Viry-Châtillon : la police sous le choc de la décision de justice

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Laurence Beneux, journaliste pour FranceSoir
Publié le 20 avril 2021 - 21:26
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Un homme sans abri est décédé jeudi après avoir été blessé par balle la veille lors d'une intervention policière à Paris durant laquelle il a grièvement blessé trois policiers
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© PHILIPPE LOPEZ / AFP/Archives
La police, indignée par la décision de justice..
© PHILIPPE LOPEZ / AFP/Archives

« J’ai d’abord cru que c’était une fake news… »

C’est ainsi qu’Antoine Villedieu a accueilli le verdict du procès en appel des 16 accusés de tentatives de meurtre sur quatre policiers à Viry-Châtillon. Un verdict rendu trois jours après le tournage de « L’entretien essentiel » publié ce soir par France Soir.

« On est indignés, reprend-il, moi, j’ai honte pour l’avocat général qui a osé dire aux accusés qu’ils étaient "une richesse pour la France". Cette phrase met le feu aux policiers. Le représentant de la société dit à des individus qui ont tenté de brûler vif des gardiens de la paix, qu’ils sont "une richesse pour la France" ! C’est comme si on tuait nos collègues à l’issue de ce procès, comme si ce qui leur est arrivé n’avait aucune importance. D’ailleurs, aucun membre de la hiérarchie n’était présent pour les soutenir. On n’est plus soutenu par notre administration. Les collègues sont humiliés et les délinquants sont tout-puissants. Ils font griller vifs des agents dans un véhicule et on est sur les peines d’un trafiquant de drogue ! Alors que les collègues sont traumatisés à vie, le message envoyé par la justice est très grave. » 

Aucun représentant de syndicat n’était non plus présent au procès et Antoine Villedieu en conçoit beaucoup de culpabilité ! « On est autant fautifs que la hiérarchie, regrette-t-il, on aurait dû tous faire corps et être présents. Nous devons tous participer au rassemblement devant les tribunaux initié par Alliance. Ce n’est pas le moment de faire du « mauvais corporatisme. La question dépasse les clivages entre syndicats. On doit y aller en tant que collègues. Sinon, on va nous donner quelques croquettes verbales mais on ne nous donnera jamais ce que nous attendons. 

Emmanuel Macron se vante qu’il y aura dix mille policiers en plus à la fin de son quinquennat. Mais il peut en mettre cinquante mille en plus, si la justice ne suit pas, ça ne servira à rien ! Les délinquants n’auront pas peur. On critique de partout le laxisme judiciaire, et la profession était dans l’attente de cette décision de justice. On l’espérait ferme, et c’est tout le contraire qui arrive !

C’est la souveraineté que l’on abolit petit à petit, concentrée entre les mains de « sachants » au détriment du peuple. La justice intervient pour protéger la société, et elle a estimé que les accusés n’étaient pas assez dangereux pour mériter une lourde peine. Qu’ils peuvent rester libres ou sortir vite. La justice ne remplit plus son rôle. Elle juge en fonction d’idéologies au lieu de protéger les gens. Et on solde le code pénal ; on est en train de solder les peines !

Ma collègue enfermée dans une voiture en feu a supplié des criminels de la laisser sortir. Ce sont les policiers qui doivent supplier les criminels de les laisser sortir. Pour qu’on en soit là, c’est que la justice ne nous protège pas. Et elle envoie ce message « vous pouvez faire ce que vous voulez aux policiers, nous serons conciliants parce que vous êtes une richesse pour la société » !

« Nous sommes tous très en colère. La tristesse que je ressens, c’est par rapport à nos collègues. Personne ne peut imaginer ce qu’ils ont subi ». Le mot « tristesse » est lâché . Car c’est effectivement une immense tristesse qui émane de la voix d’Antoine Villedieu. Et derrière tous les policiers et conjoints des forces de l’ordre interviewés. Derrière la rage, survit la douleur. « On attend que tous les policiers se mettent en CMO (congés maladie ordinaire – NDLR) » commente d’ailleurs l’un d’entre eux.

« Tous les ans, il y a une grève du zèle, mais ça ne sert à rien, explique un autre. Ca fait juste chier le chef de service, personne n’en parle, et puis ça passe… »

Derrière la rage, un fort sentiment d’impuissance. Une impuissance qu’Aurélie Laroussie, présidente de l’association des FFOC (Femmes des Forces de l’Ordre en Colère), commente avec peu d’indulgence. A défaut de présence syndicale au procès de Viry-Châtillon, l’association était là pour soutenir les victimes au moment du verdict : « Je vois tous ces représentants syndicaux qui y vont de leur commentaire à la télé, mais ce sont des hypocrites, et je n’ai pas été à leur manifestation », s’emporte Aurélie Laroussie. « Pas un n’était là au procès ! C’est dans les bras de Perrine (Perrine Sallé, porte-parole de l’association - NDLR) que Jenny (la policière brûlée lors de l’attaque - NDLR) a fondu en larmes. Ils s’indignent maintenant, mais à 14 heures, ils vont tous repartir bosser pour faire du chiffre. J’ai accueilli le verdict avec rage, mais sans surprise. C’est comme ça, tu peux crever du flic, et dans les faits, c’est pas un facteur aggravant comme ça devrait l’être, comme la loi le dit. Et il y a un gros problème avec les mineurs. A 14 ans, certains sont extrêmement violents et ils ne risquent quasiment rien. Et j’en veux aussi beaucoup aux policiers parce qu’au bout du compte, ils se résignent. Ils ne se révoltent pas, et se laissent mettre la pression par cette politique du chiffre, même s’ils ne l’aiment pas.»

« C’est à cause de l’attaque de Viry-Châtillon que la Mobilisation des Policiers en Colère est née, présidée par mon amie Maggy. Et on est tellement maltraitée dans la police, que Maggy a fini par se suicider. Quand j’ai vu que même ses collègues ne se sont pas déplacés à ce procès pour soutenir des policiers qu’on a fait brûler, j’ai pensé à elle. J’en ai pleuré. Je me suis dit que mon amie Maggy s’était battue et était morte pour rien. J’ai tellement la haine que j’envisage de tout laisser tomber. Pourquoi se battre pour une profession qui ne se défend pas elle-même ?! » 

Une opinion qui n’est pas partagée par Antoine Villedieu. Lui pense que les forces de l’ordre vont finir par réagir énergiquement, car « on ne peut pas cracher sans arrêt sur une profession sans qu’elle ne réagisse ».

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