Brétigny : un soulagement teinté d'amertume chez les victimes enfin reçues par les juges

Auteur(s)
La rédaction de FranceSoir.fr avec AFP
Publié le 09 mai 2016 - 22:45
Image
La rame renversée après l'accident de Bretigny.
Crédits
©Martin Bureau/AFP
Les juges auraient "dénoncé très clairement le double langage de la SNCF" durant l'entretien.
©Martin Bureau/AFP
Reçues pour la première fois lundi par les juges depuis l'accident de Bretigny, les parties civiles ont salué le fait d'avoir été enfin entendue, mais regrette l'absence de précisions sur les délais de l'enquête où encore de personnes physiques parmi les mis en examens.

Trois heures d'échanges après trois années d'enquête en silence: le soulagement et l'amertume dominaient ce lundi 9 chez les victimes de la catastrophe ferroviaire de Brétigny-sur-Orge (Essonne), reçues à Paris pour la première fois par les juges d'instruction. Elles ne les avaient jamais vus ni entendus depuis le 12 juillet 2013 et le déraillement du train Intercités n°3657 reliant Paris à Limoges, qui a fait sept morts et des dizaines de blessés.

Pendant trois heures, les victimes, réunies au tribunal de grande instance de Paris, ont pu écouter les trois juges d'instruction d'Évry leur exposer l'avancée de leurs investigations et leur poser des questions. Sur les 167 personnes constituées parties civiles dans ce dossier, 70 ont répondu à la convocation des juges, ainsi que 42 avocats, dans un dossier très technique de plus de 18 tomes.

"C'était une journée très importante, les victimes étaient en attente de ce premier contact avec les juges", a expliqué Thierry Gomes, président de l'association "Entraide et défense des victimes de la catastrophe de Brétigny" (EDVCB).

M. Gomes, qui a perdu ses parents lors de l'accident, a cependant qualifié d'"un peu mitigées" les réponses apportées par les juges, lui qui espérait obtenir une date de fin d'instruction. "C'est important qu'un procès ait lieu car aujourd'hui encore des gens souffrent et vont souffrir pour longtemps", avait-il souligné avant la rencontre.

"L'intention des juges était très louable mais c'est un coup d'épée dans l'eau", a estimé Me Alexandre Varaut, conseil de plusieurs victimes. "Ce qui a été dit, les avocats le savaient déjà et les victimes n'ont pas entendu ce qu'elles voulaient, c'est-à-dire des délais et des responsables", a-t-il ajouté.

Car l'autre déception est la confirmation que, pour l'heure, les juges n'ont pas prévu de pointer les responsabilités de personnes physiques. Depuis l'ouverture d'une information judiciaire par le parquet d'Évry, seules deux personnes morales ont été mises en examen, la SNCF et Réseau ferré de France (RFF), toutes deux mises en cause pour homicides et blessures involontaires. Trois cheminots de la SNCF, chargés de la surveillance des voies au moment du déraillement, ont, eux, été placés sous le statut de témoin assisté.

Le "soulagement" d'avoir vu les juges est teinté "d'amertume", selon Me Gérard Chemla, avocat d'EDVCB. "On a l'impression qu'il y en a beaucoup qui vont passer à côté et qu'on ne va peut-être pas aller jusqu'au au bout des choses", a-t-il regretté.

Lors de leur exposé, les juges ont également concédé leurs "difficultés" à mener à bien leurs investigations et "dénoncé très clairement le double langage de la SNCF", qui promettait la transparence, selon Stéphane Gicquel, secrétaire général de la Fédération nationale des victimes d'attentats et d'accidents collectifs (FENVAC), partie civile.

Parmi les obstacles évoqués, selon M. Gicquel, "des communications très tardives et très parcellaires de pièces", "les suspicions de préparation de faux documents" et "les préparations d'entretiens" avant les auditions, qui transparaissent dans les écoutes judiciaires ordonnées par les juges. "Aucun membre de la direction n'a donné d'instructions à qui que ce soit, de dire autre chose que la vérité", a assuré début avril Guillaume Pepy, président de la SNCF.

Dans ce volet du dossier, les juges n'ont pas été saisis par le procureur pour poursuivre leurs investigations sur une éventuelle entrave à la justice ou une subornation de témoins et les parties civiles n'ont pas porté plainte jusqu'à présent.

Le 12 juillet 2013, un train avait déraillé en gare de Brétigny-sur-Orge à cause d'une éclisse - sorte de grosse agrafe sur l'aiguillage -, dont une fissure n'avait pas été détectée lors des tournées de surveillance, et dont trois des quatre boulons s'étaient cassés ou dévissés. L'éclisse avait alors pivoté, provoquant l'accident.

Selon les experts judiciaires, l'aiguillage mis en cause s'est désassemblé progressivement par défaut de maintenance, ce que conteste la SNCF qui privilégie le scénario d'une fissuration rapide et brutale.

 

À LIRE AUSSI

Image
L'accident de Brétigny.
Drame de Brétigny : la SNCF condamnée à financer en partie les frais de justice
La SNCF a été condamnée ce vendredi à verser 60.000 euros de provision pour aider l'association Entraide et défense des victimes de la catastrophe de Brétigny à payer ...
08 avril 2016 - 18:47
Société
Image
L'accident de Brétigny.
Accident de Brétigny : la SNCF nie avoir manipulé l'enquête
Suite aux révélations du "Canard enchaîné" concernant la catastrophe de Brétigny-sur-Orge, le PDG de SNCF Réseau, Jacques Rapoport, a réfuté les informations de l'hebd...
06 février 2016 - 19:50
Société

L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.

Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement  car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.

Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.

Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.

Je fais un don à France-Soir

Les dessins d'ARA

Soutenez l'indépendance de FS

Faites un don

Nous n'avons pas pu confirmer votre inscription.
Votre inscription à la Newsletter hebdomadaire de France-Soir est confirmée.

La newsletter France-Soir

En vous inscrivant, vous autorisez France-Soir à vous contacter par e-mail.