Cinquante ans qu’on ne crée plus assez de médecins
Chacun l’aura constaté, il est de plus en plus difficile de trouver un médecin généraliste, en particulier dans les banlieues des villes et en zone rurale. Il faut trop souvent attendre longtemps pour obtenir un rendez-vous avec un spécialiste.
D’après une projection de l’Ordre des Médecins, nous avons perdu 6,8% de généralistes depuis 2010 et nous en perdrons autant d’ici 2025. Avec 24% de généralistes âgés qui vont quitter leur cabinet et seulement 21% de médecins de moins de 40 ans, il n’y aura certainement pas de renouvellement générationnel suffisant.
Un médecin de famille des Hauts-de-Seine nous a confié : « Je n’arrive plus à trouver un remplaçant quand je pars en vacances. En sortant de la faculté, les jeunes médecins choisissent plutôt d’aller travailler en hôpital où ils ont des horaires plus confortables. Ils préfèrent être fonctionnaires et monter les échelons plutôt qu’assumer les tracasseries de la sécurité sociale qui nous demande de gérer la paperasse à sa place. Les cabinets devraient pourtant se multiplier car nous sommes limités en nombre de patients. »
Il faut savoir que les Caisses primaires d’assurance maladie (CPAM) peuvent sanctionner les médecins traitants qui dépassent les soixante consultations par jour. Hélas, certains d’entre eux traitent tellement de patients qu’ils prennent parfois le risque de dépasser ce chiffre…
La crise du Covid risque de décourager encore plus les jeunes médecins qui ont pu constater qu’entre janvier et avril 2020, la fréquentation des cabinets de médecins avait chuté de 44% chez les généralistes et de 71% chez les spécialistes. Un Français sur trois a renoncé à se faire soigner pendant le premier confinement.
Si les médecins deviennent rares, c’est aussi parce que pendant cinquante ans, il y a eu un « numerus clausus », c’est à dire une limitation de l’accès en deuxième année de médecine. Le nombre de candidats était à l'époque devenu trop important : de 35 000 en 1963, il y en avait 59 800 en 1967.
Aujourd'hui, la sévérité de la sélection paraît disproportionnée : sur l’année scolaire 2019-2020, seuls 14 238 étudiants en médecine sur 55 252 inscrits ont pu passer en seconde année de médecine, maïeutique, odontologie et pharmacie.
La loi du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé a décidé de supprimer ce numerus clausus à compter de la rentrée universitaire 2021 mais cela ressemble fort à un effet d’annonce, l’entrée en deuxième année dépendant avant tout des capacités d’accueil fixées par les universités elles-mêmes, qui manquent de place.
La relève de la garde risque donc de ne pas être assurée. Il est temps, dans l’intérêt général, de redonner au médecin traitant ses lettres de noblesse : cela commence par un diplôme et finit par une reconnaissance.
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