Claude Buffet, le criminel qui voulait absolument être guillotiné.

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Laurence Beneux
Publié le 10 mai 2024 - 09:27
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Buffet
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AFP
Un corbillard contenant les corps de Claude Buffet et Roger Bontems quitte la Prison de la Santé pour le cimetière du Kremlin Bicêtre le 28 novembre 1972 à Paris, après leur exécution par guillotine à 5h13 et 5h20 dans la cour de la Prison de la Santé.
AFP

« Tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir », dit l’adage. Claude Buffet ne partageait visiblement pas ce point de vue.

En effet, ce petit truand aurait probablement laissé peu de traces dans la mémoire collective, auteur parmi beaucoup d’autres de faits divers sordides, s’il n’avait montré une volonté obstinée et atypique d’être guillotiné.

Paradoxalement, c’est cette passion un tantinet suicidaire qui va être à l’origine du combat de Robert Badinter contre la peine de mort.

Claude Buffet est issu d’une famille modeste et grandit sous le joug d’un père violent et alcoolique.

En 1953, alors âgé de 20 ans, le jeune homme s’engage dans la Légion étrangère dont il déserte un an plus tard. Cette désertion lui vaut un peu de prison, avant d’être envoyé en Algérie puis au Maroc, où il va servir dans le 4ème Régiment étranger de la Légion.

« L’agresseur des femmes seules »

Démobilisé en 1958, il travaille de temps en temps, mais surtout se spécialise dans le vol à l’arraché. Il repère des femmes seules, leur arrache leur sac à main, puis prend la fuite dans une voiture qu’il a préalablement volée.

Mais le 17 janvier 1967, c’est le dérapage. Buffet vole un taxi, et se fait héler par une jeune femme. Il la fait monter dans le véhicule, mais au lieu d’emmener sa passagère à destination, il s’arrête dans un coin isolé près du bois de Boulogne. Il la braque ensuite avec un pistolet et exige qu’elle lui donne son sac. Malheureusement, sa victime se rebiffe et se met à hurler. Buffet tire et la tue.

Pour brouiller les pistes, il tente de maquiller son forfait en crime sexuel. La police remonte cependant jusqu’à lui, et il est arrêté quelques jours plus tard. Il avoue une quarantaine d’agressions, ce qui lui vaut d’être surnommé « l’agresseur des femmes seules », ainsi que le meurtre de l’infortunée cliente du taxi.

« Guillotinez-moi ! »

À partir de ce moment, Buffet ne va cesser de réclamer la peine capitale pour… lui-même ! Il veut absolument être guillotiné. Pour mettre toutes les chances de son côté, il récuse son avocat et est défendu par deux commis d’office inexpérimentés durant son procès.

Pourtant, l’avocat général ne l’entend pas de cette oreille. Il réclame la réclusion criminelle à perpétuité et les jurés le suivent. Buffet, fou de rage, hurle qu’il récidivera.

En prison à Clairvaux, il rencontre Roger Bontems, ancien militaire lui aussi, qui purge une peine de 20 ans pour braquage.

Bontems a déjà plusieurs tentatives d’évasion à son actif, et il convainc Buffet de se joindre à lui dans un nouvel essai de se faire la belle.

Le 21 septembre 1971 au matin, les deux hommes prétendent avoir mal au ventre et quatre surveillants les conduisent à l’infirmerie. Les deux candidats à l’évasion s’y enferment avec trois otages : l’infirmière, le gardien et un détenu infirmier qu’ils finissent par relâcher.

Ils menacent les deux otages restants avec un couteau. Il est rapporté que Buffet avait l’intention de les tuer quoi qu’il arrive.

Une prise d’otages fatale.

Les négociations avec le procureur de la République commencent. Les deux criminels exigent deux voitures, des armes et un million de francs, exigences que, bien sûr, les autorités excluent de satisfaire.

Dans la nuit du 21 au 22 septembre, la police donne l’assaut. Buffet égorge alors les otages.

Ses vœux de condamnation à mort sont satisfaits lors du procès devant la cour d’assises de l’Aube, qui se tient le 27 juin 1972 et le condamne à la guillotine.

En ce qui concerne Bontems, l’enquête a établi qu’il n’a pas tué les otages. Les jurés estiment cependant que sa complicité active le rend lui aussi coupable des meurtres.

Il est donc également condamné à la peine capitale. Il tente un pourvoi en cassation, rejeté le 12 octobre 1972.

Georges Pompidou refuse la grâce présidentielle.

Les avocats de Buffet, maître Thierry Lévy et maître Rémi Causte et ceux de Bontems, maître Philippe Lemaire et maître Robert Badinter font alors une demande de grâce auprès du président de la République, Georges Pompidou.

Une grâce dont Buffet ne veut pas. Il écrit d’ailleurs au président et le menace de tuer à nouveau, « quelle que soit la prison » où il serait incarcéré, si ce dernier avait le mauvais goût de lui épargner la guillotine.

Georges Pompidou refuse la grâce demandée, et les deux hommes sont exécutés le 28 novembre 1972 au matin, dans la cour de la prison de la santé.

Robert Badinter n’accepte pas que son client ait été condamné à mort alors qu’il n’avait tué personne. C’est le sort de Bontems, sorte de victime collatérale de la folie meurtrière et suicidaire de Buffet, qui est à l’origine du combat du futur Garde des sceaux de François Mitterrand pour l’abolition de la peine capitale. Pour que plus jamais « cette justice » ne tue.

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