A Saint-Etienne-du-Rouvray, le souvenir du prêtre bientôt béatifié marque la Semaine sainte
"En ce jour de Vendredi Saint nous pensons à notre chemin de croix du 26 juillet 2016. Reposez en paix": près de l'entrée de l'église de Saint-Etienne-du-Rouvray, en banlieue de Rouen, un paroissien a parfaitement résumé l'état d'esprit général, en écrivant sur le registre d'hommages au père Jacques Hamel, assassiné l'an dernier par deux jihadistes.
Le registre a été posé sur une table, avec un bouquet de roses rouges et un autre de muguet. Au mur a été accroché un tableau représentant le prêtre de profil, penché sur un livre de messe, une auréole au dessus de la tête. Il a été peint, deux jours après le drame, par Moubire qui se présente comme un "croyant musulman".
Près de neuf mois après avoir subi ce terrible choc - à ce jour le dernier attentat meurtrier en France, bien qu'il y ait eu plusieurs tentatives évitées de justesse ces derniers mois -, Saint-Etienne-du-Rouvray n'a rien oublié.
Certains veulent tourner la page, notamment des commerçants, un peu las des sollicitations médiatiques. "La vie continue", juge de façon lapidaire un fleuriste.
Mais les fidèles entretiennent au contraire le souvenir. D'autant que l'archevêché de Rouen a annoncé jeudi que le processus était enclenché au sein de l'Eglise catholique pour la béatification du prêtre martyr.
Ce procès, selon la terminologie catholique, visant à faire du prêtre un bienheureux, est une étape pouvant mener un jour à sa canonisation.
Que ce prêtre, tombé dans sa 86e année au pied de son autel, devienne un jour un saint de l'Eglise, est évidemment le souhait le plus cher de ses paroissiens.
- "Proximité avec le Christ" -
"J'avais parlé avec lui des autres attentats qui avaient eu lieu en France et il m'avait dit: +Maria, ils ne savent pas ce qu'ils font+", confie Maria Velardita, la sacristine de l'église, soulignant la ressemblance avec la phrase prononcée par le Christ sur la croix selon les Evangiles: "Père pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu'ils font".
"Il a montré sa proximité avec Jésus en réussissant à la fin de sa vie à transformer la violence, le meurtre en acte d'amour, c'est ça qui fait le martyre", explique le père Paul Vigouroux qui, en tant que postulateur, va superviser le procès en béatification.
"On a recueilli déjà un certain nombre de documents, homélies écrites, éditoriaux dans la presse paroissiale, divers courriers et de nombreux témoignages de prêtres de chrétiens laïcs, autant d'éléments qui forgent une réputation", explique-t-il.
Le "tribunal", composé de plusieurs ecclésiastiques et présidé par l'archevêque de Rouen, Mgr Dominique Lebrun, examinera tous les éléments et enverra ses conclusions à Rome, où la Congrégation pour la cause des saints soumettra un éventuel décret à l'approbation du pape François. Ce dernier avait rendu un fervent hommage au prêtre assassiné et a déjà accéléré la procédure.
Dans l'église du martyre, au cours de la célébration du chemin de croix vendredi, une cinquantaine de personnes étaient présentes.
Parmi elles le petit groupe qui assistait à la messe matinale du père Hamel quand les deux jihadistes ont fait irruption dans l'église. Seule une des trois religieuses, rentrant tout juste d'un séjour à l'hôpital, était absente.
Le père Auguste Moanda-Phuati, d'origine congolaise, seul prêtre de la paroisse désormais, tenait une grande croix dorée pendant la cérémonie qui était dirigée par l'aumônier de l'hôpital Cochin de Paris, Franck Derville, appelé en renfort par le diocèse de Rouen.
Guy Coponet, 87 ans, le paroissien présent avec son épouse le 26 juillet, qui avait été poignardé lui aussi mais avait survécu, a participé activement à la cérémonie.
"Tu es un cadeau du Christ", a plaisanté quelqu'un de l'assistance à la fin de l'office, en le prenant dans ses bras.
"Je n'y suis pour rien, c'est que ça devait se passer comme ça", a répondu humblement le vieil homme.
La messe de Pâques doit avoir lieu dimanche à Sainte Thérèse, la deuxième église stéphanaise, située sur les hauteurs de la ville, à côté d'une mosquée.
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