Etat d'urgence sanitaire allégé : le gouvernement attend le feu vert des députés
Desserrer le corset de l'état d'urgence sanitaire sans baisser la garde face au Covid: les députés examinent lundi le projet de sortie de crise prévoyant la levée progressive des restrictions, mais de nouvelles mesures comme le "pass sanitaire" font grincer quelques dents.
Dernière étape avant le bout du tunnel? Le texte met en musique les mesures et le calendrier du déconfinement annoncés par le chef de l'Etat fin avril mais il "n'est pas un point de bascule", a mis en garde le ministre de la Santé Olivier Véran.
"Il ne marque pas une rupture nette entre les contraintes liées à l'épidémie et le retour de la vie d'avant", selon le ministre.
Lundi matin, il a toutefois confirmé sur LCI la réouverture des terrasses des cafés et restaurants le 19 mai, mettant en avant la décrue du taux d'incidence. Mais les critiques exprimées par certains soignants sur la stratégie gouvernementale demeurent.
C'est la deuxième fois en un an que le gouvernement présente un régime transitoire de sortie de l'état de l'urgence.
Au début de l'été 2020, députés et sénateurs avaient voté un texte dont les bases sont similaires à celui qui sera examiné dans l'hémicycle du Palais Bourbon dans l'après-midi, puis au Sénat le 18 mai.
Entre-temps, le régime d'exception instauré en mars 2020 a été réactivé en octobre, puis prolongé en février, alors que le bilan humain de la pandémie dépasse en France les 100.000 morts.
Dans les faits, les huit articles du projet de loi de "gestion de sortie de la crise sanitaire" vont continuer d'octroyer au gouvernement du 2 juin au 31 octobre des pouvoirs de police sanitaire jugés exorbitants par les oppositions et certains défenseurs des libertés publiques.
- Etat d'urgence "Canada Dry" -
C'est "un peu comme le Canada Dry, ça s'apparente à une sortie qui n'en est pas une", commente le député LR Philippe Gosselin.
"Si le régime ordinaire, c'est vivre avec le virus, c'est une législation ordinaire qui doit s'appliquer, avec la théorie des circonstances exceptionnelles" en cas de situation très grave, a fait valoir le socialiste Boris Vallaud sur Public Sénat.
L'exécutif conserve, par exemple, la possibilité d'imposer, en cas de reprise épidémique, des confinements locaux dans des territoires qui peuvent rassembler jusqu'à 10% de la population française.
Après son passage en commission des Lois à l'Assemblée nationale, le gouvernement s'est également donné les moyens de maintenir des couvre-feux et a musclé son projet de "pass sanitaire". L'outil d'abord réservé aux déplacements vers ou depuis l'étranger pourrait subordonner à trois conditions l'accès à des grands rassemblements ou lieux réunissant plus de 1.000 personnes.
Pour participer à un festival par exemple, un mélomane pourrait devoir présenter le résultat négatif d'un dépistage virologique, un justificatif de vaccination ou bien attestant de son rétablissement à la suite d'une contamination.
Or, malgré les assurances gouvernementales, ce dispositif fait tiquer jusque dans les rangs de la majorité.
"Ça ressemble à une discrimination, pour moi, c'est un précédent", a mis en avant le marcheur Pacôme Rupin.
Les députés ont voulu encadrer davantage la mesure en excluant explicitement les activités du quotidien: restaurants, cinémas, théâtre, etc.
"C'est une ligne rouge", confirme le rapporteur LREM du texte, le député et médecin Jean-Pierre Pont.
L'examen en séance devrait permettre d'affiner encore la mesure, notamment sur les lieux et les rassemblements concernés.
"Il n'y aura pas de limite dans la discrimination", a prédit Eric Coquerel (LFI) pour lequel, même si la loi l'interdit, tel ou tel restaurateur exigera le "pass sanitaire" pour accéder à son établissement.
Les discussions sur la durée totale de ce régime transitoire comme sur la clause de revoyure devant le Parlement en cas de retour d'un confinement local devraient animer les débats.
L'été dernier, lors du vote sur le précédent projet de loi de sortie de crise sanitaire, la majorité avait donné un large quitus au gouvernement. Les oppositions avaient voté contre.
Le président du Sénat Gérard Larcher (LR) prévient déjà, dans Le Figaro, qu'il dira "non" aux deux mois pendant lesquels le gouvernement pourra déclarer l'état d'urgence sanitaire "sur une partie du territoire". "Ça ne peut se faire que sous le contrôle du Parlement".
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