Ehpad : un début de libération de la parole auprès du 3977
Comme une amorce de libération de la parole: depuis la sortie du livre "Les fossoyeurs" sur les Ehpad du groupe Orpea, la plateforme téléphonique du 3977 a enregistré "une montée en flèche" des signalements de maltraitances, explique son président à l'AFP.
Ce numéro national est dédié à signaler les maltraitances envers les personnes âgées et les adultes en situation de handicap.
En écho aux dysfonctionnements relatés par le journaliste Victor Castanet, les appels reçus par les écoutants du 3977 évoquent le sort d'une maman qui a perdu beaucoup de poids, d'une épouse décédée après une dénutrition sévère ou d'une résidente gravement dépendante dont la toilette est faite en huit minutes top chrono.
"Il y a une forte augmentation: de 20 à 30 signalements quotidiens il y a quinze jours, on est passé à 50", constate Pierre Czernichow, le président de la Fédération 3977, qui gère la ligne téléphonique composée d'une plateforme nationale et de relais départementaux.
"C'est un mouvement suscité par l'actualité" et mieux vaut attendre avant de parler d'une réelle "libération de la parole", qui ne pourra se mesurer que sur "une échelle de temps plus significative", insiste-t-il.
"Une infime partie des situations de maltraitance fait l'objet de signalements", moins de 5% selon une estimation de l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Mais "il y a un contexte général qui fait que les langues se délient. On le voit sur les violences faites aux femmes ou sur l'inceste".
En 2021, le 3977 a ouvert 1.892 dossiers pour des signalements de maltraitances dans des Ehpad. Cela représentait plus d'une alerte reçue sur quatre (27% pour un total de 6.688) et une augmentation de 37% par rapport à 2020. Les personnes âgées sont les principales victimes des situations décrites au téléphone (73%). Les personnes handicapées ont fait l'objet de 1.800 alertes, en hausse spectaculaire de 56% sur un an.
Pierre Czenichow rappelle toutefois que l'année 2020 a été marquée par une stagnation des signalements dans le contexte de l'épidémie de Covid-19.
- Le modèle Ehpad en question -
Alors que "les phases de confinement sont bien identifiées comme favorisant une maltraitance, à domicile notamment", dans les Ehpad, les résidents ont été coupés de leurs proches.
Or "les familles sont majoritairement à l'origine des signalements", explique le président du 3977, pour qui la forte hausse constatée en 2021 peut comporter "une part de rattrapage".
Autre fait notable, les signalements concernent des établissements de tout statut, aussi bien privé lucratif que public ou non lucratif. "Avec cette montée en flèche des alertes constatée ces derniers jours, il est avéré qu'il n'y a pas qu'Orpea dans la vie", résume Pierre Czernichow.
Les types de maltraitances le plus souvent incriminés sont les maltraitances psychologiques, celles liées aux soins, les négligences et les restrictions de droits. En nombre certes limité, les alertes pour des violences sexuelles ont plus que doublé (104 en 2021 contre 42 en 2020).
Pour Pierre Czernichow, c'est le modèle Ehpad qui doit être questionné avec ses indicateurs de "masse critique", ses seuils de "rentabilité" et sa logique "comptable", mais aussi "le manque d'attractivité, de ressources et de reconnaissance des métiers du grand âge".
Le 3977, numéro national, est accessible du lundi au vendredi de 09H à 19H et le samedi et dimanche de 09H à 13H et de 14H à 19H.
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