Twitter censure un dessin de Charb : appel à la mobilisation de Marika Bret (Charlie Hebdo)
"C'est de la lâcheté qui s'ajoute à la lâcheté!". Marika Bret, historique de Charlie Hebdo et amie de longue date de Charb, caricaturiste assassiné par l'obscurantisme religieux le 7 janvier 2015, ne décolère pas. Lundi 17, Twitter a bloqué son compte car sa photo de profil (voir ci-dessus la photo de cet article) "enfreint les Règles de Twitter" (avec un "R" majuscule, s'il vous plaît).
Une erreur? Impossible de savoir à ce stade confie-t-elle à France-Soir: Ce mardi midi, Twitter n'avait tout simplement pas répondu à sa réclamation. "Ils sont plus prompts à censurer qu'à s'expliquer!", raille celle qui compte désormais sur la solidarité des internautes et des politiques pour faire plier l'oiseau bleu. Et ne pas laisser passer cette nouvelle insulte à la mémoire d'un ami tombé, comme 11 autres (et 4 blessés) sous les balles de fous de Dieu voulant faire taire Charlie.
Marika Bret raconte s'être donc connectée à son compte Twitter lundi pour faire un peu de veille d'information. "Je ne suis pas une grosse utilisatrice. Je m'en sers comme source d'information et dans le cadre du travail que je mène depuis trois ans sur la mémoire de Charb". Un message l'informe alors que son compte est bloqué, sans autre forme de procès. En cause: la caricature de Charb qui lui sert de photo de profil depuis qu'elle s'est inscrite sur le réseau social, il y a "deux-trois ans" tente-t-elle de se souvenir. Après vérification, son premier message date du 25 août 2016: cette Une -hilarante- de Charlie représentant un Chevènement nauséabond en camembert oublié dans le placard (journal daté du 24 août 2014)...
Depuis tout est du même tonneau: de l'humour noir, des blagues piquantes, beaucoup d'engagement politique. Un ton que résume parfaitement cette photo de profil. Marika Bret a beau être estampillée "Charlie", son compte reste plutôt anonyme et est noyé dans une masse de millions d'autres.
Si la piste la plus probable de cette censure reste celle d'un signalement par d'autres utilisateurs, rien n'est sûr. Marika écarte toutefois l'hypothèse d'une infraction aux droits d'auteur ("je suis en contact avec les parents de Charb", explique-t-elle) tout comme celle d'une infraction aux sacro-saintes lois du réseau social. Elle les a d'ailleurs épluchées et l'assure: "je ne vois pas en quoi cette caricature contrevient aux règles" du site.
Reste que son humour, qui est aussi celui de Charlie et de Charb, ne plaît visiblement pas à Twitter qui la prive désormais d'une part de sa liberté d'expression. Alors elle a fait ce qu'on fait dans ces cas là: une réclamation et un message pour alerter, tenter de mobiliser. Une bouteille à la mer qui a été abondamment partagée, mais sans faire bouger Twitter. Ni les politiques, regrette Marika Bret dans un de ces rires qui, malgré la colère, rythment l'entretien.
Pour ne pas être seule face au géant qu'est le réseau social, Marika en appelle maintenant à la solidarité et voudrait que "tout le monde partage ce dessin sur Twitter!", pour faire nombre. Elle veut aussi interpeller le gouvernement, la ministre de la Culture Françoise Nyssen et le secrétaire d'Etat au Numérique Mounir Mahjoubi.
En janvier dernier, lors de ses vœux à la presse, Emmanuel Macron prononçait un grand discours fort contre les fake news et... pour des "obligations de transparence accrues" pour les plateformes comme Facebook, Google et Twitter. La loi afférente, quelque peu bancale, en est encore au stade de projet (le Sénat l'a rejetée cet été) mais c'est l'occasion pour l'exécutif de réaffirmer son ambition.
De son côté, Marika Bret ne laissera pas passer. "Dès le lendemain du 7 janvier, Charb était accusé d'avoir conduit son équipe à la mort. Depuis, ça ne s'arrête pas et sa mémoire est constamment attaquée, on l'a vu encore récemment avec de nouvelles réactions indignes à sa Lettre aux escrocs de l’islamophobie" (editions J'ai Lu, paru le 4 janvier 2017). Humaniste forcené, républicain convaincu, Charb était la cible d'attaques récurrentes sur un "racisme" supposé. Charlie aussi fait face depuis toujours à ce type de procès intentés par les intégristes de tous bords. Les moquer est une forme de résistance, comme ce dessin, qui circulait abondamment après l'attentat du 7 janvier: celui d'un crayon bouchant le canon d'une kalachnikov. L'arme est aujourd'hui autre, mais n'en est pas moins puissante.
Lire:
Charb répond aux "escrocs de l'islamophobie" dans un livre posthume
Charlie Hebdo: trois ans après l'attentat, le journal satirique toujours sous haute surveillance
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