EDF veut développer le solaire : pourquoi ce projet s'annonce complexe pour le géant français de l'énergie ?
EDF semblait dépourvue de cap stratégique. Cette période est désormais révolue avec l'annonce d'un ambitieux plan solaire. L'électricien public a en effet confirmé vouloir se lancer dans une opération de grande envergure.
Quelques chiffres sont requis pour fixer les idées. Tout d'abord, EDF compte installer 30 gigawatts de fermes solaires sur plus de 28.000 hectares ce qui pose –d'évidence– des questions d'accès au sol. Même si l'entreprise possède en propre des emprises foncières (montant utilisable non précisé), elle va se heurter aux règlementations relatives à la déforestation et à la protection des terrains agricoles.
Pour pouvoir débloquer les divers verrous juridiques, EDF "demande que des appels d'offres pour des grandes fermes solaires soient lancés, sinon cela ne peut pas se faire" (selon déclaration de son président, Jean-Bernard Lévy).
Réaliser une cartographie opérationnelle de près de 30.000 hectares sera loin d'être un exercice de style car chaque ferme solaire aura très vraisemblablement l'aspect d'un prototype et il n'est pas certain que les contraintes topographiques variées n'induisent des adaptations à partir d'un modèle référent. Ce qui est générateur de surcoûts.
Le ministre Nicolas Hulot a annoncé en début de semaine une augmentation du volume des appels d'offres solaires qui vont passer de 1,45 gigawatts à 2,45 gigawatts par an. Ceci est en ligne avec le plan d'EDF qui a pour bornage calendaire la période 2020/2035.
A ce stade, EDF est parvenue à déployer 7,7 gigawatts de puissance photovoltaïque: son ambition est donc de quintupler ses capacités en un peu moins de 20 ans (7,7 + 30 GW) pour un montant estimé de 25 milliards d'euros. Mais quand bien même, l'électricien public y parviendrait, il faut savoir que l'énergie solaire ne représenterait que 8% de l'électricité produite en 2035. Ce qui pose clairement et crûment la question d'une certaine pérennité indispensable du parc nucléaire.
Lire aussi: Solaire: EDF veut installer 30 gigawatts en France entre 2020 et 2035
Si une partie de celui-ci doit subir des opérations de grand carénage (afin d'allonger la durée de vie de certaines centrales existantes) qui seront fort coûteuses (estimation de 30 milliards), il faut conserver à l'esprit le coût de la provision pour démantèlement des centrales mises hors exploitation.
Il y a des divergences profondes d'approche quantifiée de ces coûts selon les experts, mais ils seront situés dans une fourchette entre 75 et 90 milliards d'euros. Autant dire une somme que l'entreprise ne pourra pas financer seule et qui supposera une ingénierie financière faisant appel à l'Etat directement ou en tant que garant d'emprunts.
Parallèlement à cette équation financière difficile, il y a la question des reports de mise en service des EPR. Flamanville est d'ores et déjà un site inachevé et loin de son budget initial. Il est important de souligner qu'EDF a récemment reconnu qu'elle ne pourrait pas tenir l'objectif réitéré de présenter un cash-flow (flux de trésorerie) libre.
Pour l'heure, EDF affiche toujours une prévision d'excédent brut d'exploitation d'environ 15 milliards d'euros. Dans cette perspective d'étau financier, EDF a annoncé qu'elle envisageait des partenariats. Il ne serait pas illusoire de penser que certains partenaires demandent à être "déconnectés" de la branche nucléaire, ce qui provoquerait un besoin de scission des activités thématiques.
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De toutes les façons, EDF reste sur la corde raide puisque l'entreprise porte un peu plus de 30 milliards de dettes, ce qui limite d'autant l'extension de son "gearing", soit ratio fonds propres sur endettement total.
Précision juridique d'importance: ce n'est que ce jeudi 14 que le Conseil d'Administration se prononcera sur le plan solaire. L'organe compétent de décision modifiera peut-être certaines variables-clefs…
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