Brexit : à une semaine du scrutin, les places financières prennent peur
Le flegmatisme longtemps affiché par les marchés européens face au spectre d'une sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne a définitivement cédé la place à la peur à une semaine du scrutin, chaque sondage attisant un peu plus la nervosité. Car s'il est une situation que les places financières détestent par dessus tout, c'est bien l'incertitude et pour ce qui les concerne le divorce n'a jamais été une option souhaitable. Les marchés ont mis longtemps à envisager concrètement cette possibilité, affichant jusqu'à fin mai une forme d'indifférence.
"Autant le marché avait peut-être été un peu désinvolte par rapport à ce risque de Brexit, autant depuis deux semaines le réajustement est assez brutal", remarque Maxime Alimi, économiste au sein de la société de gestion d'actifs Axa IM. La façade a commencé à se lézarder lorsque l'hypothèse d'une sortie a gagné du terrain dans les enquêtes d'opinion début juin. Depuis la tension va crescendo, ce qui se traduit par des indices boursiers en berne et une ruée vers les valeurs refuges avec une plongée en piqué des taux d'emprunt vers des plus bas historiques voire le territoire négatif pour les titres les plus sûrs comme la dette allemande à 10 ans. La Livre est aussi à la peine.
"C'est un phénomène assez classique qui consiste à éviter toute position risquée. Il faut dire que l'incertitude est totale et les marchés n'y étaient pas préparés", estime Franck Dixmier, directeur mondial des gestions obligataires chez Allianz GI. "Il y a encore quelques semaines, une sortie était inconcevable pour beaucoup d'investisseurs, mais au vu des derniers sondages, ils ont commencé à intégrer ce risque, ce qui s'est traduit par une baisse de 7 à 8% en moyenne des indices européens", relève Renaud Murail, un gérant de Barclays Bourse. Et les investisseurs risquent de vivre au rythme des sondages jusqu'au vote.
"Alors que nous approchons du référendum, la réaction des marchés dépend réellement de la direction des sondages avec une volatilité qui a tendance à monter face à la perspective d'une sortie", constate Greg Jones, directeur exécutif du gestionnaire d'actifs britannique Henderson Global Investors.- "Ce référendum est très difficile à interpréter pour les investisseurs, car il n'y a pas d'historique auquel se raccrocher", souligne Pascale Seivy, responsable du conseil en investissement chez Pictet en France. "Et les enjeux économiques qui devraient être au centre des débats au Royaume-Uni ont été balayés par des raisonnements surtout émotionnels", complète M. Murail.
Du coup les investisseurs tentent de se préparer à tout, en restant "positionnés pour profiter d'une éventuelle hausse en cas de maintien et parallèlement ils achètent massivement ce qu'on appelle des +couvertures+, c'est-à-dire des assurances contre une baisse", l'idée générale étant surtout de "limiter la casse", explique Pascale Seivy. Certains fonds spéculatifs sont allés jusqu'à commander leurs propres sondages de sorties des urnes pour être les premiers à se positionner après le vote. L'équation est complexe pour les marchés puisque que quelle que soit l'issue du scrutin, ce dernier laissera probablement des traces en Europe.
Le Brexit constitue une plongée dans l'inconnu et dans ce cas une "réaction forte des grandes banques centrales serait de nature à contrecarrer cet effet négatif", estime M. Alimi, alors que la Banque centrale européenne (BCE) se tient prête à agir en cas de besoin. Toutefois, "la volatilité a été, et restera selon nous, présente tout au long de 2016. D'abord cela a été la Chine, maintenant le Brexit monopolise l'attention, et les élections américaines prendront ensuite le relais", note M. Jones. Et poursuit-il, "beaucoup de gens tablent sur une hausse (des marchés) si l'issue du référendum est un maintien dans l'Union européenne. Personnellement, je ne vois pas les choses comme cela".
Faisant le parallèle entre ce vote et les législatives britanniques de 2015, il relève que la victoire des conservateurs n'a pas fait rebondir durablement les marchés comme beaucoup l'anticipaient. Ces incertitudes rappellent que quelques années après la crise de la dette, la zone euro et la construction européenne restent fragiles. Dans tous les cas, prévient M. Dixmier, avec ce vote, "un tabou a été brisé en Europe et le mal est fait".
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