Monsanto condamné aux États-Unis à 857 millions de dollars de dommages et intérêts pour des “polluants éternels” dans une école
MONDE - Un mois après avoir été condamné pour son glyphosate, plus connu sous la marque Roundup, l'agrochimiste Monsanto, filiale du groupe allemand Bayer, est à nouveau reconnu coupable, dans une affaire liée cette fois-ci à ses polychlorobiphényles (PCB). Un tribunal du comté de King (État de Washington) a condamné la société américaine à verser 857 millions de dollars à des élèves et des parents d’une école, ayant été exposés à cette substance hautement toxique, qualifiée de “polluant éternel”. Monsanto a fait part de sa décision de faire appel, affirmant avoir alerté l’établissement sur les dangers des PCB contenus dans les éclairages. Le groupe fait l’objet d’autres poursuites judiciaires liées aux effets de cette substance.
Les démêlés judiciaires de Monsanto n’en finissent pas. Le groupe allemand Bayer dénombre environ 165 000 affaires rien que pour son produit Roundup. Près des deux tiers de ces dossiers, soit 113 000, ont été résolus ou déclarés irrecevables, et 75 % des 125 000 actions contre la société ont été conclues à l’amiable pour un montant de 10 à 11 milliards de dollars, a-t-elle annoncé en juin 2020.
Monsanto “n’a jamais averti qui que ce soit”
Pour autant, l’agrochimiste n’est pas au bout de ses peines. Monsanto a été condamné lundi 18 décembre à verser la somme rondelette de 857 millions de dollars de dommages et intérêts à des parents et des élèves qui ont été exposés à des polychlorobiphényles, des substances toxiques, écotoxiques et reprotoxiques, très persistantes et qualifiées de “polluants éternels”.
Les sept victimes, cinq anciens étudiants et deux anciens parents d’élèves affirmaient que leur exposition aux PCB, contenus dans les éclairages, leur a provoqué des problèmes de santé.
Felix Luna, avocat des plaignants, a affirmé que Monsanto “n’a jamais averti qui que ce soit” que les PCB dureraient aussi longtemps, plus longtemps même que les installations qui les contenaient. “Ils n’ont jamais prévenu que, lorsqu’ils pénètrent dans l’organisme, ils y restent pour la vie, qu’ils sont neurotoxiques”, a-t-il affirmé.
La société américaine, de son côté, a rappelé que la production des PCB incriminés, censés prévenir le risque d’incendie, a été stoppée depuis 1977. L’école a également été “régulièrement avertie” dans les années 1990 sur la nécessité de remplacer l’éclairage, selon Monsanto. Le groupe a fait état de sa décision de faire appel, comme cela été le cas dans les autres affaires judiciaires liées aux effets des PCB.
La société souligne avoir été mise hors de cause dans plusieurs de ces dossiers, mais des décisions rendues par le passé et qui concernaient des professeurs ainsi que d’autres élèves et parents de cette école, ont infligé à Monsanto plusieurs centaines de millions de dollars de dommages et intérêts.
Les condamnations les plus lourdes prononcées contre la filiale de Bayer concernent néanmoins son désherbant Roundup, fabriqué à base de glyphosate. Il s’agit d’un herbicide utilisé pour éliminer les mauvaises herbes dans les cultures agricoles et les espaces publics. Le produit est depuis de nombreuses années au cœur de procès, de controverses et de débats en raison de ses impacts sur la santé humaine.
L’autorisation de RoundUp en Europe renouvelée pour 10 ans
Aux États-Unis, la Cour suprême a débouté Monsanto, condamnée à verser 25 millions de dollars à un retraité atteint d’un cancer du sang. En novembre, c’est le tribunal du Missouri qui condamne la société américaine à verser 1,5 milliard à trois Américains, qui imputent leur lymphome non hodgkinien à l’utilisation du RoundUp. Le groupe a fait appel de cette décision.
Le produit est toujours autorisé en Europe et la Commission européenne s’est prononcée à la mi-novembre, après un second vote des États membres, en faveur du renouvellement de son autorisation pour 10 ans. La controverse sur les conséquences de l’utilisation du désherbant provient surtout des résultats mitigés des différentes études menées jusque-là. A titre d’exemple, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a classé en 2015 le glyphosate comme un "cancérogène probable" pour les humains, sur la base “des études cas-témoins d'exposition professionnelle conduites en Suède, aux États-Unis et au Canada qui ont montré des risques accrus de lymphome non hodgkinien".
Mais la décision de Bruxelles de prolonger l’autorisation du glyphosate se base surtout sur les conclusions du rapport de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), publié en juillet, selon lequel le glyphosate ne présenterait pas de "domaine critique de préoccupation". Des "nouvelles conditions et restrictions" sont toutefois prévues, comme l'interdiction de l'usage de ce pesticide pour la dessiccation.
En plus de son désherbant Roundup, Monsanto est la seule entreprise à cultiver un OGM (organisme génétiquement modifié) en Europe, son maïs MON 810, autorisé en 2017 par l’Union européenne pour une durée de 10 ans. “Privilège” que la société américaine obtient à travers les puissants lobbyistes de l’agence d’influence FleishmanHillard, dont les pratiques - comme le fichage de personnalités dans un but de lobbying pour lequel l’agrochimiste a été condamné - sont parfois controversées.
Bayer a sans cesse contesté la nocivité du glyphosate après les conclusions de l’OMS. Le groupe allemand, qui a multiplié en 2022 ses bénéfices par quatre grâce à sa filière agro-industrielle, a annoncé en 2021 dégager une enveloppe de 4,5 milliards de dollars supplémentaires pour financer les procédures judiciaires en cours. Le montant total dépensé et dédié aux procès s’élève à plus de 16 milliards de dollars.
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