Aux assises, deux policiers "ripoux" au coeur d'un trafic de cocaïne

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Par Anne-Sophie LASSERRE - Paris (AFP)
Publié le 21 janvier 2019 - 20:54
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Croquis d'audience du 21 janvier 2019 montrant Kamel Berkaoui (g) lors du procès de policiers "ripoux" au coeur d'un trafic de cocaïne aux assises de Paris
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© Benoit PEYRUCQ / AFP
Croquis d'audience du 21 janvier 2019 montrant Kamel Berkaoui (g) lors du procès de policiers "ripoux" au coeur d'un trafic de cocaïne aux assises de Paris
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Des "policiers corrompus" dont "l'assistance" permettait d'exfiltrer passeurs et bagages chargés de cocaïne: le rôle de deux ex-membres de la police aux frontières (PAF) de Roissy dans un vaste réseau "structuré" a commencé à être dessiné lundi aux assises de Paris.

Visages graves dans le box, les deux anciens fonctionnaires, Clément Geisse, 42 ans, et Christophe Peignelin, 56 ans, comparaissent notamment pour importation de stupéfiants en bande organisée - un crime passible de trente ans de réclusion - et corruption passive, devant la cour d'assises spéciale, composée de magistrats professionnels.

En détention provisoire depuis leur arrestation en flagrant délit, le 25 janvier 2015, les deux ex-policiers ont reconnu avoir facilité à partir de 2010 au moins sept passages "chargés" de "mules" (transporteurs de drogue, ndlr) revenant de République dominicaine, avec des valises bourrées de 20 kilos de drogue en moyenne.

Ils auraient ainsi permis l'importation d'"a minima 500 kilos et au maximum 900 kilos à une tonne de cocaïne", a estimé un enquêteur de l'Office central pour la répression du trafic illicite des stupéfiants (Ocrtis), premier témoin entendu par la cour.

L'enquête dénommée "Excédent bagage" avait débuté en juillet 2013, après un renseignement anonyme sur un trafic bénéficiant de complicités aéroportuaires à Roissy.

Le "comportement suspect" d'un brigadier-chef de la PAF, plus tard identifié comme Christophe Peignelin, "anxieux" à l'arrivée de passeurs supposés et téléphonant depuis une passerelle à plusieurs reprises à son subordonné Clément Geisse, avait vite alerté les policiers anti-stups en surveillance à l'aéroport francilien.

- "Train de vie dispendieux" -

Bien vu de sa hiérarchie, Clément Geisse, gardien de la paix affecté en 2004 à la PAF de Roissy, est celui qui "sympathise" avec Kamel Berkaoui, la "tête de réseau" selon les enquêteurs, et qui le présente à Christophe Peignelin.

Après un test "à vide", les deux policiers avaient récupéré Kamel Berkaoui accompagné de deux passeurs à leur descente d'avion pour les soustraire aux contrôles douaniers, et dissimulé leurs bagages cabines remplis de drogue dans un véhicule de la PAF. Ce +modus operandi+ avait été répété avec d'autres "mules".

Cette "assistance" des "policiers corrompus" était essentielle pour l'organisation criminelle, a souligné l'enquêteur de l'Ocrtis. Alors que Christophe Peignelin et Clément Geisse semblent soupçonner en septembre 2014 Kamel Berkaoui de faire passer des "mules" sans leur aide, ils laissent entendre qu'ils ont la possibilité de déclencher des contrôles douaniers, pour montrer aux commanditaires qu'ils sont indispensables et que sans leur assistance toute personne qui arriverait serait contrôlée.

En décembre de la même année, deux passeurs étaient revenus de République dominicaine sans drogue "car ils ne pouvaient pas être récupérés par les fonctionnaires de police", Christophe Peignelin étant alors absent, a donné en exemple l'enquêteur.

Les ex-membres de la PAF ont dit lors de l'instruction avoir empoché au total entre 540.000 et 620.000 euros, à raison de 40.000 euros par "mule" récupérée. Ils doivent être interrogés sur les faits en deuxième semaine.

Selon l'enquêteur de l'Ocrtis, Clément Geisse avait un "train de vie dispendieux" et "se vantait" sur les réseaux sociaux d'être propriétaire de véhicules de luxe, de villas avec piscine ou d'un bateau monocoque, une propriété qui n'a pas été établie.

Christophe Peignelin était "beaucoup plus discret", même s'il a fait bénéficier sa concubine et sa maîtresse "de largesses financières".

Après leur arrestation, quelque 150.000 euros ont été récupérés par les enquêteurs, cachés chez une connaissance de Clément Geisse dans la région bordelaise.

Aux côtés des deux ex-policiers, comparaissent Kamel Berkaoui et neuf membres présumés de son réseau.

Vingt-huit autres personnes, dont des "mules" et des blanchisseurs de l'argent de la drogue, ont été renvoyées devant le tribunal correctionnel.

Ancien joueur et entraîneur de football, Kamel Berkaoui a en partie reconnu les faits, expliquant s'être retrouvé sous la coupe d'un cartel dominicain. Il a dédouané l'ensemble de ses co-accusés, à l'exception des deux anciens policiers.

Le verdict est attendu le 7 février.

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