Un village de Seine-et-Marne contre Suez et ses déchets dangereux


Un village à 25 km à l'est de Paris, Le Pin, se dresse contre l'extension d'un site de stockage de déchets dangereux sur son territoire, avec la crainte de ne pas faire le poids devant l'obligation de gérer ces résidus dans la région.
La décharge existe depuis 1977, à cheval sur les communes voisines de Villeparisis et Courtry, mais ça n'est que lorsque Suez a lancé sa campagne de communication pour s'étendre sur leur territoire que les 1.500 habitants du Pin, en Seine-et-Marne, se sont intéressés à l'activité du site.
Samedi, ils ont été une cinquantaine à se rassembler devant la petite mairie sur le fronton de laquelle la banderole "non aux déchets dangereux" résume leur inquiétude et colère.
Rien de radioactif, d'explosif ou d'inflammable : le géant français de l'eau et des déchets le dit et répète à l'envi.
Les produits enfouis dans ces terres sont des résidus d'épuration de fumée des incinérateurs des ordures ménagères d'environ 7 millions d'habitants.
Également stockés faute de pouvoir être valorisées ou recyclées : de l'amiante et des terres polluées provenant de la réhabilitation de friches industrielles.
Cette installation de stockage de déchets dangereux (ISDD) est, en raison de cela, classée Seveso haut.
Les riverains redoutent des pollutions via l'écoulement des eaux de pluie mais, interrogée par l'AFP, Florence Bruyat Korda, directrice générale d'IWS Mineral, se veut rassurante.
Ces eaux "sont collectées dans des bassins qui sont dimensionnés justement pour stocker des volumes d'eau liés à des épisodes pluvieux très importants", garantit la responsable du site appartenant au groupe Suez.
Le conseil municipal du Pin a voté à l'unanimité, le 10 janvier, une motion d'opposition au projet d'extension de Suez et la maire de la commune doute ouvertement des études environnementales.
Ce qui reste surtout en travers de la gorge des habitants du Pin est que les 24 hectares que la décharge devrait prendre sur leur commune sont ceux d'une ancienne carrière de gypse à peine réhabilitée.
"Le site d'extension prévu a la particularité d'avoir été exploité puis renaturé avec un certain succès", a souligné la Mission régionale d'autorité environnementale dans un avis rendu en octobre 2024.
- "Nimby" assumé -
Raser les 53.000 plantations réalisées sur cet espace entre 1995 et 2002 constitue une aberration pour les riverains. Pas pour l'industriel, qui se veut pragmatique.
"Géologiquement, il y a peu d'endroits en France où l'on peut ouvrir ce genre d'installation", plaide Florence Bruyat Korda.
La France ne compte que 13 ISDD et avec son épaisse couche d'argile qui imperméabilise naturellement le site des nappes phréatiques, le sous-sol local est idéal.
"Partout dans le monde, on est en incapacité de traiter certains déchets ultimes et forcément, il faut les mettre quelque part", raisonne Alexandre Gianquinto. "On va mettre chez les bouseux, chez nous, les déchets de l'ensemble de la France", soupire celui qui a créé l'association Action pinoise zéro déchet en 2022 avec son épouse.
A 39 ans, lui qui habite Le Pin depuis sept ans revendique son syndrome Nimby (acronyme pour "Not in my backyard", "Pas dans mon jardin"). "Egoïste de ne pas vouloir ce projet ? Oui, car dans le 77, on est quand même déjà bien trop garni en termes de déchets par rapport à ce qu'on produit".
Comme lui, plusieurs opposants au projet de Suez rappellent que la région voisine des Hauts-de-France n'a aucune ISDD sur son sol quand l'Île-de-France en compte deux, l'autre étant située dans les Yvelines.
Sans hésiter, la mairie du Pin s'est opposée à modifier son plan local d'urbanisme pour permettre cette extension, qui porterait la surface totale du site à environ 67 hectares.
Une décision locale contrecarrée par le préfet, qui a qualifié le projet d'intérêt général en avril 2024.
"On est un peu comme un caillou sous le rouleau compresseur", soupire Alexandre Gianquinto.
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