Tour du monde des traitements : Mexique, des politiques diverses selon les états
On en trouve peu d’échos dans la presse française, mais la situation du Mexique est intéressante et mérite d’être suivie.
Le Mexique est un des pays les plus éprouvés par le Covid-19, avec plus de 1500 décès par million d’habitants (cinq places devant la France et ses 1 300 morts dans le classement des pires bilans mondiaux.) Ce bilan étant d’autant plus mauvais que la population est jeune.
Or, au Mexique comme dans le reste de l’Amérique Latine (et dans une moindre mesure dans le reste du monde), un débat existe sur l’efficacité de l’ivermectine et de l’azithromycine en traitement précoce. Ces divergences conduisent à cette situation particulière : l’utilisation de ces médicaments est recommandée dans certains États du Mexique, depuis diverses dates, et combattue dans d’autres États.
Rappelons que le Mexique est composé de 32 États, ayant chacun un gouvernement doté de compétences en matière de santé. Chaque État a donc sa ou son Ministre de la Santé (Secretario de Salud, abrégé en Sedesa), et sa politique de soins face au Covid-19. Le gouvernement fédéral aussi a son propre Ministère de la Santé (SSA) et ses propres recommandations face au Covid-19.
Les données fournies par le gouvernement central mexicain sur l’épidémie de Covid-19 sont assez riches, ce qui permet a priori de les analyser sous divers angles. En effet, dans les fichiers fournis quotidiennement, pour chaque patient, on peut connaître son lieu de résidence, le lieu où il a été pris en charge, la date d’apparition des symptômes du Covid-19, la date de prise en charge, le statut (confirmé, suspecté ou négatif au Covid-19), la date de l’éventuel décès etc.
Les fichiers fournis par le gouvernement mexicains sont volumineux et difficiles à traiter, mais un site les met à disposition sous forme plus légère, en les divisant en 32 fichiers simplifiés et cohérents : un fichiers décompte le nombre de cas positifs confirmés, par date d’apparition des symptômes pour chaque État de résidence, un autre fichier décompte le nombre de décès avec Covid suspecté, par date de prise en charge et selon l’État de prise en charge, etc.
Les États mexicains ont des politiques de traitement diverses
On peut donc tenter de comparer l’évolution de l’apparition des cas de Covid-19 et celle des décès dans chaque État, pour chercher à évaluer l’impact des différentes stratégies de soin existant dans le pays. Mais comme on va le voir, ce n’est pas forcément l’approche la plus simple ni la plus pertinente.
D’abord, il n’est pas aisé de connaître précisément la politique appliquée dans chaque État mexicain face au Covid-19. En effet, il n’existe pas de répertoire officiel indiquant la stratégie de soin appliquée par chaque État. On trouve essentiellement des indices dans des médias mexicains consultables en ligne.
Le site ivmstatus.com donne quelques liens vers des articles et quelques photos constituant des indices (comme cette photo d’un kit de traitement, comportant de l’ivermectine, de l’azithromycine et du paracétamol — mais aussi un oxymètre permettant de mesurer soi-même sa saturation en oxygène — distribué dans l’État du Nuevo Leon), mais il n’est pas exhaustif et il faut méthodiquement interroger les moteurs de recherche pour trouver d’autres informations.
Ainsi, on apprend que depuis le 25 février 2021, l’État de Guanajuato a inclus l’ivermectine dans ses recommandations officielles pour le traitement précoce des cas bénins de Covid-19, mais aussi en traitement préventif pour les personnes partageant le domicile de patients positifs.
On apprend également que l’ivermectine est utilisée dans l’État d’Aguascalientes puisqu’on lit, le 1er mars 2021 que « l'Institut des services de santé de l'État d'Aguascalientes (ISSEA), a assuré que l'un des facteurs qui a conduit à une baisse des hospitalisations graves chez les patients ayant contracté le COVID-19, est l'utilisation du traitement à la base du médicament appelé ivermectine. »
De même, on apprend que dès avant le 12 février 2021, dans l’État de Durango, des kits de traitement comportant ivermectine+azithromycine+aspirine+paracétamol+oxymètre étaient distribués.
On apprend qu’en revanche le Ministre de la Santé de l’État de Coahuila considérait, début février, que l’ivermectine est toxique.
Mais on peut également découvrir que des pénuries d’ivermectine ont été signalées, par exemple dans l’État de Nuevo Leon, en juillet 2020 ou en janvier 2021, ce qui permet d’entrevoir qu’une politique officielle n’est pas nécessairement suivie d’effet.
Quant au gouvernement fédéral mexicain, il n’a pas modifié sa position [11], affirme qu’il n’y a pas de traitement, qu’il ne faut pas consulter de médecin si on a les symptômes du Covid-19 et il continue à déconseiller l’ivermectine et tout antibiotique dans le cadre du Covid-19.
La deuxième raison qui empêche de comparer l’efficacité des traitements en comparant le bilan des États entre eux, est la suivante : ce qui se passe dans chaque État ne dépend pas uniquement de la position du Ministère de la Santé de l’État.
En effet, le système de santé du Mexique comporte divers réseaux enchevêtrés sur le territoire, et les hôpitaux et centres de soin présents sur le territoire d’un État donné dépendent d’institutions extrêmement variées.
Un exemple sera donné par la carte des hôpitaux présents dans la ville de Mexico. On y voit que les divers hôpitaux sont gérés par des institutions différentes :
- le Ministère de la Santé de Ciudad de Mexico (qui est un État, lequel prône l’utilisation d'ivermectine et d’azithromycine en traitement ambulatoire précoce),
- la sécurité sociale des salariés du secteur privé (IMSS), qui prône aussi le traitement précoce par ivermectine et azithromycine,
- le Ministère de la Défense (Sedena, fédéral),
- le Ministère de la Santé fédéral (SSA ou « Salud » sur la carte), qui s'oppose aux traitements par ivermectine ou par antibiotiques),
- la Sécurité Sociale des fonctionnaires fédéraux (ISSSTE)
- la Sécurité Social des fonctionnaires de l’État de Mexico (EDOSEM, ou « ISEM » sur la carte)
- etc.
Ainsi, certains hôpitaux et centres de soins sont gérés par les États, d’autres par le gouvernement central, d’autres par l’un des systèmes de Sécurité Sociale, d’autres par le Ministère fédéral de la Défense (Sedena) etc., et les préconisations de chaque institution pour lutter contre le Covid-19 pouvant être différentes, les traitements prescrits sont susceptibles de varier d’un hôpital à l’autre, y compris au sein d’un même État.
La Sécurité Sociale mexicaine distribue des kits de traitement ambulatoire précoce depuis décembre 2020
Par conséquent, si l’on cherchait à mesurer l’évolution des chiffres du Covid-19 (cas et décès) dans la Ville de Mexico depuis l’adoption par son gouvernement, le 29 décembre 2020, de directives de traitement par ivermectine et azithromycine en traitement précoce, les chiffres officiels ne permettraient pas de faire la part des choses : en effet, dans la Ville de Mexico, une partie des patients ne reçoivent pas de traitement ; et à l’inverse, dans les États qui déconseillent tout traitement, l’IMSS distribue des kits de traitement ambulatoire précoce depuis décembre 2020. Si l’on prête attention à la photo reproduite ci-dessus, le kit porte mention « IMSS Nuevo Leon » : il n’est pas donc fourni par l’État de Nuevo Leon, mais par l’IMSS, la Sécurité Sociale.
Le Chiapas en outsider
Un État fait figure d’exception, à plusieurs titres : le Chiapas. Cet État se distingue d’une part parce qu’il est le premier à avoir, dès le mois de juillet 2020, officiellement mis en place un traitement précoce, à base d’ivermectine, d’azithromycine et de plusieurs autres molécules, mais aussi par sa politique volontariste, consistant à envoyer 600 brigades médicales faire du porte-à-porte pour distribuer les kits de traitement, ne laissant que peu de chance qu’un patient atteint de Covid-19 soit pris en charge selon les recommandations du gouvernement fédéral mexicain.
Depuis le mois d’août 2020, comme on peut le constater sur le site régulièrement mis à jour par Juan Chamie à partir des données du gouvernement central mexicain, le Chiapas est devenu et resté l’État du Mexique connaissant le plus faible taux d’incidence (nombre de cas par million d’habitants) et le plus faible taux de mortalité du Mexique.
Sans que l’on puisse établir de façon certaine un lien de cause à effet, on peut du moins constater que l’adoption de traitements précoces au niveau national par l’IMSS et, progressivement, par différents États mexicains (Ville de Mexico, Guanajuato...) depuis décembre 2020, est suivie par une baisse rapide du taux d’incidence et du nombre de décès liés au Covid-19 au Mexique.
À LIRE AUSSI
L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.
Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.
Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.
Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.