Suicide sur Periscope : "les jeunes se définissent aujourd'hui par l'image", explique un psychiatre

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La rédaction de FranceSoir.fr avec AFP
Publié le 12 mai 2016 - 18:50
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Jeune femme sur son téléphone portable.
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©Sascha Kohlmann/Flickr Creative Commons
Le suicide d'une jeune femme de 19 ans, mardi en direct sur Periscope, illustre la place prise par l'image dans la vie des jeunes qui "se définissent à travers ce qu'ils montrent d'eux-mêmes".
©Sascha Kohlmann/Flickr Creative Commons
Une enquête a été ouverte mercredi suite au suicide d'une jeune femme diffusé en direct grâce à l'application Periscope. La victime explique notamment avoir été violée, nommant son agresseur présumé qui a été entendu par la justice. Le drame relance le débat autour de ce réseau social qui a déjà connu plusieurs polémiques.

Le suicide d'une jeune femme de 19 ans, mardi en direct sur Periscope, illustre la place prise par l'image dans la vie des jeunes qui "se définissent à travers ce qu'ils montrent d'eux-mêmes", notamment sur les réseaux sociaux, souligne Xavier Pommereau, psychiatre spécialiste des adolescents suicidaires.

> Comment expliquer cette mise en scène de sa propre mort?

"Les jeunes sont des enfants de l'image qui se définissent par l'image. Ils sont nés avec la révolution numérique et utilisent naturellement toutes les nouvelles technologies. Ils se définissent à travers ce qu'ils montrent d'eux-mêmes bien plus qu'à travers ce qu'ils peuvent dire de leur histoire. Leur souhait, comme tout humain, est en outre d'être reconnus. D'ailleurs, le mot le plus répandu sur les réseaux sociaux, c'est être +populaire+. Le but du jeu, quel qu'il soit, un défi alcoolisé, une pitrerie ou malheureusement placer ses followers devant un drame, c'est d'obtenir un maximum de suffrages.

"Quand un jeune veut se suicider, il veut faire cesser sa souffrance, reprendre la main en agissant. Cette jeune fille a eu besoin d'être suivie dans sa trajectoire suicidaire avec la pensée que ses followers allaient la venger de celui dont elle s'estimait victime puisqu'elle se plaignait d'avoir été violée par un garçon. Les suicides sont souvent mis en scène. Cette mise en scène correspond au désir de l'adolescent de mettre fin à cette vie insupportable dans l'espoir de vivre une autre vie, en impressionnant à jamais ceux qui restent. Le suicidé survit en occupant en permanence la mémoire de ceux qui restent."

> Quelles peuvent en être les conséquences?

"Ce dont cette jeune fille n'a pas eu conscience, c'est qu'en entraînant ces gens avec elle, certains pouvaient être traumatisés. Ils ont finalement été pris en otages d'un drame qui s'est joué devant leur écran sans pouvoir avoir la moindre prise dessus. Comme souvent dans les suicides chez les jeunes, il y a une forme d'emprise sur les autres. Non pas pour faire du mal, mais par un tel acte, elle triomphe dramatiquement en occupant ensuite la tête de ceux qui vont rester. Cela provoque des psycho-traumatismes probablement du même ordre que le soldat en situation de guerre qui assiste à des choses terribles sans jamais pouvoir intervenir.

"On doit redouter bien sûr des phénomènes d'imitations après des événements de ce genre parce que l'émotion peut entraîner les personnes fragiles et vulnérables à faire la même chose pour +obtenir+ un résultat aussi efficace, même si c'est affreux."

> Que peut-on faire pour prévenir de tels actes?

"Il ne s'agit pas d'interdire les réseaux sociaux. Mais il faut davantage de modérateurs pour anticiper les dangers. Internet, c'est un océan. Mais même dans un océan, il y a des règles. Je pense à cette vidéo vue des millions de fois, qui a circulé pendant des mois sur internet. On y voyait des jeunes filles asiatiques de 18 ou 20 ans, en petites culottes, qui faisaient une ronde. Au milieu un chiot. Elles donnaient des coups de pied à l'animal jusqu'à l'achever. Ces images traumatisantes ne doivent pas rester. Et lorsqu'elles ont été vues, il faut amener les jeunes gens à avoir des temps d'échanges, de paroles avec des adultes, des enseignants. Les journalistes peuvent aussi avoir un vrai rôle à jouer, en décryptant des informations et des images, en expliquant ce qui s'y joue. Tout le monde ayant accès à ces images, il faut les expliquer."

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