Corrida : les grandes dates de cette pratique controversée

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Lalia Andasmas, édité par la rédaction.
Publié le 11 mai 2017 - 17:12
Mis à jour le 13 mai 2017 - 13:02
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Une corrida en Espagne.
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©Jon Nazca/Reuters
Une manifestation anti-corrida aura lieu à Nîmes le 3 juin prochain.
©Jon Nazca/Reuters
Avec l'arrivée des beaux jours, la corrida va reprendre de plus belle, au grand dam des associations de lutte contre la maltraitance animale. Pour "FranceSoir", Lalia Andasmas, juriste spécialisée dans le droit animalier, revient sur cette pratique controversée.

Spectacles culturels pour les uns et tueries publiques pour les autres, la corrida ne laisse pas indifférent et les manifestations contre cette pratique sont nombreuses. Certaines émanent de grandes associations tel que le Comité radicalement anti-corrida Europe[1] et d'autres sont des actions anti-corrida citoyennes. La prochaine aura d'ailleurs lieu le 3 juin à Nîmes.

Historiquement la corrida n'a pas toujours existé en France. Elle a su s'imposer en trois temps[2]. Entre 1853 et 1884, la non prise en compte de la loi protectrice des animaux du 2 juillet 1850[3] et la complaisance jurisprudentielle et administrative ont permis à la corrida de s'installer sur le territoire national. Ensuite entre 1884 et 1951, les juges du fond et les maires ont fait de la résistance face aux interdictions posées par l'administration et aux censures de la Cour de cassation mais, et c'est le 3e temps, la loi du 24 avril 1951[4] a autorisé exceptionnellement les corridas.

Et depuis la décision du Conseil constitutionnel[5] du 21 septembre 2012[6], un quatrième temps est venu s'ajouter à la liste. En effet, le Conseil constitutionnel a été saisi par le Conseil d'Etat[7] d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) posée par les associations "Comité radicalement anti-corrida Europe" et "Droits des animaux". Cette question avait pour objet l'article 521-1 du Code pénal[8] dont la vocation est la répression de certains sévices contre les animaux domestiques ou tenus en captivité. Le Conseil constitutionnel a déclaré que les courses de taureaux sont conformes à la Constitution[9]. Pour autant une future loi pourrait remettre en cause cette pratique.

La particularité de la corrida est d'être une exception aux règles de protection pénale des animaux domestiques, apprivoisés ou tenus en captivité. Il en va ainsi par exemple de l'interdiction de pratiquer des "sévices graves ou actes de cruauté envers les animaux[10]". Toutefois la corrida est légale lorsqu'"une tradition locale ininterrompue peut être invoquée". Cette notion est souverainement appréciée par les juges du fond[11] qui en ont eu une interprétation extensive[12]. Par exemple, le terme local dépasse les limites administratives de la commune voire du département. Evidemment, tout le territoire national n'est pas concerné par ce genre de spectacle: "la pratique de la corrida s'est progressivement, depuis le XIXe siècle, enracinée dans quatre régions, douze départements et quarante-sept villes du sud de la France". Environ 200 spectacles de corrida sont ainsi programmés chaque année[13].

Ces dernières années, l'actualité sur la corrida a surtout concerné son éventuelle entrée au patrimoine culturel immatériel[14] (PCI). Selon l'article 12 de la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel[15] "pour assurer l'identification en vue de la sauvegarde, chaque État partie dresse, de façon adaptée à sa situation, un ou plusieurs inventaires du patrimoine culturel immatériel présent sur son territoire. Ces inventaires font l'objet d'une mise à jour régulière".

En avril 2011, le ministère de la Culture et de la Communication a inscrit la corrida sur la liste du PCI établie en France. Les associations agissant en faveur de l'interdiction de la corrida sont alors intervenues sans pour autant aboutir à une annulation de l'inscription. En effet, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur requête le 3 avril 2013[16]. Entre temps, le ministère de la Culture et de la communication a retiré la fiche d'inscription de la corrida. La Cour administrative d'appel de Paris[17] ayant été saisie a alors considéré qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions des associations. Un pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat a ensuite été effectué par l'Observatoire national des cultures taurines (ONCT) et l'Union des villes taurines de France (UVTF) afin de voir annuler cet arrêt de la Cour administrative d'appel. Le pourvoi a été rejeté, confirmant ainsi la position des juges du fond. Par conséquent, la corrida ne fait pas partie du patrimoine culturel de la France.

Il faut savoir que "Le taureau de combat (...) est domestiqué afin de développer son instinct de défense, sa bravoure[18]". Ainsi selon le vocabulaire usuel en la matière, le taureau est brave. Par conséquent, le taureau en tant qu'animal domestique[19] , qui plus est un être vivant doué de sensibilité[20], est dressé pour acquérir beaucoup d'agressivité afin d'être tué en public sous les applaudissements d'adultes et d'enfants. Les paroles de la chanson de Francis Cabrel raisonnent encore… "Est-ce que ce monde est sérieux?".

_________________________________________________________________

[1] http://www.anticorrida.com/carte-evenements-corrida/

[2] Xavier Perrot, Du spectacle à la tradition. Pénétration et fixation de la corrida en France (1852-1972). RSDA n° 2/2009 p. 165 et s. http://www.unilim.fr/omij/files/2013/10/59_RSDA_2-2009.pdf

Pour une approche historique cf. Elisabeth Hardouin-Fugier, Histoire de la corrida en Europe du XVIIIe au XXIe siècle. Connaissances et Savoirs. 2005

[3] https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000332380&categorieLien=id

[4] Loi n°51-461 du 24 avril 1951 portant modification de la loi du 2 juillet 1850 relative aux mauvais traitements envers les animaux, JORF du 25 avril 1951, p. 4139.

[5] Décision n° 2012-271 QPC du 21 septembre 2012.

[6] Jean-Pierre Marguénaud, "Tel est pris par la QPC qui croyait prendre la corrida", RSDA 1/2012, p. 35 et s. http://www.unilim.fr/omij/files/2013/10/98_RSDA_1-2012.pdf

[7] Décision n° 357798 du 20 juin 2012

[8] https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000006418952&cidTexte=LEGITEXT000006070719

[9] Cette décision est discutable cf. Olivier Le Bot, "QPC anti-corrida: une saisine prévisible, une décision discutable", RSDA n° 1/2012, p. 169 et s. http://www.unilim.fr/omij/files/2013/10/98_RSDA_1-2012.pdf

[10] Article 521 du Code pénal.

[11]Cass. crim., 27 mai 1972, Bull. crim., n° 171, D. 1972, p. 564.

[12] Cf. Suzanne Antoine, Le droit de l'animal, Legis France, p. 84 et s.

[13] TA Paris, 3 avril 2013, n° 1115219 et n° 1115577, Fondation Franz Weber et a. :JurisData n° 2013-007531.

[14] Jean-Pierre Marguénaud, "La corrida aux portes du patrimoine culturel immatériel de l'humanité?", RSDA n° 1/2011, p. 29 et s. http://www.unilim.fr/omij/files/2013/10/96_RSDA_1-20111.pdf

[15] https://www.legifrance.gouv.fr/eli/decret/2006/11/17/MAEJ0630093D/jo/texte

[16] TA Paris, 3 avril 2013, n° 1115219 et n° 1115577, Fondation Franz Weber et a. :JurisData n° 2013-007531. Ce jugement est décevant et critiquable Cf. Florence Duvigneau, A propos des corridas. Droit administratif, juillet 2013, comm. 55.

[17] Cour administrative d'appel, Paris, Chambre 6, 1er juin 2015- n°13PA02011.

[18] Jean-Baptiste Seube, "La corrida: une légalité, une légitimité", RSDA n° 2/2009, p.135 et s. http://www.unilim.fr/omij/files/2013/10/59_RSDA_2-2009.pdf

[19] Cass. Crim. 15 Février 1895.

[20] Article 515-14 du Code civil.

 

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