Guerre d'Algérie : après Maurice Audin, Macron fait un geste pour les harkis
Emmanuel Macron a promu d'anciens combattants harkis et des représentants d'associations dans l'ordre de la Légion d'honneur, un nouveau geste dans le travail mémoriel sur la guerre d'Algérie, jugé toutefois insuffisant par les harkis qui réclament "le pardon".
Le chef de l'Etat avait reconnu le 13 septembre que Maurice Audin, mathématicien communiste, militant de l'indépendance de l’Algérie, torturé par l’armée française et disparu sans laisser de traces en 1957, était bien "mort sous la torture du fait du système institué alors en Algérie par la France". Il avait alors demandé "pardon" à sa veuve.
Une semaine plus tard, il tend cette fois la main aux harkis, ces anciens supplétifs de l'armée française pendant la guerre d'Algérie (1954-1962), à quelques jours de la Journée nationale d'hommage du 25 septembre. Mais aussi au moment où certains tapent du poing sur la table. Début septembre, ils rappelaient leur soutien au candidat Macron en 2017, menaçant, pour obtenir réparation, de porter plainte contre la France pour crimes contre l'humanité devant les tribunaux internationaux.
La secrétaire d'Etat auprès de la ministre des Armées, Geneviève Darrieussecq, présentera mardi aux Invalides une série de mesures en faveur des harkis portant sur la reconnaissance de leur sort à la fin de la guerre d'Algérie et la connaissance de leur histoire. Une enveloppe de 40 millions d'euros sur quatre ans devrait aussi être débloquée pour venir en aide notamment aux harkis de deuxième génération qui continuent à connaître de graves difficultés sociales et d'intégration.
Emmanuel Macron envisage aussi de faire "un geste mémoriel très fort" à l'égard des harkis en décembre, indique-t-on de source proche de la présidence.
Les décrets parus au Journal officiel vendredi distinguent un total de 37 anciens combattants ou enfants de harkis, promus chevaliers de la Légion d'honneur, officiers ou chevaliers de l'ordre national du Mérite, ou décorés de la médaille militaire.
Cette promotion de harkis n'est pas la première, mais c'est la première fois qu'elle est aussi importante et que des enfants de harkis - seize sur le total de 37 - sont distingués au titre de leurs travaux et de leur parcours personnel.
- Considérés comme des traîtres -
Le geste d'Emmanuel Macron intervient après celui de François Hollande en 2016, qui avait reconnu "les responsabilités" de la France dans "l'abandon" des harkis, au cours d'une journée d'hommage du 25 septembre aux allures de pré-campagne électorale, à sept mois de l'élection présidentielle de 2017.
Parmi la deuxième génération distinguée vendredi, Fatima Besnci-Lancou, cofondatrice de l'association "Harkis et droits de l'homme", promue chevalier de la Légion d'honneur, a dit à l'AFP être "honorée". Elle a dédié sa décoration notamment à ses "deux grand-pères qui ont fait la Première guerre mondiale, qui ont la médaille militaire, dont un a disparu tragiquement en 1962".
Boaza Gasmi, le président du Comité national de liaison des harkis (CNLH), est plus mitigé. "Aujourd'hui le plus jeune harki a 80 ans. C'est un peu tard", et "notre combat, c'est une vraie reconnaissance et une vraie réparation (...): nous méritons le pardon", a-t-il affirmé sur franceinfo.
"Pour la reconnaissance du recours de l’administration coloniale à la torture, je n'y vois aucun élément d'information nouveau, sauf si cette reconnaissance est le prélude à une forme de réparation", a estimé de son côté le politologue Mohamed Hennad, interrogé par l'AFP.
L'historien spécialiste de la guerre d'Algérie Abderahmen Moumen met lui en garde contre le risque d'une "concurrence mémorielle" des porte-parole de certains groupes sociaux de cette guerre, alors que la majorité des acteurs et les témoins de ces pages sombres de l'Histoire ont eux, "tourné la page".
Pour Mohamed Amar, enseignant rencontré dans les rues d'Alger, le geste d'Emmanuel Macron "c’est de la politique, une politique d’équilibre, de juste milieu mais certainement pas de Justice."
"C'est une décision franco-française qui ne nous concerne pas. Nous, on a arraché notre indépendance. Le reste les regarde", dit Hamid Brahimi, retraité.
Sur les quelque 150.000 Algériens recrutés par l'armée française comme auxiliaires durant la guerre d'Algérie, environ 60.000 sont parvenus à partir pour la métropole avec les pieds-noirs. Mais leur accueil s'est fait dans des conditions précaires (camps, hameaux de forestage et cités urbaines), sans réelles perspectives d'intégration pour eux-mêmes ni leurs enfants.
Les autres - entre 55.000 et 75.000 selon les historiens - ont été livrés à leur sort en Algérie et, considérés comme des traîtres par le nouveau régime, victimes de sanglantes représailles.
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