Taxis volants pendant les JO 2024 : le passage en force
Le Conseil d’Etat vient de donner le feu vert des expérimentations des taxis volants pendant et après les JO. Un déni de démocratie alors que la Mairie de Paris et le collectif « Taxis volants Non merci » sont vent debout. Emmanuel Macron est invité par le P-DG sortant d’Aéroports de Paris à être le premier Européen à tester ce type de véhicule.
Nouveaux rebondissements dans le feuilleton des taxis volants que France Soir suit pour vous depuis près d’un an.
A J moins 2 de la cérémonie d’ouverture des JO, mercredi 24 juillet, le Conseil d’Etat a donné le feu vert à l’expérimentation des taxis volants.
« La société allemande Volocopter va utiliser la vitrine médiatique des JO pour faire des démonstrations au-dessus de Paris alors que ces taxis volants n’ont pas reçu de certification. Nous ne sommes pas à l’abri d’un hacker qui bidouille les circuits électroniques ! », s’insurge Christine Nedelec, la Présidente de SOS Paris et vice-Présidente de France Nature Environnement (FNE) Ile-de-France.
La décision de la plus haute juridiction administrative est une mesure d’urgence, donc provisoire, en attendant une audience au fond à l’automne.
Elle intervient après l’autorisation donnée le 9 juillet dernier, par le ministre des Transports, Patrice Vergriete, de créer un vertiport sur la Seine et de l’ouvrir à la circulation aérienne publique.
Rappelons que c’est 48 heures après le cuisant échec des législatives pour le gouvernement, que le ministre des Transports a pris cette décision.
Ainsi, le ministre démissionnaire a osé un passage en force : il n’a pas tenu compte des nombreux avis consultatifs défavorables notamment celui de l’enquête publique.
N’est-ce pas un déni de démocratie alors que cette enquête avait recueilli 87 % d’avis négatifs ?
Aucune garantie d’indépendance de l’expérimentation
La Mairie de Paris avait aussitôt annoncé un recours en justice contre ce projet de barge sur la Seine qui avait suscité l’hostilité des élus municipaux de Paris, de la majorité comme de l’opposition, voyant notamment dans l’arrivée des taxis volants « une aberration écologique ».
Dans sa décision, la juge des référés a balayé la série d’arguments avancés par les opposants au projet. Elle a estimé notamment qu’il n’était pas nécessaire de consulter l’Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (ACNUSA) pour ce projet expérimental et donc à durée limitée, qui comprend déjà plusieurs restrictions : horaires d’exploitation de l’hélistation « entre 8 heures et 17 heures » et nombre de vols limités « à deux mouvements par heure et 900 vols sur la totalité de l’expérimentation » jusqu’à la fin de l’année 2024.
Est-ce tout à fait un hasard si le Président de l’ACNUSA dont le mandat a expiré le 12 avril n’a toujours pas de successeur ? Incompétence, impotence ou stratégie de la part du gouvernement ?
Les opposants au projet critiquent le fait que l’enquête publique ait porté sur l’hélistation et qu’il n’y ait pas eu de consultation sur le projet global de taxis volants au-dessus de Paris et de la région parisienne.
Aéroports de Paris (ADP), en partenariat avec la région Ile-de-France qui a mis un million d’euros sur la table, soutiennent la société Volocopter. S’appuyant sur la Direction Générale de l’Aviation Civile (DGAC), les promoteurs du projet ont le champ libre pour déterminer les critères de l’expérimentation.
En clair, il n’y a aucune garantie d’indépendance. On peut douter que l’expérimentation de ces petits aéronefs (avec un pilote et un passager non payant) soit jugée négative en fin d’année… sauf catastrophe dans le ciel de Paris.
Emmanuel Macron est invité à tester un VoloCity pendant les JO
« Nous espérons avoir la certification le 8 décembre 2024 pour la réouverture de Notre-Dame puisque notre vertiport est amarré à proximité de la cathédrale », a confié Augustin de Romanet, P-DG sortant d’Aéroports de Paris, à nos confrères de Ouest-France . D’aucuns s’inquiètent. Une façon de pérenniser l’hélistation sur la Seine et de donner le coup d’envoi des circuits touristiques dès 2025 au-dessus des plus beaux monuments de la capitale ?
Augustin de Romanet a, par ailleurs, lancé une invitation à Emmanuel Macron : « S’il souhaitait être le premier Européen à voler sur ce type de véhicule, en conditions réelles, au moment des JO, il serait le bienvenu ». Quel meilleur VRP pourrait-il y avoir pour la société allemande Volocopter ?
La plateforme flottante vient de quitter le quai d’Austerlitz pour Charenton. Provisoirement… Il était en effet prévu qu’elle soit déplacée du 1er juillet au 4 août au port de Charenton pour la bonne tenue de la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques.
Risques d’attentats : tous les clignotants sont allumés au rouge. Mais on peut supposer que le préfet de Paris Laurent Nunez est sous pression pour signer la dérogation permettant le survol des taxis volants au-dessus de Paris à partir du 5 août. Une décision difficile à prendre à l’heure où la SNCF a subi des actes de vandalisme quelques heures avant le coup d’envoi des JO.
Le collectif « Les taxis volants Non merci ! » engage une bataille juridique
A l’instar de la Mairie de Paris, le collectif « Les taxis volants Non merci ! » qui regroupe plusieurs associations de défense des riverains et de protection de l’environnement a fait un recours en justice contre l’autorisation d’un vertiport par le ministre des Transports.
Le juge des référés n’a pas souhaité recevoir en audience les associations requérantes au motif qu’une décision autorisant la création d’un vertiport, qui en limite spécifiquement l’accès aux VTOL et en réglemente les horaires d’accès, serait sans incidence en termes de survols de Paris et sa banlieue.
De qui se moque- t-on ? Trois lignes sont mises en place : entre l’héliport d’Issy-les-Moulineaux et la barge sur la Seine, entre Issy-les-Moulineaux et Saint-Cyr-l’Ecole et entre l’aéroport de Roissy-CDG et le Bourget.
« Ces VoloCity vont circuler au-dessus de l’une des zones les plus denses du monde, souligne Christine Nedelec. Energivores et bruyants, ils sont un véritable danger pour la santé des populations survolées. »
Les protestations nombreuses des Parisiens, des élus politiques et des associations semblent se heurter à un mur.
Ambulance du ciel ou transport pour les plus riches ?
Le vent tourne-t-il pour les taxis volants ?
Face aux critiques, le ministre des Transports et les représentants d’ADP ont préféré insister ces derniers mois sur l’utilité de ces engins pour effectuer des missions sanitaires plutôt que de parler d’un nouveau mode de transport pour les plus riches à 110 euros la course.
« Pourquoi on a envie de l'expérimenter ? Parce que je pense que demain ça peut peut-être sauver des vies», déclarait Patrice Vergriete, interrogé par l'AFP, en marge d'une visite à l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle.
Volocopter négocie actuellement un partenariat avec l’AP-HP et trente-huit hôpitaux parisiens. L’objectif est de réduire le temps d’intervention des médecins, transporter des greffons, des médicaments.
Du côté du Syndicat National des Exploitants d’Hélicoptères (SNEH) , il n’y a aucune inquiétude d’une éventuelle concurrence. « Le VoloCity ne peut transporter de brancard avec un malade. Il est destiné aux courtes distances avec une autonomie d’environ une demi-heure sur 35 km alors que les hélicoptères peuvent voler en moyenne pendant deux heures sur 400 km et être équipés de matériel de soins intensifs », fait remarquer Christophe Rosset, le Président du SNEH qui regroupe 32 exploitants et une flotte de 220 hélicoptères.
Une chose est sûre : le modèle économique de Volocopter pourrait faire pshitt s’il n’est pas rapidement proposé un taxi volant permettant d’accueillir plusieurs passagers avec des bagages.
Le Président du SNEH fait remarquer : « C’est une nouvelle technologie qui se développe et qui mérite que l’on s’y intéresse. Mais il est peu probable qu’avant 2040 le VoloCity prenne la relève de l’hélicoptère sur la ligne régulière Nice Monaco ! »
Corine Moriou est journaliste indépendante, grand reporter
À LIRE AUSSI
L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.
Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.
Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.
Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.