Procès AZF : la défense compterait jouer sur la thèse de l'attentat djihadiste
C'est le troisième et sans doute le dernier procès de la pire catastrophe industrielle en France depuis 1945: la cour d'appel de Paris se penche pour quatre mois sur l'explosion du complexe chimique AZF, qui a fait 31 morts en septembre 2001.
Un homme, l'ancien directeur de l'usine Serge Biechlin, âgé de 72 ans, et une entreprise, la SA Grande Paroisse, filiale du géant de l'énergie Total, comparaissent à partir de ce mardi 24, pour 53 journées ou demi-journées d'audience: les lundi et mardi à partir de 13h30 (heure de Paris), le jeudi à partir de 9h.
Le procès-fleuve, devant une chambre spécialisée dans les "accidents collectifs", devrait s'achever le 24 mai.
Accusé en particulier d'homicides involontaires, Serge Biechlin risque jusqu'à 3 ans d'emprisonnement et 45.000 euros d'amende; l'entreprise encourt elle 225.000 euros d'amende. Le groupe Total et son ancien PDG Thierry Desmarest seront là également, car visés par une "citation directe" de certaines parties civiles.
Ce sera à la cour d'appel de dire si elle juge, comme le réclament ces victimes, la multinationale et son ancien patron, qui n'avaient pas été mis en examen. La première journée devrait être consacrée à l'appel des 187 témoins, une procédure qui permettra de se faire une idée de la stratégie de la défense.
Les avocats de M. Biechlin et de la société Grande Paroisse veulent par exemple interroger le politologue Gilles Kepel, auteur de nombreux ouvrages sur l'islam radical: une manière de soulever l'hypothèse terroriste alors que certaines incertitudes persistent sur les circonstances exactes de l'explosion.
C'est faute de certitudes justement que le tribunal correctionnel de Toulouse avait en 2009 prononcé une relaxe générale, laquelle avait fait scandale dans une ville où, quinze ans après, le souvenir du 21 septembre 2001 reste très douloureux.
Les juges avaient indiqué que l'hypothèse la plus probable était celle d'un accident industriel, rendu possible par des négligences dans la gestion de cette usine chimique à risque, dont les produits servaient en particulier à la fabrication d'engrais et d'explosifs à usage civil. Mais faute de preuves indiscutables, le tribunal avait estimé qu'une condamnation pénale n'était pas possible.
Selon la plupart des experts, l'explosion d'une violence inouïe, qui a fait 31 morts et 8.000 blessés, dont une très grande partie gardent des séquelles notamment auditives, et des dégâts à des kilomètres à la ronde, a été causée par le contact entre deux substances incompatibles: du nitrate d'ammonium et du chlore.
Il y avait eu un appel, et un deuxième procès avait débouché au contraire sur des condamnations de l'ancien directeur et de l'entreprise à des peines maximales, en 2012. Mais cette décision a été purement et simplement annulée en raison de doutes sur l'impartialité d'un magistrat.
Pour Me Daniel Soulez-Larivière, avocat de Serge Biechlin et de la société Grande Paroisse, l'enquête a été "biaisée" dès le début et orientée vers l'hypothèse d'un accident, la plus défavorable pour ses clients, afin de ne pas inquiéter les Toulousains dix jours après l'attentat contre les tours jumelles du World Trade Center.
La défense devrait également insister sur l'existence de foyers de radicalisation à Toulouse dès le début des années 2000, bien avant les tueries du djihadiste Mohamed Merah en 2012. Le jugement de première instance, le seul valide en droit, avait admis que l'hypothèse terroriste ne pouvait être totalement exclue, bien qu'elle ne soit étayée par "aucun élément objectif".
Pour la majorité des parties civiles, c'est pourtant bien une mauvaise manipulation, liée à des défaillances dans l'exploitation du site, qui a causé l'explosion. Au-delà du fond du dossier, la tenue des audiences à Paris hérisse une partie des victimes, qui s'estiment "volées" de leur procès.
Les audiences seront retransmises en direct à Toulouse, dans des salles pouvant accueillir 700 personnes. Le parquet général de Paris a par ailleurs désigné une association pour "accompagner et informer" les victimes tout au long des quatre mois de procès.
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