Le voile islamique, question de société non tranchée en Iran

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Par Siavosh GHAZI, Marc JOURDIER - Téhéran (AFP)
Publié le 08 février 2018 - 12:32
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Des Iraniennes dans une rue de Téhéran, le 7 février 2018
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© ATTA KENARE / AFP
Des Iraniennes dans une rue de Téhéran, le 7 février 2018
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La remise en cause publique, aussi limitée qu'inédite, de l'obligation faite aux femmes de porter le voile en Iran fait resurgir une question de société qui préoccupe la population iranienne depuis des décennies.

Il suffit d'interroger quelques Téhéranaises pour constater à quel point le pays est partagé sur la question du voile islamique.

Couverte d'un tchador, grande pièce de tissu noir recouvrant tout le corps et ne laissant dépasser que le visage, Fatemeh, femme au foyer, estime que "seule une petite minorité (y) est hostile et proteste".

Hanieh, journaliste portant un foulard bleu assez strictement ajusté, assure qu'elle n'enlèvera "jamais" son voile dans son pays. Elle laisse entendre qu'il protège les femmes de la concupiscence masculine, argument largement mis en avant par les pouvoirs publics.

Dentiste, laissant abondamment dépasser une chevelure frisée d'une écharpe négligemment posée sur sa tête, Samar, pense au contraire que "quelques mèches de cheveux" ne risquent pas de "provoquer quoi que ce soit chez qui que ce soit".

Le 2 février, la police a annoncé avoir arrêté et déferré à la justice "29 personnes qui perturbaient l'ordre social", après la publication pendant quelques jours sur les réseaux sociaux d'images apparemment prises à Téhéran et montrant une dizaine de femmes brandir, tête nue, chacune dans un lieu public, leur foulard pendu au bout d'une perche.

La diffusion de nouvelles images a cessé après les arrestations.

- 'Voile ou bastonnade' -

La République islamique d'Iran est le seul pays au monde à imposer le port du voile à toutes les femmes, Iraniennes comme étrangères, musulmanes ou non.

Après les efforts de la dynastie Pahlavi (1925-1979) pour interdire le voile dans une volonté de modernisation du pays sur le modèle occidental, le voile est devenu un des symboles de la révolution de 1979 qui allait faire tomber la monarchie.

Mais face à la fronde de nombreuses femmes, le nouveau pouvoir a d'abord dû faire machine arrière dans sa volonté de rendre son port obligatoire, et l'imposition s'est faite graduellement.

Le milieu de la décennie 1980 voit le développement d'une politique coercitive pour généraliser le "bon hijab".

C'est l'époque du "voile ou (de) la bastonnade". Des escouades de femmes en noir de la police des mœurs arpentent les rues pour corriger les contrevenantes.

La définition du "bon hijab" n'est guère précise. Selon une acception courante, les femmes doivent se voiler dans l'espace public et porter un vêtement ample plus ou moins long.

Dès la décennie 1990, les femmes ont commencé à jouer avec les règles pour s'en affranchir.

Aujourd'hui, dans les quartiers aisés de Téhéran, le tchador est souvent troqué pour des pantalons et un semblant de foulard, coloré, qu'il n'est pas rare de voir totalement rabattu sur les épaules.

Depuis l'élection, en 2013, du président Hassan Rohani, modéré, la police des mœurs a largement disparu des rues.

Dimanche, les services de M. Rohani ont publié un rapport notant, à base de sondages, une érosion constante du nombre de personnes approuvant la politique de répression à l'encontre du "mauvais hijab", mais peignant le tableau d'une société pratiquement coupée en deux parts égales sur la question.

- Symbole révolutionnaire -

Le moment choisi pour publier ce document vieux de quatre ans et concluant à l'inutilité de la coercition, a pu être interprété comme une tentative de répondre aux ultraconservateurs qui ne cessent de critiquer les slogans d'ouverture du président.

"D’une manière générale, tout le monde a changé et il faut oublier les discours et les positions d’il y a vingt ou trente ans", dit à l'AFP Hamid Reza Jalaï, professeur de sociologie à l'université de Téhéran.

Pour autant, nombre de dirigeants ultraconservateurs s'arc-boutent sur la question du voile, dans lequel ils voient un symbole des valeurs "révolutionnaires", au même titre que la dénonciation de la "décadence" occidentale.

Pour les contestataires les plus virulentes, le voile est associé à une oppression patriarcale, alors que ses partisans font valoir que sa généralisation a permis à de nombreuses familles attachées à une pratique traditionnelle de l'islam d'envoyer leurs filles à l'école ou travailler.

Mais cet affranchissement "était conditionné à la permission du mari ou du père", nuance Nasrin Sotoudeh, avocate chargée de la défense d'une des femmes récemment arrêtées.

"Aujourd’hui, rappelle-t-elle, certains emplois, en particulier au sein de la justice, sont conditionnés au port du tchador".

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