Abusé sexuellement dans sa jeunesse par des prêtres, il se venge en les escroquant
Pour se venger de ceux qui auraient abusé de lui dans sa jeunesse, Michel, 59 ans, a escroqué des prêtres à la pelle et a été maintes fois sanctionné: mercredi 24, il a été condamné en son absence à quatre ans de prison.
Quand sonnait le téléphone au presbytère, les hommes d'Eglise avaient de quoi être mis en confiance. Au bout du fil, ils pensaient avoir un ancien paroissien, dont ils avaient baptisé le petit dernier il y des années de cela, qui habitait la même commune, qui pouvait citer des noms familiers... Ancien paroissien qui, face à des accidents de la vie, dormait dans sa voiture depuis quelques mois et avait besoin d'une aide financière pour payer loyer ou caution. Le système est éprouvé, les prêtres envoient chèques ou mandats cash. Mais, contrairement aux promesses, ne sont pas remboursés.
Dans l'affaire jugée mercredi devant le tribunal correctionnel de Paris, ils étaient près de 160 pour un préjudice de plus de 200.000 euros.
Vers la fin des années 2000, Jacky, un acolyte de Michel avec qui il vient de renouer, accepte à nouveau de tremper dans la combine, comme quelques années auparavant. D'abord en encaissant des mandats. "Il m'a dit +ça fait 30 ans que je fais ça, y'a pas de problème, tu seras pas inquiété+", explique à la barre le sexagénaire à la mine un peu terne. Puis, quand Michel se retrouve à nouveau derrière les barreaux, Jacky a "l'idée de faire comme lui". Il a "bien regardé comment qu'il faisait", comment il "changeait sa voix" pour jouer les propriétaires et tromper ses interlocuteurs. Il a aussi récupéré un annuaire des paroisses, truffé d'annotations griffonnées par Michel.
Jacky était alors, à son initiative, sous curatelle, pour tenter d'échapper à ses démons. Lui n'a pas de problème avec les prêtres, mais avec le jeu, les courses. Il est accro. "Dans ma vie j'ai perdu sept millions d'euros", explique-t-il. Aujourd'hui, il est "un peu guéri", sans avoir complètement décroché. Quant à l'escroquerie, il s'y livrait "plus par jeu". Intermittent du spectacle, il a même un moment voulu "faire un film sur cette histoire" avec les prêtres et assure qu'il pensait "vraiment les rembourser".
Les faits sont reconnus. A l'audience, la seule discussion porte sur la vulnérabilité, circonstance aggravante, des victimes, qui pour la défense ne peut se déduire de leur seul grand âge. La procureur étrille un "mode opératoire extrêmement bien rôdé", un "discours destiné à émouvoir", et une phrase récurrente, qui ressort des écoutes, "on s'est fait des prêtres".
Alexia Gavini, l'avocate de Jacky, souligne le "besoin de reconnaissance pathologique" éprouvé par son client, "longtemps méprisé" par un Michel qu'elle charge.
Ces dernières années, Michel a entrepris des démarches auprès de l’évêché de Bar-le-Duc, et jusqu'au Vatican. Il voit dans le processus d'enquête, qui a permis d'établir que les prêtres qu'il accuse d'abus sexuel sont aujourd'hui décédés, une amorce de reconnaissance. Il a quitté la "volonté vengeresse" pour s'engager sur la voie de "l'amendement, voire de la rédemption" et remboursé près de 24.000 euros.
Le tribunal a finalement prononcé contre lui les quatre ans requis par le parquet, "peine couperet", "extrêmement lourde" et "pas du tout en phase avec l'évolution" de son client, selon l'avocat.
Jacky, lui, est condamné à deux ans de prison, peine aménageable. Deux autres prévenus, poursuivis pour recel, ont écopé de six mois de prison avec sursis.
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