Twitter Files (partie 16) : le deux poids, deux mesures de leur traitement médiatique aux États-Unis (et en France)

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France-Soir
Publié le 08 avril 2023 - 11:30
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ARA Twitter chasse
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Dessinateur de presse ARA, pour FranceSoir
Twitter a été racheté par Elon Musk en 2022.
Dessinateur de presse ARA, pour FranceSoir

TWITTERFILES - Dans une suite de messages publiée le 19 février dernier, le journaliste d’investigation Matt Taibbi évoque le deux poids, deux mesures du traitement médiatique des "Twitter Files" outre-Atlantique. Ces documents internes au réseau social ont été rendus publics après le rachat de l'oiseau bleu par Elon Musk. Au fur et à mesure de leur investigation par une équipe de journalistes, ils ont permis d’exposer des informations cruciales dont l’incroyable mainmise de nombreuses agences du renseignement étasuniennes (dont en premier lieu le FBI) afin de contrôler l'information ou la censure de contenus opérée à la demande de politiques. Taibbi remarque le silence quasi-total des médias mainstream à leur sujet sauf... lorsqu’il s’agit d'évoquer les travers de Donald Trump. Cette partisanerie inepte, que déplore le journaliste, ne doit pas faire oublier les enjeux des Twitter Files qui dépassent la question de leur politisation.  

Dans le 16ème "thread" (fil de messages) des Twitter Files, Matt Taibbi commence par un rappel des nombreuses révélations qui ont été rendues possibles ces derniers mois, grâce à la mise à disposition de documents internes au réseau social, après son rachat par Elon Musk.

On retient notamment l'affaire du laptop de Hunter Biden, la censure de contenus liés au Covid-19, le bannissement de Donald Trump du réseau social, la mainmise des agences fédérales et gouvernementales sur l’équipe de modération de Twitter, campagnes d’opérations d’influence du Pentagone, le prétendu RussiaGate ou encore l'influence de Pfizer afin de censurer des contenus compromettant pour ses produits vaccinaux.

Très faible couverture des médias mainstream

Malgré les nombreuses informations inédites dévoilées dans le cadre des Twitter Files, documents internes et preuves à l’appui, “celles-ci n’ont pas été couvertes par les médias mainstream ces deux derniers mois”, a déploré Matt Taibbi.

France-Soir a couvert l’ensemble de ces informations dès décembre 2022 (série en cours), contrairement aux médias mainstream français qui ont gardé un silence quasi complet sur cette affaire ou attaqué Elon Musk ad hominem. 

Taibbi pointe du doigt de l’autre côté de l’Atlantique ce mutisme des médias grand public. Mais que se passe-t-il lorsque, parmi les politiques qui souhaitent interférer avec le réseau social à des fins personnelles (comme faire bannir un rival gênant ou faire taire un opposant), Donald Trump apparaît ?

Alors le mutisme disparaît : lorsque l'ancien président des États-Unis veut faire supprimer un tweet véhément à son encontre, celui de la mannequin et présentatrice de télévision Chrissy Teignen, tout le monde le sait immédiatement.

Cette information a été rendue publique lors d'une audience du comité de représentants républicains sur le rôle de Twitter dans la suppression de contenus liés au laptop de Hunter Biden, qui s'est tenue une dizaine de jours avant la publication du "thread" de Matt Taibbi. 

Durant celle-ci, interrogée par le représentant démocrate Gerry Connolly (élu de la chambre basse, Virginie), Anika Collier Navaroli, ex-employée de l’équipe de modération chez l’oiseau bleu, a révélé que l’administration Trump à la Maison Blanche a contacté le réseau social pour supprimer un tweet cinglant du mannequin Chrissy Teigen. Cette dernière a insulté l’ex-président pour avoir critiqué son époux, le chanteur John Legend.

Matt Taibbi a alors ironisé sur l'ampleur médiatique prise par cette information qui soudainement devient cruciale alors que toutes les autres restent ignorées. Le journaliste choisit de montrer d’autres exemples à ses yeux bien plus importants d’ingérence politique au sein du réseau social. Comme le cas du sénateur démocrate Angus King, qui a "listé" des comptes du réseau social Twitter dans le but de les museler. 

Le journaliste a en effet partagé un email envoyé par le personnel du sénateur démocrate du Maine à Twitter, contenant en pièce jointe une liste Excel contenant plus de 350 comptes considérés selon par ce dernier comme “suspects”. “Si un président qui panique à cause d’un tweet c’est de l’actualité, un sénateur qui dénonce plus de 300 de ses électeurs doit aussi l’être, non ?”, persifle Taibbi.

La liste contient les pseudos et les identités des comptes mais également des commentaires expliquant les raisons pour lesquelles ces comptes ont été ciblés par Angus King. Pour appuyer sa demande, le sénateur évoque l'usage par certains de ces “twittos” du terme “immigration”, constate leur “excitation pour une visite de Rand Paul” ou remarque le simple fait qu’ils soient suivis sur le réseau social par un sénateur républicain. Il s'agit, en somme, d'une surveillance et d'un fichage politique.

Mais le journaliste Matt Taibbi ne veut pas s’en tenir qu’aux démocrates. Il prend soin d'équilibrer la balance et cite l'exemple d'un haut fonctionnaire du Département d’État américain, connu pour son engagement républicain, qui agit de la même façon : Mark Lenzi. Ce dernier avait demandé de supprimer 14 comptes Twitter suspectés d’être des "bots" (robots) au service de la propagande russe. 

Le journaliste remarque qu’il est particulièrement inquiétant qu’un fonctionnaire se serve de l'adresse email de son administration publique pour demander une telle requête auprès de la direction de Twitter. Comme le rappelle Taibbi, aucune preuve n’a jamais été apportée démontrant une influence russe au sein de la sphère politico-médiatique américaine.

En revanche, il existe bien des preuves qui démontrent qu'un politique américain, et non pas russe, a voulu manipuler l'information. Un élu de la chambre basse (Californie), Adam Schiff, a souhaité censurer un journaliste après l'avoir présenté comme un "conspirationniste QAnon". Ses sources sont pourtant parfaitement vérifiables.

Cette histoire a été totalement ignorée de la part des médias. Le journaliste conclut alors que les médias mainstream savent parfaitement ce qu’ils font en choisissant certaines révélations au détriment d'autres : se focaliser sur les partisaneries ineptes afin de politiser l'affaire des Twitter Files. 

Matt Taibbi évoque alors l'importance véritable des Twitter Files :  “La véritable histoire qui émerge des #TwitterFiles est celle d'une bureaucratie fédérale dédiée à la censure, en pleine expansion, qui ne vise ni la gauche ni la droite en soi, mais l'ensemble de la population (...)”, perçue comme une menace. 

Il annonce alors comment les agences du renseignement américain n’ont eu cesse de se retourner contre leur propre population afin de la traquer et de la surveiller. L'objectif ? Analyser les opinions de millions de citoyens américains, notamment via l’une d’entre elle peu connue : la GEC, le Global Engagement Center.  

Cela fera l’objet de la prochaine partie des Twitter Files, sur France-Soir.

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