz, grande ville du sud-ouest encerclée par les rebelles Houthis. Elle s'est réfugiée à Sanaa, où sa survie dépend d'une aide sociale qui tarde à se matérialiser.
Le ramadan est traditionnellement une période de piété et de prière. Dans la longue histoire des conflits opposant des musulmans, des trêves y étaient instaurées. Mais rien n'indique que le conflit au Yémen baissera d'intensité pendant ce mois sacré.
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