Crise à la BBC : scandales, réductions d'effectifs et évolution des modes de consommation médiatique
MÉDIAS - Face à la montée des nouvelles plateformes et à la diminution de son audience, l'historique radiodiffuseur britannique du service public, fondé en 1922, s'emploie à maintenir sa réputation en tant qu'acteur mondial de premier plan. Or, de nombreux scandales impactent la BBC, qui peine par ailleurs à s'adapter à l'ère digitale.
La BBC mène un combat pour rester une référence médiatique à l'échelle mondiale alors que les controverses internes, la fuite des talents et la pression des nouveaux modes de consommation menacent l'un des emblèmes de la culture britannique.
Modèle de rigueur et même de fierté nationale depuis des décennies, le consortium audiovisuel, parfois affectueusement nommé "the Beeb" par les Anglais, traverse une crise qui l'oblige à justifier sa propre existence. Car le contexte lui est hostile : prolifération de plateformes d'informations alternatives en ligne, campagne d'hostilité de la part de certains politiques, et concurrence féroce avec de redoutables rivaux comme l'empire médiatique de Rupert Murdoch.
De plus, le modèle de financement, basé sur une redevance obligatoire que les citoyens britanniques acquittent annuellement, contribue en partie aux récents problèmes rencontrés par la BBC. La contribution directe des citoyens implique une énorme responsabilité en retour, notamment en matière d'éthique et de déontologie. Toute dérive peut alors avoir des conséquences particulièrement coûteuses lorsque la réputation du service public de l'information décline. Si les crises sont traitées de manière transparente aux yeux du public, la couverture médiatique où la BBC joue à la fois le rôle de protagoniste et d'observateur, ne facilite en rien la situation.
Des journalistes controversés
Ainsi, le récent scandale sexuel impliquant Huw Edwards, l'un des poids lourds de la chaîne, temporairement retiré de l'écran, représente l'un des cas les plus évidents pour lequel la société cherche à expier ses échecs. Edwards n'était pas seulement le visage le plus familier de la BBC, mais l'incarnation de ce que la chaîne veut projeter : rigueur, solidité et confiance. Bien que le journaliste continue d'être mis à l'écart, l'incident met en lumière l'extrême vulnérabilité de l'entreprise dans le climat politique actuel.
Ce qui dans un autre média serait anecdotique déclenche à la BBC une discussion nationale. L'exemple de Gary Lineker en est le paradigme : le présentateur sportif, star la mieux payée, a été temporairement suspendu en mars de la populaire émission Match of the Day, qui passe en revue les matchs de Premier League tous les week-ends. Pourquoi ? En faisant une comparaison sur les réseaux sociaux, il a rapproché la rhétorique de l'exécutif de Rishi Sunak sur la migration à celle de l'Allemagne nazie des années 1930. Après des négociations complexes et un torrent de commentateurs qui ont refusé de le remplacer en signe de solidarité, Lineker est revenu. Mais l'affaire montre les pressions que subit la BBC, à la fois de l'extérieur et y compris envers sa neutralité pourtant tant vantée.
Départ du président et fuite des talents
Les controverses atteignent même le sommet de la hiérarchie du consortium. En avril dernier, Richard Sharp a été contraint de démissionner de son poste de président pour avoir enfreint les règles relatives aux nominations publiques. Il avait omis de déclarer ses liens en tant qu'entremetteur avec un prêt de 800.000 livres (920.000 euros) accordé à Boris Johnson lorsqu'il était Premier ministre.
La controverse a rendu son maintien à cette fonction impossible, tout en intensifiant les critiques quant à sa prétendue proximité avec le gouvernement conservateur, suite à des années de pressions politiques et de menaces de réduction des financements...
Le débat sur la pente glissante de la neutralité a également entraîné une fuite de talents parmi les "grands noms" parmi les journalistes ou présentateurs qui ont migré vers d'autres plateformes. L'exode est moins lié à des gains financiers qu'à un désir d'élargir le positionnement éditorial au-delà de l'équilibre imposé par le manuel de style de la BBC, en particulier dans un climat de polarisation politique croissante.
Lorsque Andrew Marr, qui a été pendant des décennies le porte-drapeau de l'émission politique phare The Andrew Marr Show, a rejoint Global Player, sa station de radio, LBC, a fait la promotion de la signature en affirmant que Marr "récupérait sa voix".
D'autres personnalités populaires telles que Jon Sopel, Emily Maitlis et Lewis Goodhall l'ont suivi pour créer The News Agent, un podcast quotidien qui ne mâche pas ses mots et qui est devenu le plus écouté du Royaume-Uni. La dernière à avoir annoncé son départ est Yalda Hakim, l'une des stars les plus prometteuses qui, en passant à Sky News, propriété de Rupert Murdoch, a aggravé la crise d'identité de la chaîne. Celle-ci faisait partie d'un quintet de collaborateurs avec lequel la BBC voulait représenter la nouvelle ère de la chaîne d'information. C'est raté et n'augure rien de bon pour le futur.
À LIRE AUSSI
L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.
Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.
Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.
Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.