Du Bataclan au Panthéon : le parcours de naturalisation d'un jeune Chilien

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Par AFP
Publié le 06 juillet 2017 - 17:17
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David Fritz Goeppinger au Panthéon le 6 juillet 2017
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© PATRICK KOVARIK / AFP
David Fritz Goeppinger au Panthéon le 6 juillet 2017.
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Il n'en avait jamais fait la demande mais après avoir été retenu en otage le 13 novembre 2015 au Bataclan et un échange qui l'a ébranlé avec un jihadiste, David Fritz Goeppinger a voulu "devenir français". Jeudi, une cérémonie au Panthéon parmi 450 personnes a officialisé sa nouvelle nationalité.

"La France pour moi, c'était aller à la préfecture tous les ans, faire la queue pendant des heures après une nuit blanche..." pour renouveler son titre de séjour, raconte le jeune homme de 25 ans, longs cheveux, barbe de jais et look métalleux.

Arrivé avec ses parents du Chili en 1996, la France ne lui avait apporté "que de la merde", se disait-il. Jusqu'au 13 novembre 2015.

Dans une vidéo célèbre de cette soirée maudite, on aperçoit David, suspendu dans le vide, se tenant aux barreaux d'une fenêtre donnant sur une ruelle adjacente au Bataclan. Forcé de remonter par l'un des trois assaillants, il a ensuite été pris en otage avec une dizaine d'autres dans un couloir de la salle de spectacle, jusqu'à l'assaut de la BRI. A un mètre à peine d'un des tueurs, il a été violemment projeté contre un mur lorsqu'il s'est fait exploser.

Le jihadiste, Omar Ismaïl Mostefaï, l'avait interpellé peu auparavant.

- "Qu'est-ce que tu penses de François Hollande ?

- Je pense rien, je suis pas Français.

- "Tu viens d'où ?

- Je suis Chilien".

"J'ai senti un désintéressement, quelque chose qui s'est déconnecté dans son regard", se souvient David, encore troublé.

Puis, lorsqu'un assaillant choisit David comme bouclier humain, Mostefaï désigne quelqu'un d'autre. David ignore encore pourquoi.

"En sortant du Bataclan, je me suis dit +je veux devenir Français+. Je ne suis pas Français, je ne suis pas Chilien, je suis Franco-chilien. A Mostefaï, ça m'a fait mal de lui dire +je suis Chilien+", analyse-t-il, évoquant "quelque chose du domaine de l'Histoire et de l'identité".

Décidé, il appelle "150 fois" la préfecture de l'Essonne où il vit, se voit proposer un rendez-vous un an après.

- 'Comme si je sortais du placard' -

Quelques mois plus tard, par l'intermédiaire de Caroline Langlade, présidente de Life for Paris, l'une des associations de victimes créée après le 13-Novembre, il glisse une lettre à Juliette Méadel, secrétaire d'Etat à l'aide aux victimes, une fonction depuis supprimée du gouvernement d'Edouard Philippe.

Il y écrit "tout ce que la France (lui) a offert".

"J'avais un peu honte de me faire pistonner, de me servir de mon statut de victime, mais peut-être que c'est mon droit, justement, d'utiliser le secrétariat aux victimes".

La réponse ne tarde pas, le ministère de l'Intérieur l'appelle et le met en contact avec la personne chargée des naturalisations.

En février, David reçoit un courrier lui annonçant "vous êtes devenu Français tel jour par décret". Il exulte. "C'est un peu comme si je sortais du placard", sourit-il.

Jeudi, David aura sa cérémonie de naturalisation. Pourtant, dit-il, "je ne suis "personne pour être au Panthéon".

Lui qui a été photographe, puis barman, ne travaille plus, ne prend plus les transports en commun. S'il se marie dans un an et rêve d'être papa, il reste "profondément marqué": "Il y a deux semaines, on m'a appris que je n'en suis pas sorti indemne". L'effet de souffle de la ceinture explosive de Mostefaï le contraint à prendre deux traitements, probablement à vie.

Le "13" est gravé dans sa chair. Sur la peau de son bras, il a inscrit en chiffres romains la date et le chiffre 5, comme le nombre de copains, tous rescapés, qu'ils étaient ce soir-là.

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