"Gilets jaunes" : Vinci enflamme le débat sur les péages devenus "symboliques"

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Par Ingrid BAZINET - Paris (AFP)
Publié le 18 décembre 2018 - 18:42
Mis à jour le 19 décembre 2018 - 00:10
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Action de gilets jaunes à un péage près de Marseille, le 9 décembre 2018
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© SYLVAIN THOMAS / AFP/Archives
Action de "gilets jaunes" à un péage près de Marseille, le 9 décembre 2018
© SYLVAIN THOMAS / AFP/Archives

"Incongru" : Vinci s'est attiré les foudres des "gilets jaunes", de députés, mais aussi du gouvernement en affirmant, avant d'y renoncer, vouloir faire payer les automobilistes passés gratuitement aux péages devenus, pour ce mouvement populaire, un symbole de taxes indues.

"Je trouve ça très incongru, pour le dire avec politesse. Ce n'est pas une bonne manière de procéder dans la période", a réagi dès mardi matin le porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux. "J'invite les cadres dirigeants du groupe Vinci à aller sur les ronds-points. Il faut savoir entendre ce que les Français ont dit", a-t-il ajouté à l'antenne de franceinfo.

Depuis le début du mouvement, les péages sont devenus avec les ronds-points, des points de fixation du mouvement des "gilets jaunes" qui estiment être "les vaches à lait" de l'Etat auquel ils reprochent d'avoir privatisé les larges bénéfices des sociétés d'autoroutes.

Les péages, "c'est symbolique, il faut arrêter de prendre les gens pour des imbéciles", tranche Christophe Chalençon, l'un des porte-voix des gilets jaunes dans le Vaucluse. "C'est du vol. On se fait racketter par des sociétés privées pour des structures qui n'ont pas évolué en 20 ans", dit aussi Jacline Mouraud, auteure d'une vidéo virale au lancement du mouvement.

Les "gilets jaunes" ont occupé plusieurs péages en levant les barrières de façon pacifique. D'autres équipements ont également été dégradés, voire incendiés, comme celui de Bandol sur l'autoroute A50, dans la nuit de lundi à mardi.

"On en a marre de ces sociétés d'autoroutes qui augmentent les prix et continuent à taxer les automobilistes", s'exclame Chantal, coordinatrice des "gilets jaunes" dans les Bouches-du-Rhône.

"Je les comprends en fait d'avoir brûlé ce péage. De toutes façons, l'autoroute nous appartient. Ce sont nos grands-parents et nos parents qui l'ont payée", estime Arnaud Ansermier, "gilet jaune" qui a occupé longtemps le péage de la Barque au sud-est d'Aix-en-Provence, sur l'A8, avant d'en être délogé avec ses camarades.

"Et les groupes comme Vinci chez nous, ils se sont gavés avec les péages, comme l'Etat, qui encaisse des redevances depuis des années des sociétés autoroutières", assène-t-il.

- "Un vrai scandale" -

Alors, pour certains députés, de droite comme de gauche, Vinci a versé de l'huile sur le feu en annonçant vouloir des indemnisations de l'Etat ou retrouver les automobilistes qui auraient passé les barrières sans payer. Face au tollé, Vinci a annoncé mardi soir renoncer à une procédure "mal comprise".

Emmanuel Macron "va-t-il tolérer ce nouvel abus de l'actionnariat roi?", avait auparavant demandé le député communiste de Seine Maritime Sébastien Jumel. "Dans le contexte actuel c'est un vrai scandale", avait renchéri le député socialiste Luc Carvounas.

"Quand #VinciAutoroutes utilise le fichier des cartes grises pour se faire rembourser des +péages gratuits+, cela me pose problème. Y-a-t-il un Etat dans l'Etat ?, s'emporte le député et secrétaire général adjoint des Républicains, Julien Aubert, qui demande une renationalisation.

"Re-nationalisons les autoroutes Vinci construites par l'argent du contribuable !", acquiesce le président de Debout la France Nicolas Dupont-Aignan.

Un message reçu cinq sur cinq par le gouvernement, qui ne semble pas vouloir donner suite aux demandes d'indemnisation des sociétés d'autoroutes chiffrant, Vinci en tête, à "plusieurs dizaines de millions d'euros" les pertes dues au mouvement.

"Sous réserve de confirmation des analyses juridiques, la vidéoverbalisation cherche à rechercher des auteurs d'infraction et pas à recouvrer des péages", explique-t-on au ministère des Transports.

Lundi, le ministre de l'Environnement François de Rugy avait déjà déploré que les sociétés d'autoroutes envisagent de "répercuter d'une façon ou d'une autre sur les tarifs d'autoroutes" les pertes occasionnées.

La ministre des Transports Elisabeth Borne, qui a reçu mardi soir les sociétés autoroutières a affirmé à l'issue de la réunion que "la priorité est de parvenir à un retour à la normale au plus vite sur le terrain" alors qu'il "subsistait aujourd'hui encore plusieurs dizaines de points de perturbations".

Elle a assuré de "la pleine mobilisation des forces de l'ordre pour intervenir et libérer les points de blocage".

Lors de la rencontre, les sociétés concessionnaires "ont fait part des dégradations importantes et d'une ampleur inédite constatées sur le réseau", a-t-elle également indiqué.

Trois gros acteurs, Vinci, Eiffage (APRR) et la Sanef se partagent le marché des autoroutes en France qui représente près de 10 milliards d'euros de chiffre d'affaires.

Un bon "moyen de pression sur le gouvernement", que le "gilet jaune" Arnaud Ansermier entend bien utiliser en reprenant le péage de la Barque dès que possible. "Mais pacifiquement. On ne veut pas tout casser, on n'est pas des voyous".

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