"Dans les forêts de Sibérie" : un grand bol d'air frais (VIDEO)

Auteur(s)
Jean-Michel Comte
Publié le 14 juin 2016 - 18:18
Mis à jour le 15 juin 2016 - 11:27
Image
Raphaël Personnaz Film Forêts de Sibérie
Crédits
©Nord-Ouest Films/Paname Distribution
Raphaël Personnaz est, à l'écran, Sylvain Tesson qui a passé un an seul dans une cabane en Sibérie.
©Nord-Ouest Films/Paname Distribution
Se couper du monde et vivre seul pendant un an en pleine nature, au bord du lac Baïkal gelé: cette expérience, racontée par l'écrivain Sylvain Tesson dans son livre "Dans les forêts de Sibérie" en 2011, est adaptée au cinéma dans un film qui sort ce mercredi.

C'est à un grand bol d'air très frais, loin de la fureur du monde, des réseaux sociaux et du quotidien, qu'est invité le spectateur du film Dans les forêts de Sibérie, tiré du livre autobiographique de Sylvain Tesson et qui sort ce mercredi 15 sur les écrans.

Raphaël Personnaz interprète le personnage principal, Teddy, chef de projet multimédia qui décide de quitter son travail, sa famille et ses amis pour aller s'installer seul, pendant un an dans une cabane au bord du lac Baïkal, en Sibérie, dans le sud-est de la Russie.

"Je suis venu me rapprocher de ce que je ne connais pas: la froid, le silence, l'espace et la solitude", dit-il en voix off, au début du film. Il débarque en plein hiver, et son pick-up glissant sur le lac Baïkal complètement gelé met immédiatement le spectateur dans l'ambiance.

Le propriétaire de la cabane, qui devait la lui louer, lui propose de la lui vendre, et il accepte. "C'est un endroit idéal pour se suicider", lui dit en plaisantant le propriétaire, avant de partir. Mais Teddy est ravi, il réalise son rêve: le voici en pleine nature et en pleine solitude, éclairé à la bougie, dans une cabane avec poêle à bois, lampes électriques, une vingtaine de livres, un jeu d'échecs, des bouteilles de vodka et des pommes de terre. Il va patiner sur le lac, se promène dans la forêt entre sapins et bouleaux, joue de la trompette en pleine nature -sans déranger aucun voisin-, parfois un ours vient pointer le bout de son nez.

C'est l'hiver, et les conditions météo sont dures. Une nuit, en pleine tempête de neige, perdu dans le blizzard, il est secouru par Aleksei, un Russe en cavale, recherché pour le meurtre d'un homme dans la grande ville d'Irkoutsk, qui vit caché dans la forêt sibérienne depuis 12 ans…

Ce second personnage, qui anime la seconde moitié du film, a été ajouté au livre de Sylvain Tesson, qu'il était difficile d'adapter tel quel. "La littérature est un truchement plus facile pour se satisfaire du non-dit, de l’indicible, de l’intangible. Beaucoup de livres ont pour principale qualité de s’installer dans la durée; au cinéma, c’est beaucoup plus difficile", explique l'écrivain, qui a collaboré à l'adaptation de son livre par le réalisateur, Safy Nebbou.

Ainsi on échappe, sur la longueur d'un peu plus d'une heure et demie, à l'ennui qui pourrait menacer le spectateur dans cette histoire où il ne se passe pas grand-chose. Le résultat en est une belle réflexion sur le sens de la vie que peut se poser tout un chacun: travail, amis, famille, vie intérieure… Il est possible de vivre autrement si on le veut, cela ressemble à l'idée qu'on peut se faire de la liberté -un sentiment illustré par une séquence où l'on voit Teddy patiner sur le lac gelé, au son de la trompette d'Ibrahim Maalouf.

Se couper du monde pendant quelques semaines ou quelques mois et réapprendre la lenteur du temps: cela devrait faire rêver plus d'un spectateur, même si beaucoup ne se sentent pas capables de réaliser ce rêve. "Moi, il n’y a pas si longtemps encore, lorsque je suis parti à l’étranger, je me suis surpris à dire à mes proches que j’étais joignable sur Viber, What’s App, Messenger ou Facebook. En le disant, j’ai réalisé à quel point ces réseaux sociaux ou moyens de communication étaient chronophages. Sans jeter la pierre aux nouvelles technologies, il faut reconnaître que c’est un élément qui nous disperse", explique Safy Nebbou, réalisateur notamment en 2004 du Cou de la girafe, son permier long métrage, avec Sandrine Bonnaire et Claude Rich, ou de L'autre Dumas en 2010, avec Gérard Depardieu et Benoît Poelvoorde.

Pour Raphaël Personnaz, l'acteur principal, "on n’est pourtant pas obligé de se couper du monde de manière aussi radicale que le fait Sylvain ou mon personnage pour se recentrer. C’est tentant mais en serions-nous tous capables? Je ne crois pas. Pour les spectateurs, c’est un formidable moyen de s’évader".

Réflexion métaphysique, le film est aussi une ode à la beauté de la nature sauvage, voire un plaidoyer écologiste, rappelant le film de Sean Penn Into the Wild en 2007, dans lequel un jeune Américain plaquait tout pour aller vivre seul en pleine nature. "Je ne voulais pas que ce soit frontal mais, de fait, il parle d’écologie car Teddy vit au rythme de la nature et les éléments deviennent le moteur de sa vie", dit Safy Nebbou. "D’ailleurs, bien plus qu’Into the wild, ma référence suprême à l’écriture était Dersou Ouzala, un grand film écologique de Kurosawa. Réaliser un film où l’on sent les éléments, la glace, le froid, c’est d’une certaine manière mettre en avant la planète. Mais, comme le reste du film, j’ai voulu traiter ce thème avec simplicité. Je bannis toujours la psychologie et la morale car elles m’ennuient au cinéma et j’ai eu envie que le spectateur prenne ici ou là ce qu’il avait envie de prendre".

(Voir ci-dessous la bande-annonce du film):

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