En Haute-Loire, le procès des cheveux tirés par l'institutrice
C'était un peu le procès de la vieille école. Deux enseignantes étaient jugées mardi devant le tribunal du Puy-en-Velay pour des cheveux tirés et des tapes sur la tête, entre autres "violences" qu'elles auraient commises sur des élèves.
A la barre, Christine Rouquet et Pascale Iappini-Senselme, 54 ans, ne semblent pas comprendre ce qu'elles font là. Trois décennies qu'elles sont dans le métier, et aucune sanction à ce jour, fait remarquer leur avocat, Me Thomas Callen.
Mais à la suite d'une plainte de parents, elles se sont bel et bien retrouvées en garde à vue chez les gendarmes, soupçonnées de violences commises entre 2013 et 2016 sur douze enfants - cinq filles et sept garçons - à l'école maternelle et primaire de Vieille-Brioude (Haute-Loire), bourgade de 1.200 âmes entre Le Puy-en-Velay et Clermont-Ferrand.
"Un dossier très difficile où beaucoup de choses ont été dites", admet le président du tribunal, André-Frédéric Delay. Parfois tout et son contraire. Et qui a suscité "beaucoup d'émoi". Dans la salle d'audience, les proches des victimes et les soutiens des prévenues ne croisent pas leurs regards.
La procédure repose principalement sur les témoignages des élèves. Ils font état de cheveux tirés, parfois les oreilles; de tapes derrière la tête, de claques, de coups de pied au derrière. Ainsi que de propos considérés comme humiliants ou insultants, et de mises à l'écart, dans la classe ou dans le couloir, en guise de punitions.
Christine Rouquet, actuellement en congé maladie comme sa collègue, a été mise en cause par deux enfants. Elle reconnaît des gestes "inappropriés", des réactions "malvenues, impulsives", à des moments où elle était "dépassée" par l'indiscipline de certains. Mais il n'y avait là "aucune malveillance, aucune violence", selon elle.
"La +claque+, c'était ça", montre l'enseignante au tribunal en se faisant une petite tape derrière la tête. "Ce n'était pas des coups (...) Tirer la couette, c'était juste faire ça", explique-t-elle encore en tortillant une mèche de ses cheveux. Avant de se rasseoir, les larmes aux yeux.
- 'Limaces, c'était pas une injure' -
Une dizaine d'élèves ont accusé, eux, Pascale Iappini-Senselme, qui se dit "très surprise" par cette affaire.
"Vous estimez que vous n'avez rien à vous reprocher ?", lui demande le président Delay. "Pas dans de telles proportions. Le terme +violences+, je le trouve disproportionné."
Les "gestes brutaux", "ça venait quand on s'agace, pour faire revenir la classe dans le bon sens, c'était pas pour faire mal". Et "quand je traitais des enfants de +limaces+, c'était pas une injure", objecte l'institutrice.
C'est que les temps ont changé, les méthodes pédagogiques aussi, philosophe le président. "Y a peut-être des choses qui sont bonnes, à l'ancienne. La potée c'est bon, à l'ancienne, mais manifestement votre enseignement à l’ancienne, c'est pas bon", confirme l'avocat de deux familles, Me Jean-Louis Terriou.
Le conseil de la défense, lui, juge impossible d'apprécier la réelle violence des gestes reprochés aux enseignantes. "Je n'ai pas dans cette affaire le moindre élément objectif, les preuves se résument à l'audition de dix enfants", a plaidé Me Callen en demandant la relaxe.
Le procureur Nicolas Rigot-Muller a requis 1.000 euros d'amende, dont la moitié avec sursis, à l'encontre de Mme Rouquet; deux mois de prison avec sursis, assortis de 500 euros d'amende, à l'encontre de Mme Iappini.
Jugement le 9 mai.
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