Les mariages couronnés à la télévision, une histoire qui débute à Monaco
Soixante-deux ans avant le prince Harry, le mariage du prince Rainier III de Monaco avec Grace Kelly, alors au sommet de la gloire à Hollywood, fut le premier retransmis à la télévision. Un direct en noir et blanc dont les images ne parvinrent au public américain qu'en différé.
Il n'y a pas encore la couleur et le nombre de postes de télévision est encore balbutiant. Mais la mariée, américaine comme la promise du prince Harry, Meghan Markle, est l'ingrédient idéal pour sortir Monaco de la grisaille d'après-guerre et insuffler une touche glamour dont le jeune prince régnant de 32 ans a besoin pour relancer son micro-pays.
Percevant tout le parti qu'elle peut tirer de la présence des caméras de télévision et de son alliance politico-économique avec les États-Unis, la Principauté ne va pas lésiner pour faire de la cérémonie un événement médiatique planétaire.
Le 19 avril 1956, on étrenne donc le tout nouveau réseau Eurovision, trois ans près les retransmissions du couronnement de la reine Elizabeth en 1953. Trente millions de spectateurs européens dans neuf pays assistent en direct à la noce, tandis que 1.800 journalistes envahissent le Rocher, un record pour l'époque.
"Cela passera à la télévision américaine mais en différé car les films sont envoyés par avion. A l'époque il n'y a pas encore les satellites et les films sont mis en boîte à la fin de la cérémonie puis c'est en avion que les images partent aux États-Unis", raconte le documentariste Frédéric Laurent. "Dans les jours qui suivent, c'est aussi diffusé aux actualités dans les salles de cinéma".
"Il faudra attendre 25 ans et le mariage du prince Charles et Diana pour vivre à nouveau un tel phénomène", constate-t-il. Il rappelle: "Rainier avait conscience de la force des médias. Son mariage est construit comme un grand événement qui fait réexister Monaco à un moment où la principauté végète et où les journaux d'après-guerre s'y intéressent peu".
- Soie, tulle et vison -
L'amour de Rainier avec sa princesse hollywoodienne fut une aubaine pour la presse du coeur, fascinée par cette Américaine élevée dans une riche famille catholique irlandaise de Philadelphie.
C'est un photographe de Paris-Match qui avait eu la bonne idée de présenter au prince monégasque l'actrice, égérie d'Hitchcock, pour une série de clichés exclusifs à Monaco en 1955 pendant le festival de Cannes. Au firmament de son art, Grace Kelly venait de remporter l'Oscar de la meilleure actrice. Avec Ava Gardner et Marylin Monroe, elle était l'une des trois grandes stars du moment.
Le suspens sur sa robe de la mariée, offerte par le studio hollywoodien MGM, fut soigneusement entretenu. Ce n'est que deux jours avant la cérémonie que le public découvrit la tenue ivoire à manches longues aux lignes savamment dessinées pour flatter l'élégance de l'actrice vue de dos, debout devant l'autel.
Dans son récit du mariage princier à la cathédrale, l'un des envoyés spéciaux de l'AFP témoignera de la pompe de la cérémonie. Des enfants de choeur, de l'orgue, 1.100 places chacune numérotées, et dans l'assistance, tout n'est que soie, tulle et vison.
Lorsque Mgr Gilles Barthe pose la question sacramentelle, d'abord au prince Rainier puis à la princesse Grace, le silence n'est troublé que par le bruit des moteurs des caméras. Seul le prélat peut entendre les deux "oui".
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