Fermeture programmée de l'abattoir AIM : coup de massue pour 237 salariés
Les 237 salariés de l'abattoir normand AIM Group, qui tablaient sur une reprise de leur entreprise par cinq éleveurs bretons, ont vu mercredi leurs espoirs douchés après le retrait en dernière minute de l'unique offre de rachat.
"L'offre a été retirée brutalement ce matin à l'audience" devant le tribunal de commerce de Rouen, a déclaré à l'AFP Elise Brand, avocate des salariés.
"Jusqu'à la dernière minute, on attendait un signe" du gouvernement, a expliqué à l'AFP l'un des cinq candidats à la reprise pour justifier ce retrait tardif.
"Ce qui s'est passé, c'est indécent", a estimé Me Brand, dénonçant l'absence de soutien de l’État. "Ce sont des salariés et ce sont des entrepreneurs. Ils ont tenu trois ans et on leur a tout interdit", y compris une ligne de crédit, a-t-elle affirmé. "Pour un emploi industriel, il y a un emploi induit" et "500 emplois au total" sont en jeu, a-t-elle rappelé.
Placé en redressement judiciaire début avril, AIM Group, basé à Villedieu-les-Poêles (Manche), a souffert d'un manque de liquidités dès ses débuts en 2015. A cette date, il avait été repris à 66% par une SAS composée de salariés et à 34% par la SEM Imagine (45% département de la Manche, 45% région Normandie et 10% Caisse des dépôts et consignations), selon Me Brand.
La reprise de 2015 faisait suite au dépôt de bilan de l'ancienne société AIM qui employait 590 personnes à Villedieu et à Antrain (Ille-et-Vilaine), site repris par le groupe breton Chapin-Monfort.
Depuis 2015, les salariés, qui louaient les locaux à un prix élevé, avaient dû investir leurs indemnités et faisaient "des heures supplémentaires non payées parce que c'était leur boîte", a rappelé l'avocate.
"De qualité exceptionnelle", la production d'AIM est écoulée principalement en circuits courts, avec une juste rémunération des producteurs, a fait valoir Me Brand. "On avait un modèle superbe (...), rejeté par l’État qui a tout fait pour que ce projet ne se fasse pas", a-t-elle dit, pointant du doigt le ministre de l'Agriculture Stéphane Travert, originaire de la région et qui a siégé au conseil d'administration de l'entreprise.
- "des garanties" -
"On ne demandait pas d'aides de l’État, simplement des garanties de financement", a déploré l'un des éleveurs à l'origine du projet de reprise. Sur un chiffre d'affaires de 70 millions d'euros, l'entreprise avait besoin d'un fonds de roulement de l'ordre de 3 millions d'euros, a-t-il estimé.
"On regrette d'autant plus que c'est un projet qui est complètement en ligne avec les décisions du gouvernement dans le cadre des États généraux de l'alimentation: montée en gamme, producteurs rémunérés correctement, etc...", a poursuivi cet éleveur.
Il déplore également que le ministre de l'Agriculture ne se soit "jamais manifesté directement sur un dossier qui le touchait personnellement". "On avait un plan qui tenait la route, on est déçus, encore plus pour les 185 salariés qui auraient toujours du travail", a-t-il dit. Le plan de reprise prévoyait la suppression d'une cinquantaine d'emplois.
"Les repreneurs ont été confrontés aux mêmes problèmes que nous. Ils ont rencontré les mêmes difficultés à mobiliser les banques qui ne prennent aucun risque", a analysé Sébastien Lafon, le représentant des salariés dans la procédure devant le tribunal de commerce. "A tous les niveaux, il n'y avait pas une volonté politique de nous accompagner", a-t-il estimé. "Il n'y a pas un politique qui se soit mobilisé".
"On va travailler jusqu'au weekend, écouler les stocks, vider les frigos, prévenir les clients", a ajouté M. Lafon. AIM abat actuellement 5.000 bêtes par semaine. "Mais il aurait pu monter à 8.000, voire 10.000, si les banques avaient suivi", a déploré Me Brand.
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