Loi Marché du travail et réforme des retraites : une réforme peut en cacher une autre. Entretien avec Me Alexandra Soulier

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Lauriane Bernard, France-Soir
Publié le 01 mai 2023 - 10:00
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FS Alexandra Soulier
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Maître Alexandra Soulier, pour France-Soir.
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DROIT DU TRAVAIL - Pendant que notre attention se focalise sur certains points de la réforme des retraites, de grands bouleversements se produisent en droit du travail français. Personne n’a remarqué que cette fameuse réforme, en plus de la loi "Marché du travail" votée en décembre 2022, limitait l’accès aux allocations chômage.  

Alexandra Soulier est avocate en droit du travail au barreau de Montpellier et nous explique les conséquences juridiques des réformes actuelles dans ce Débriefing.    

La présomption de démission qui prive un salarié de ses allocations chômage   

La loi “Marché du travail” fait entrer la présomption de démission dans le code du travail. Il peut arriver qu’un salarié ne se présente pas à son poste. De prime abord, on peut être tenté de tirer des conclusions hâtives : quelqu’un qui ne se rend pas à son travail souhaite le quitter. Et si c’était plus compliqué que ça ? Par exemple, les gens en burn-out ou ceux qui subissent du harcèlement souhaitent très certainement partir de leur emploi, mais méritent-ils d’être privés d’indemnités chômage pour autant ? En plus de se trouver dans une situation de détresse, ils ont cotisé comme les autres après tout. Et s’ils ont le droit au chômage, cela signifie qu’ils sont restés en poste un certain temps.   

Désormais, un salarié qui ne reprend pas le chemin du travail, après avoir été mis en demeure de justifier son absence dans un délai de 15 jours, peut être considéré comme démissionnaire. A charge pour lui de démontrer a posteriori, devant le Conseil des Prud’hommes, que son absence était légitime. Mais cela a pour conséquence que pendant tout le temps de la procédure, l’employé en question ne touchera pas d’allocations chômage. Or, le Sénat a mené l’enquête sur les délais de jugements des conseils de prud’hommes en 2018. La durée moyenne des affaires était déjà de 16,3 mois.  

Si dans certains cas un salarié a réellement l’intention d’abandonner son poste, il peut aussi avoir une bonne raison pour ne pas être présent. Par exemple, un salarié en arrêt maladie qui n’a pas averti de son renouvellement. Entre excuse injustifiée et excuse injustifiable, la jurisprudence sait faire la différence.  

Une excuse injustifiée peut bien souvent être régularisée. Et quand ce n’est pas possible, un licenciement peut, éventuellement, être envisagé. En revanche, l’abandon de poste pur et simple est une faute grave. Il met fin sur le champ au contrat de travail par licenciement, sans préavis. Mais peu importe que l’on soit dans l’un ou l’autre cas : la sanction reste actuellement le licenciement. Les pistes sont désormais brouillées avec la présomption de démission. 

En effet, un salarié démissionnaire ne perçoit pas d’allocations de retour à l’emploi. Maitre Soulier s’interroge donc « sur le bienfondé de ces nouvelles dispositions, si ce n’est pour créer un nouveau cas de sortie du salarié pour percevoir les allocations chômage ». Autrement dit, elle soupçonne que ces dispositions n’aient d’autre but que celui de faire faire économies en créant une circonstance supplémentaire où les cotisants n’auront pas le droit à leurs allocations. Une volonté qui concerne aussi ceux qui souhaiteraient obtenir une rupture conventionnelle auprès de leur employeur.  

La rupture conventionnelle devient hors de prix pour l’employeur   

Cette subtilité est étrangement dissimulée dans la loi sur la réforme des retraites. À partir du 1er septembre 2023, il va devenir plus compliqué pour un salarié d’obtenir une rupture conventionnelle. Peu d’employés le savent, mais l’employeur paye une taxe sur les indemnités de rupture conventionnelle. Or, Maitre Soulier nous explique que cette loi, critiquée pour repousser l’âge minimum légal de départ à la retraite, prévoit aussi de porter ce “forfait social” de 20% à 30% à la charge de l’employeur.  

Les patrons vont donc y réfléchir à deux fois avant de débourser une telle somme pour quitter un salarié en bon terme. La rupture conventionnelle reste en effet une sortie « d’un commun accord » du contrat de travail. En laissant le salarié partir avec « un chèque », elle peut éviter par exemple à un employeur « pas totalement dans les clous » de se retrouver aux prud’hommes. Le salarié l’accepte notamment parce que cela lui permet de percevoir le chômage rapidement. Quand ce mode de rupture est mis en place, c’est que chacun y trouve son compte. L'adage ne dit-il pas “un mauvais arrangement vaut mieux qu'un bon procès” ?  

Certes, cette nouvelle taxe va sans doute réduire le versement d’allocations, mais à quel prix ? 

 

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