L’OMS annonce le limogeage de Peter Ben Embarek, chef de mission sur l’origine du Covid-19 en Chine
LIMOGEAGE - L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a annoncé mercredi 3 mai 2023 avoir limogé Peter Ben Embarek, chef de la mission internationale chargée en 2021 d’enquêter sur les origines du Covid-19 en Chine. Le scientifique danois, qui avait affirmé qu’une fuite du virus depuis un laboratoire était “hautement improbable” et que l’animal était “vraisemblablement à l’origine” de la pandémie, est accusé de harcèlement sexuel. Son limogeage remonte “à l’année dernière” mais a été jusque-là passé sous silence. Une attitude particulière qui suscite des interrogations.
Les faits remontent à 2015 et 2017. Marcia Poole, porte-parole de l’OMS, a expliqué à Reuters que cette institution mondiale a pris connaissance de ces accusations en 2018, sans donner plus de détails. C’est le Financial Times qui dévoile qu’aucune mesure disciplinaire n’a été prise à son encontre. Peter Ben Embarek a de son côté évoqué “un seul incident” survenu en 2017, “réglé immédiatement à l’amiable”.
Une affirmation nuancée par Marcia Poole qui a souligné dans un e-mail à l'agence Associated Press (AP) que d'autres allégations ne pouvaient pas faire l'objet d'une enquête approfondie car "la ou les victimes ne souhaitaient pas s'engager dans le processus d'enquête".
Chef de mission en Chine malgré des enquêtes en cours
Trois années après avoir pris connaissance de ces accusations, malgré des enquêtes en cours, le scientifique danois a tout de même été nommé en 2021 chef de la mission internationale en Chine pour enquêter sur les origines du coronavirus.
Mercredi 03 mai, la porte-parole annonce la nouvelle. Peter Ben Embarek a été licencié "l'année dernière”, c’est-à-dire en 2022, “à la suite de découvertes d'inconduite sexuelle à son encontre qui ont été étayées par des enquêtes et une procédure disciplinaire", a indiqué le communiqué de l'OMS dans un communiqué au Post.
"La procédure régulière a été suivie et son nom a été inscrit dans la base de données de filtrage ClearCheck des Nations Unies pour empêcher son embauche ou sa réembauche par les agences des Nations Unies”, a-t-elle ajouté.
Le scientifique a déclaré à Reuters qu'il contestait les accusations de harcèlement et qu’il s’opposait les sanctions. Il n’a pas fait de commentaires supplémentaires car il est lié avec l’OMS par des accords de confidentialité jusqu'à ce qu'une résolution soit trouvée. "Je n'ai connaissance d'aucune autre plainte et aucune autre plainte n'a jamais été portée à mon attention", a-t-il déclaré.
"Je conteste dûment la qualification de harcèlement et j'ai bon espoir dans la défense de mes droits”, ajoute-t-il. Son licenciement peut faire l'objet d'un recours auprès des organes de justice internes de l'ONU. On ignore si ces instances ont été saisies par le concerné ou non.
Un traitement particulier ou une stratégie de relations publiques ?
L’annonce par l’OMS du limogeage de Peter Ben Embarek une année après son évincement effectif suscite de nombreuses interrogations. Une attitude particulière considérant le fait que cette institution a fait face ces dernières années à de nombreuses accusations de harcèlement sexuels visant son personnel.
En mai 2021, l’OMS a enquêté sur les allégations d'exploitation et d'abus sexuel en République démocratique du Congo pendant l’épidémie d’Ebola. 21 membres du personnel ont été accusés d'avoir abusé sexuellement de personnes sur un total de 83 auteurs présumés liés à la mission de 2018-2020.
Récemment, le 25 avril 2023, l’OMS a annoncé avoir licencié l'un de ses médecins pour harcèlement sexuel. "Dr. Temo Waqanivalu a été licencié de l'OMS suite à des conclusions d'inconduite sexuelle à son encontre et à la procédure disciplinaire correspondante”, a déclaré mardi la porte-parole de l'OMS, Marcia Poole, dans un e-mail à l'AP.
"L'inconduite sexuelle de toute nature par toute personne travaillant pour l'OMS - que ce soit en tant que personnel, consultant, partenaire - est inacceptable", a-t-elle ajouté. Les faits remontent à 2018, lors d’une conférence à Berlin.
L’organisation mondiale a annoncé le limogeage de Temo Waqanivalu immédiatement après la mise en application de cette, contrairement à l’évincement de Peter Ben Embarek, annoncé une année plus tard.
À l’issue de la mission en Chine, l’équipe menée par ce scientifique danois a conclu que le COVID-19 provenait “très probablement” des chauves-souris avant que la maladie ne soit transférée à l'homme. Une fuite d'un laboratoire chinois a été qualifiée de "hautement improbable".
Un lien avec Peter Daszak et le scandale EcoHealth Alliance ?
Son limogeage est intervenu plusieurs mois avant les conclusions du Département de l'Énergie des États-Unis, selon lesquelles la thèse de fuite de laboratoire comme origine du Covid-19 était “la plus probable”. Le Federal Bureau of Investigation (FBI) a emboîté le pas au ministère américain de l’Énergie, affirmant que “l'origine de la pandémie est très probablement liée à un incident de laboratoire à Wuhan".
Dans un rapport diffusé lundi 17 avril 2023, le Sénat américain a affirmé qu’une “défaillance de bio-confinement” pendant des recherches sur un vaccin contre le SRAS-CoV-2 est à l’origine “d’un incident involontaire”. Les “preuves disponibles appuient les théories d’une fuite de laboratoire”, concluent les auteurs d’un rapport après 18 mois d’enquête.
Si la porte-parole de l’OMS n’a pas donné plus de détails sur le timing de l’annonce du limogeage du scientifique danois, un autre élément interroge.
En Chine, Peter Ben Embarek a mené l'enquête en compagnie du zoologue Peter Daszak, le président de EcoHealth Alliance. Cette organisation, basée aux États-Unis et financée par l'Institut Antony Fauci, a défrayé la chronique pour des conflits d'intérêts avec le laboratoire de Virologie de Wuhan alors que son expertise était sollicitée pour découvrir l'origine du Sars-CoV-2.
En tant qu'expert, les recherches de Daszak n'ont pas pu être indépendantes et neutres. Ce qui s'est vérifié de par ses prises de positions, qui ont écarté sans ménagement la thèse d'une fuite de laboratoire. Il a entretenu des relations avec le dr Shi Zhengli, la directrice des recherches à Wuhan, et a participé au financement de recherches sur le "gain de fonction" des coronavirus portés par les chauves-souris.
Cela lui a valu d'être évincé d'une étude diligentée par l'ONU, publiée par The Lancet.
Peter Ben Embrarek pouvait-il ignorer ces faits, y compris lors de ses échanges scientifiques, avec Daszak ? Voilà qui en tout cas n'aurait donné aucune raison à l'OMS de le retenir.
À LIRE AUSSI
L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.
Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.
Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.
Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.