Des hôpitaux de Paris à l'industrie auto, le parcours d'un masque recyclé

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Par Olivier DEVOS - Paris (AFP)
Publié le 18 mai 2021 - 21:48
Mis à jour le 19 mai 2021 - 12:06
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Une infirmière récupère un sac plastique contenant des masques chirurgicaux à recycler, le 10 avril 2021 à l'hôpital Saint-Antoine, à Paris
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© Eric PIERMONT / AFP
Une infirmière récupère un sac plastique contenant des masques chirurgicaux à recycler, le 10 avril 2021 à l'hôpital Saint-Antoine, à Paris
© Eric PIERMONT / AFP

Dans les couloirs du service oncologique de l'hôpital Saint-Antoine, à Paris, des masques jetables s'accumulent dans des poubelles en carton. Le début d'un parcours de recyclage qui verra ces masques transformés en tapis de sol pour automobile.

Les équipes "étaient toutes très, très partantes" et ces poubelles installées depuis quelques semaines "sont utilisées par tout le monde", soignants, patients et visiteurs, se félicite Nadine, cadre de santé. Équipée de gants de protection, elle descend un sac transparent plein de masques usagés dans un "roll" (chariot métallique) au sous-sol de l'hôpital.

Chaque jour, 110.000 masques chirurgicaux et 20.000 masques FFP2 sont utilisés dans les établissements de l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP), qui a décidé d'expérimenter leur recyclage dans quelques services répartis sur trois hôpitaux (Saint-Antoine, Necker-Enfants malades et Rothschild).

"Cette filière a mis du temps à se mettre en place parce qu'avant il n’y avait pas de prestataire qui était capable" de le faire, explique Rémi Sancho, un ingénieur chimiste récemment nommé "ambassadeur du développement durable" de plusieurs hôpitaux parisiens.

- 40.000 tonnes de masques -

Quelques filières, essentiellement locales, ont émergé en France pour tenter de donner une deuxième vie à ce déchet qui s'est multiplié: 40.000 tonnes de masques ont été jetées en 2020 en France sans solution de recyclage, révélait une mission parlementaire en janvier.

Jusqu'ici incinérée, une partie des masques de l'AP-HP est aujourd'hui ramassée toutes les deux semaines par les camions du groupe Tri-o et Greenwishes, une entreprise des Hauts-de-Seine spécialisée dans le tri de déchets.

"Les filières de recyclage, elles existent, il y en a différentes" capables de traiter le polypropylène, matière plastique qui représente 90% du masque. Mais "le plus compliqué, c’est de réussir à capter le gisement, c'est-à-dire la collecte de ces masques", estime le président de la société Matthieu de Chanaleilles.

L'entreprise récupère aujourd'hui les masques d'une trentaine de clients: outre l'AP-HP, TF1, Yves Rocher, Saint Gobain, des grandes maisons de luxe, ou encore des collectivités comme le département des Hauts-de-Seine et la mairie de Courbevoie.

"Nous avions de nombreuses demandes de nos clients" pour créer une filière de recyclage, raconte le dirigeant. La collecte est payante pour les institutions où sont ramassés les masques. Tri-o et Greenwishes facture à partir de 250 euros par mois, en fonction de la quantité.

En tenue complète de protection derrière des parois de plexiglas, Florian Leboulanger, l'un des 150 salariés du groupe, trie à la main des sacs de masques jetables pour en retirer mouchoirs, gants ou gobelets qui s'y trouvent par erreur.

Le risque sanitaire est l'une des préoccupations principales des entreprises du secteur. La zone de tri est passée quotidiennement aux ultraviolets et les masques passent une semaine en quarantaine avant d'être manipulés.

- Sas de décontamination -

Après son service, M. Leboulanger passe dans un sas de décontamination équipé d'un brumisateur désinfectant. Le risque sanitaire "ne m'inquiète pas", assure-t-il. Mais "je prends des précautions: quand je rentre chez moi, je me déshabille avant de rentrer dans la maison".

Les volumes traités par l'entreprise sont modestes, une tonne de masques jusqu'ici. L'entreprise compte monter en puissance et espère en avoir recyclé 20 tonnes d'ici à la fin de l'année, pour une centaine de clients - ce qui resterait une goutte d'eau sur le total.

Deux entreprises basées dans le Nord, Cosmolys et Baudelet, se chargent ensuite de broyer les masques, de les désinfecter, d'en séparer les composants pour n'en garder que le polypropylène. Transformés en granulés, les masques renaîtront en tapis de sol ou autres pièces de plastique dans l'habitacle d'une automobile.

Le prix des granulés recyclés est compétitif par rapport aux autres sources de polypropylène, un dérivé du pétrole, "lorsque le cours du baril est haut", fait valoir Arnaud Mary, directeur commercial de Cosmolys.

Tri-o et Greenwishes ainsi que Cosmolys ont aussi reçu à elles deux 200.000 euros de la région Ile-de-France, qui a ouvert une enveloppe de 2 millions d'euros cette année pour accompagner la structuration d'une filière de recyclage des masques sur son territoire.

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