Syrie : affrontement russo-américain à l'ONU sur les armes chimiques
Les Etats-Unis et la Russie se sont vertement affrontés lundi à l'ONU à propos d'un texte d'inspiration américaine condamnant des attaques chimiques présumées du régime en Syrie, que Moscou a voulu amender sans pouvoir recueillir l'accord de Washington.
Ces attaques ont fait plusieurs dizaines de blessés, dont des enfants.
Il y a des "preuves évidentes" pour confirmer le recours à du chlore dans ces attaques menées dans la Ghouta orientale, dans la banlieue de Damas, a souligné Nikki Haley, ambassadrice américaine aux Nations unies, lors d'une réunion du Conseil de sécurité sur l'utilisation d'armes chimiques en Syrie.
"Nous avons des informations sur un recours au chlore par le régime du (président syrien Bachar al-)Assad contre son propre peuple à de maintes reprises au cours des dernières semaines et encore hier", a déploré la diplomate.
Le département d'Etat a répété quelques heures plus tard que les Etats-Unis étaient "profondément alarmés par les accusations persistantes concernant l'usage de chlore par le régime syrien pour terroriser des civils innocents", selon un communiqué de sa porte-parole Heather Nauert.
Les quelque 400.000 habitants de la Ghouta orientale, un fief rebelle, sont assiégés depuis 2013.
Les Etats-Unis ont fait circuler auprès de leurs 14 partenaires au Conseil un projet de déclaration condamnant le recours aux armes chimiques en Syrie.
Selon des diplomates, Moscou a réclamé du temps avant une adoption, afin de faire des commentaires.
"La Russie a retardé l'adoption de cette déclaration, une simple condamnation liée à des enfants syriens ayant du mal à respirer en raison de chlore", s'est offusquée Nikki Haley.
Son homologue russe Vassily Nebenzia a dénoncé une "campagne de propagande" visant à "accuser le gouvernement syrien" d'attaques dont "les auteurs ne sont pas identifiés".
La Russie a proposé des amendements au texte afin qu'il ne fasse plus mention de la Ghouta et de s'assurer que les informations de presse ou sur les réseaux sociaux soient "vérifiées de manière crédible et professionnelle".
Selon des diplomates, les Etats-Unis ont rejeté les amendements russes, ne laissant guère d'espoir à une approbation d'une condamnation.
- 'Grave préoccupation' -
Le projet de texte américain obtenu par l'AFP soulignait que le Conseil de sécurité "condamnait dans les termes les plus forts une attaque présumée au chlore le 1er février à Douma, une ville de la Ghouta orientale dans la banlieue est de Damas, ayant blessé plus de 20 civils dont des enfants".
La déclaration évoquait une "grave préoccupation après maintenant trois attaques présumées au chlore dans la Ghouta orientale au cours des dernières semaines. Les responsables d'un recours aux armes chimiques, incluant le chlore ou toute autre substance chimique, doivent répondre de leurs actes", précisait le texte.
Même son de cloche dans le communiqué de Mme Nauert qui appelle à "mettre publiquement la pression sur le régime Assad et ses soutiens pour qu'il cesse d'utiliser des armes chimiques et pour amener les responsables de ces attaques brutales à rendre des comptes".
Moscou est prêt à condamner le recours aux armes chimiques, a souligné M. Nebenzia, mais la Russie ne peut soutenir un texte qui "dans sa forme actuelle" pointe du doigt Damas.
Depuis le début de la guerre en Syrie en 2011, le régime Assad a été accusé plusieurs fois par l'ONU d'avoir eu recours au gaz de chlore ou au gaz sarin lors d'attaques chimiques parfois meurtrières. En janvier, il a démenti recourir à des armes chimiques, une position réaffirmée lundi par son représentant à l'ONU.
Fin 2017, plusieurs veto russes ont conduit à la disparition d'un organisme d'enquête ONU-Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OAIC), appelé JIM, sur les attaques chimiques en Syrie.
En janvier, Moscou a proposé une résolution prévoyant un nouvel organisme d'enquête. Ce dernier a été jugé "inacceptable" par les Etats-Unis, le Royaume-Uni ou la France.
Le JIM avait conclu à la culpabilité du régime de Bachar al-Assad dans deux attaques en 2014 et 2015 et à celle du groupe jihadiste Etat islamique dans un recours à du gaz moutarde en 2015.
Déclenché en 2011, le conflit en Syrie a fait plus de 340.000 morts et des millions de déplacés et réfugiés.
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