Biodiversité : les abeilles en danger, que dit la loi ?

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Marion Renson-Bourgine, édité par la rédaction
Publié le 09 juin 2017 - 16:32
Mis à jour le 10 juin 2017 - 16:37
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Une abeille.
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©Koen/Flickr
Depuis de nombreuses années, la population des abeilles connaît un déclin.
©Koen/Flickr
Gravement menacées, les abeilles jouent pourtant un rôle fondamental dans la protection de l'environnement. Leur disparition pourrait donc avoir des conséquences catastrophiques si aucune solution n'est trouvée pour les protéger. Pour "FranceSoir", Marion Renson-Bourgine, juriste spécialisée dans le droit animalier, revient sur la législation qui entoure la biodiversité en France, essentielle aux sociétés humaines.

La Terre va mal: elle perdrait entre 1% et 10% de sa biodiversité par décennie[1]. L’Organisation pour l’Alimentation et l’Agriculture des Nations unies (FAO) estime que sur les quelque 100 espèces végétales qui fournissent 90% de la nourriture mondiale, 71% sont pollinisées par les abeilles. En effet, ces dernières jouent un rôle fondamental dans la biodiversité et, de fait, dans la protection de l’environnement[2]. Leur rôle de pollinisation des cultures agricoles et des écosystèmes naturels doit être pris en considération. Par ailleurs, diverses études estiment la valeur économique du travail effectué par les abeilles et autres insectes pollinisateurs à plusieurs milliards de dollars[3].

Or, depuis de nombreuses années, leur population connaît un déclin, ce qui a fait l’objet d’articles de presse avec des propos forts annonçant la non-survie de l’humanité en cas de disparition des abeilles[4]

Afin de remédier à ce problème, les causes doivent être déterminées. Elles sont multiples et ne reposent pas uniquement sur l’usage des pesticides agricoles. Le déclin de la population des abeilles est provoqué, en outre, par les infections parasitaires ou virales des populations, la réduction de la taille des habitats, la diminution drastique du nombre des apiculteurs, la raréfaction des plantes fournissant nectar et pollen. Mais aussi par les interférences possibles des ondes avec les vols d’abeilles, la compétition avec des espèces invasives, les changements climatiques ainsi que la pollution des écosystèmes par des substances toxiques.

L’action humaine, par son recours accru aux pesticides, le manque ou mauvais contrôle des importations de miel, ou encore la succession d’autorisations administratives de mise sur le marché (AMM) de techniques ou produits dangereux pour les abeilles[5], en est pour partie responsable. Les risques ne sont pas négligeables, et ne pouvent être passés sous silence au regard du droit. Il est donc impératif que les abeilles soient protégées juridiquement.

L’arsenal juridique sur la protection de l’environnement est dense. La loi du 10 juillet 1976[6] constitue l’acte fondateur du droit français de l’environnement et reconnaît d’intérêt général la protection des espaces naturels et des paysages, la préservation des espèces animales et végétales, le maintien des équilibres biologiques et la protection des ressources naturelles. Ce texte innove en définissant un statut général de protection des espèces de la flore et de la faune sauvage. C’est cette même loi qui a reconnu le statut d’"être sensible" de l’animal. De plus, le Congrès a adopté la constitutionnalisation de la Charte de l’environnement le 28 février 2005. Cette avancée attribue la plus haute valeur juridique à la protection de l’environnement. D’ailleurs, un ensemble de textes juridiques (de natures différentes) a pour finalité la préservation des écosystèmes, régulièrement associée à la protection de la santé[7].

En effet, la Charte de l’environnement consacre le droit à un environnement équilibré dans son article 1: "Chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et favorable à sa santé". Par ces dispositions, la protection de l’environnement inclut aussi bien celle de la biodiversité que celle de la santé. Une autre notion est actuellement omniprésente et incontournable: celle de développement durable. La nécessité de préserver le patrimoine laissé aux générations futures l’a faite émerger. "Le développement durable permet de répondre aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à satisfaire leurs propres besoins"[8].

Le développement durable et le droit de vivre dans un environnement sain et équilibré ont des conséquences sur la protection des animaux puisque la poursuite de ces objectifs implique "de maintenir les processus écologiques essentiels et les systèmes entretenant la vie, de préserver la diversité génétique dont dépend le fonctionnement de la plupart de ces systèmes, de veiller à l’utilisation durable des espèces et des écosystèmes"[9]. Les abeilles ne peuvent être que pleinement concernées, entrant ainsi dans le cadre de protection juridique déjà constitué. Les textes mettent en évidence le lien inéluctable entre la faune, la flore et l’humanité.

De plus, le législateur a décidé de poursuivre dans la voie de l'écologie, comme le démontre la loi n°2016-1087 du 8 août 2016 inscrivant le principe de non régression à l'article L.110-1 du code de l'environnement[10] fixant ainsi l'orientation des réglementations futures dans le sens d'une amélioration constante de la protection de l'environnement.

 

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[1]Wilson E.O., 1999. The Diversity of life (new edition). W.W.Norton& Company, Inc. New York.

[2]Boezio G., Peduzzi P., rapport du Programme des Nations Unies sur la mortalité des abeilles et sur les menaces qui pèsent sur les insectes pollinisateurs, RSDA n° 2/2011, p. 163, http://www.unilim.fr/omij/files/2013/10/95_RSDA_2-20111.pdf.

[3]Rivière-Wekstein G., Regard sur la crise sanitaire apicole, RSDA n° 2/2011, p. 199.

[4] Matthew R. Smith, Gitanjali M. Singh, DariushMozaffarian et Samuel S. Myers, Effects of decreases of animal pollinators on human nutrition and global health: a modelling analysis, The Lancet, vol. 386, no 10007, 14 Nov. 2015, pp. 1964‑1972. Les raisons scientifiques reposent essentiellement sur une combinaison d’une augmentation des carences en vitamine A et en vitamine B9 (contenues dans le nombre de fruits et légumes), vitales pour les femmes enceintes et les enfants, et une incidence accrue des maladies non transmissibles comme les maladies cardiaques, les accidents vasculaires cérébraux (AVC) et certains cancers (La disparition des abeilles pourrait causer des millions de morts , Sciences et avenir, 20 juillet 2015).  

[5]Colson J-P., L’abeille et le droit, Ed. du Puits Fleuri, oct. 2013,  248 p.

[6]Loi n°  76-629 du 10 juillet 1976 sur la protection de la nature.

[7]Par ex.: règlement européen n° 1907/2006 du 18 déc. 2006, REACh, sur les substances chimiques; directive européenne n° 2010/63 du 22 sept. 2010 sur la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques…

[8]Concept défini pour la première fois par un rapport de la Commission mondiale sur l’environnement et le développement de l’ONU en 1987.

[9]Gassot O., L’animal, nouvel objet du droit constitutionnel, Revue française de droit constitutionnel, vol. 64, n° 4, Déc. 2005, p. 172.

[10] https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000033033501&cidTexte=LEGITEXT000006074220&dateTexte=20170227

 

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