Dix ans après la mort de l'Abbé Pierre, une foule de disciples tente de poursuivre son action
Dix ans après la mort de l'Abbé Pierre, le 22 janvier 2007, aucune figure charismatique autant aimée des Français ne lui a succédé mais une foule de disciples a fait siens les combats de l'"insurgé de Dieu".
La silhouette bien connue d'Henri Grouès, capeline noire, barbe blanche et béret, a disparu des écrans de télévision. Mais ses mots restent gravés dans les esprits, et surtout ceux prononcés sur les ondes de Radio Luxembourg le premier jour du mois de février 1954: "Mes amis aidez-moi, une femme vient de mourir gelée cette nuit à 3h".
Aujourd'hui, comme lors de chaque hiver, politiques et médias s'inquiètent davantage du sort des sans-abri. Et la situation n'est pas bonne: 50% de SDF en plus en dix ans entre 2001 et 2012, près de 4 millions de mal-logés... "Ca manque, cette capacité incarnée par une seule personne de rendre visibles les situations les plus dures, de pousser la société et les politiques à agir", juge Christophe Robert, directeur général de la Fondation Abbé Pierre.
"Il était intouchable, les responsables politiques avaient peur de ses coups de gueule", renchérit Jean-Baptise Eyraud, infatigable porte-parole de Droit au Logement (DAL), pour qui le "curé de combat" s'était engagé dès les débuts. "Il a joué un rôle très très important dans les rapports de force, et nous a permis de populariser et de gagner des combats". "Après sa mort, ça a été plus difficile. Les gouvernements ont essayé de nous enterrer. Mais ils n'ont pas réussi".
Comme Jean-Baptiste Eyraud, une multitude de militants suivent, à leur façon, la voie du fondateur d'Emmaüs, bataillant contre la pauvreté, l'exclusion, les logements insalubres. "On est un peu les enfants turbulents de l'Abbé Pierre", sourit le porte-parole du DAL.
Prêtre et lyonnais comme lui, Bernard Devert, 69 ans, a fondé il y a une trentaine d'années Habitat et humanisme, aujourd'hui une référence en matière d'insertion par le logement. Quand il a parlé de son projet à l'abbé, celui-ci lui a dit "Allez-y!", raconte-t-il: "Il savait écouter, donner confiance, il refusait la défaite".
Engagé spirituellement, politiquement, résistant, l'Abbé Pierre "était touché par la fragilité de l'homme et lui-même avait avoué ses propres fragilités", note Bernard Devert. Pour l'homme d'Eglise, "il n'y avait pas de respect de Dieu s'il n'y avait pas de respect de l'homme".
Dix ans après son décès, le fondateur d'Habitat et humanisme se rappelle son "magnifique regard, un regard brûlant, un regard qui espère".
Ce week-end, partout en France, la société civile rendra hommage à ce monument national en débattant et fêtant l'engagement militant. A Paris, sociologues, experts, artistes et associatifs réfléchiront, à quelques mois de la présidentielle, à la société de demain.
"Dix ans après, on voulait dire que les héritiers de l'Abbé Pierre sont toujours là et inspirer les politiques, en leur montrant que des solutions existent", explique Thierry Kuhn, président d'Emmaüs France. Aujourd'hui, 19.000 personnes animent le mouvement Emmaüs et 283 associations en sont adhérentes.
Les héritiers de l'Abbé Pierre, "ce sont tous ceux qui se mobilisent, les compagnons, les bénévoles, les militants, toute cette France solidaire", s'enthousiasme Thierry Kuhn, évoquant par exemple Cédric Herrou, agriculteur de 37 ans poursuivi pour avoir aidé des migrants, ou Pierre Rabhi, essayiste, agriculteur bio et fondateur du mouvement citoyen Colibris. "Ils sont des milliers, des dizaines de milliers".
L'Abbé Pierre "est unique", souligne le Père Bernard Devert, "mais nous essayons de poursuivre son action, d'être comme lui des bâtisseurs de lien, de susciter des raisons d'espérer".
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