Encore un peu de pâté ? L'incroyable succès du spam en Corée du Sud

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Par Sunghee Hwang - Jincheon (Corée du Sud) (AFP)
Publié le 23 septembre 2018 - 10:16
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Des boîtes de spam en vente dans un supermarché de Séoul, le 21 septembre 2018 en Corée du Sud
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© Ed JONES / AFP
Des boîtes de spam en vente dans un supermarché de Séoul, le 21 septembre 2018 en Corée du Sud
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Popularisé à travers le monde par l'armée américaine pendant et après la Seconde Guerre mondiale, le spam, concoction à base de porc en boîte de conserve, n'a pas de quoi séduire les gastronomes. Mais en Corée du Sud, cette espèce de pâté rose est en tête des cadeaux offerts pour les fêtes.

Le festival Chuseok des récoltes, l'une des plus grandes célébrations de Corée du Sud et l'occasion de gigantesques réunions de famille, est imminent. Les conserves de spam bleues et jaunes, reposant sur un nid de paille dans des coffrets en bois, figurent dans tous les rayons, du grand magasin à l'échoppe de quartier.

Dans le haut de gamme, un coffret contenant six boîtes de spam et deux bouteilles d'huile d'olive d'Andalousie se vend plus de 90.000 wons (70 euros). Mais la version la plus populaire contient neuf conserves et coûte 30.000 wons (23 euros).

Lee Yoon-ho, un employé de bureau, en a acheté cinq pour offrir à ses proches. C'est le "cadeau le plus universel", selon lui: "C'est abordable et tout le monde aime ça. Tous les Sud-Coréens aiment le spam."

Dans des pays occidentaux comme le Royaume-Uni, le pavé rose fait d'épaule de porc cuit et de jambon, mis initialement sur le marché en 1937 par le groupe américain Hormel Foods, a plutôt une image de plat du pauvre peu sophistiqué.

Mais en Corée du Sud, environ 213 milliards de wons de boîtes de spam ont été vendues en 2017, six fois plus qu'en 2008, date du premier recensement en la matière.

"C'est vu comme un produit de premier choix en Corée", explique Jaynee Dykes, directrice de la marque chez Hormel Foods.

D'après une porte-parole de Homeplus, géant des supermarchés, différentes catégories de paniers sont arrivées 2e, 3e et 4e des produits les plus vendus lors du festival Chuseok 2017.

- "Gras et salé" -

Un tel phénomène serait impossible ailleurs, estime Da-Hae West, auteure de "Eat Korean", livre de recettes en langue anglaise. "Dans les pays occidentaux, le spam est considéré comme un succédané bon marché de viande, les gens le voient plutôt négativement et l'associent aux rations et à la viande de mauvaise qualité", explique-t-elle à l'AFP.

Le spam a également donné son nom aux courriels indésirables qui inondent les boîtes mail grâce à un sketch des Monty Python dans lequel des Vikings chantent à tue-tête en l'honneur du mets, couvrant toutes les autres voix.

L'aspect hautement transformé du produit qui fait se retourner certains estomacs est précisément ce qui plaît en Corée du Sud, ajoute-t-elle. "Comme le spam est salé et a une forte teneur en gras, il se marie très bien avec les éléments épicés et acidulés de la cuisine coréenne, en particulier le kimchi (spécialité à base de chou fermenté), car les saveurs s'équilibrent".

Le spam est arrivé sur la péninsule dans les années 1950 en même temps que l'armée américaine, quand les réserves de vivres pour les civils étaient maigres. La viande était alors rare. Les soldats américains donnaient parfois des boîtes de spam aux habitants, qui les considéraient comme le summum de la nutrition et de la santé - et qui se nourrissaient aussi de restes de spam trouvés près des casernes américaines.

- Pauvreté -

La pauvreté était alors extrême. Les Sud-Coréens inventèrent un nouveau plat appelé "budae jjigae", ce qui signifie plus ou moins "pot-au-feu de l'armée", une concoction faite de spam, de haricots en boîte, de fromage en tranches et de kimchi. La recette reste immensément populaire.

Au fil des décennies, le spam s'est incorporé à la culture culinaire sud-coréenne. Les jeunes comme les plus âgés considèrent le pavé rose comme partie intégrante de la cuisine locale.

Chloe Kim, championne olympique américaine de snowboard half-pipe, dont les deux parents sont nés en Corée, a grandi en mangeant du spam et cela reste un de ses aliments préférés. "On a en permanence du spam dans nos placards", avait expliqué son père à USA Today Sports, à l'occasion des jeux Olympiques d'hiver organisés en février en Corée du Sud.

Les boîtes sont devenues des cadeaux tendance durant la crise financière asiatique de la fin des années 1990, quand les gens cherchaient des choses moins coûteuses à offrir que les paniers de fruits et les assortiments de boeuf.

- "Offrir et recevoir" -

L'économie s'est redressée mais la popularité des coffrets cadeau de spam ne s'est pas démentie.

Selon Hormel Foods, le pays est désormais le deuxième plus gros consommateur de spam derrière les Etats-Unis alors que sa population représente moins d'un sixième des Américains.

Chez CJ CheilJedang, franchisé local de Hormel, la moitié des ventes de l'année ont lieu lors du festival des récoltes et du Nouvel an chinois, a dit à l'AFP un porte-parole. Depuis mai, les ouvriers assemblent chaque jour 45.000 coffrets cadeau dans l'usine de la province de Chungcheong Nord, soit 10% de plus qu'en 2017.

"Le spam est le cadeau parfait pour offrir et recevoir pendant Chuseok", estime Choi Yoon-sun en faisant ses courses. "Même quand on reçoit plusieurs coffrets, ça va car le spam se conserve longtemps. Quand j'étais petite, j'adorais recevoir du spam pour Chuseok, et maintenant que je suis mariée, j'aime encore plus!"

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