Les PME françaises tardent à prendre le train du numérique
Si la France est désormais reconnue comme un terrain fertile pour les start-up, elle est nettement moins en pointe sur la transformation numérique de ses petites entreprises classiques, qui accusent un retard préoccupant en la matière par rapport à leurs concurrentes européennes.
Selon Eurostat, seulement deux PME françaises sur trois avaient en 2015 un site internet, contre trois sur quatre en moyenne dans l'UE et plus de neuf sur dix en Finlande. Et seulement une sur huit recevait des commandes en ligne, soit deux fois moins qu'en Allemagne, souligne un rapport du cabinet Deloitte pour Facebook publié début février.
Pourtant, les petites entreprises représentent en France près de 99% du tissu économique. "C'est un enjeu gigantesque, il y a plusieurs milliards d'euros de croissance à aller chercher sur la transformation digitale des entreprises", déclare à l'AFP Jean-Charles Ferreri, associé chez Deloitte.
De la création d'un simple site internet ou d'applications mobiles pour accroître sa visibilité au bouleversement des méthodes de travail en interne par l'adoption d'outils tels que l'imprimante 3D, en passant par la vente d'objets connectés, la transformation numérique recouvre une large palette de possibilités -et de défis potentiels- pour une entreprise.
Mais pour les PME, l'enjeu le plus immédiat est celui de vendre leurs produits par le biais d'Internet, indique à l'AFP Amal Taleb, vice-présidente du Conseil national du numérique (CNNum), une commission consultative indépendante qui remet mercredi un rapport au gouvernement sur le sujet.
"La situation est tellement grave pour les PME françaises, qui sont particulièrement en retard par rapport aux PME allemandes, irlandaises, qu'il paraît essentiel de leur permettre tout de suite d'entrer sur le marché et gagner des parts de marché, et donc d'augmenter leurs richesses", explique-t-elle.
Jusqu'à présent, "on ne s'est pas mis dans les chaussures d'un patron de PME", estime Mme Taleb. "Un patron est un individu qui passe son temps à lutter pour essayer de sauver son affaire, il est dans l'immédiateté du business qu'il doit faire, et il est souvent complètement désarmé face au numérique, même s'il sent qu'il faudrait faire quelque chose".
- "Question de survie" -
Or, pour beaucoup de petites entreprises, ce sujet devient une "question de survie", avertit Marie Prat, co-présidente de la commission innovation et numérique à la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME).
Et même lorsqu'elles ne se portent pas mal, la transformation numérique est une opportunité idéale pour ouvrir de nouveaux horizons, via l'"e-export", à l'image du fabricant de charentaises Ferrand SAS.
Pour pénétrer le marché chinois, la PME n'a eu d'autre choix que de créer un site, relayé sur des plateformes de vente locales, explique Cyril Colombet, gérant de la société. "Là-bas, il faut être sur le net pour être visible. La majorité des clients commandent sur smartphone", témoigne-t-il.
Comment expliquer que d'autres pays aient mieux réussi cette transition?
"Dans un certain nombre de pays étrangers, les écosystèmes et les filères sont plus organisés, ce qui fait qu'il y a un effet d'entraînement des grandes entreprises sur les entreprises plus moyennes et de petite taille", explique M. Ferreri.
"En France, ça existe un peu moins parce que les grandes entreprises sont moins dans une logique d'animation de leur tissu de sous-traitants", ajoute-t-il.
Par ailleurs, les politiques publiques ont sans doute "été plus faibles" que dans d'autres pays tels que l'Allemagne, Etat fédéral où les Länder (Etats régionaux) sont plus impliqués dans l'animation du tissu industriel, observe-t-il.
"Depuis quinze ans, il y a des plans gouvernementaux, mais ils n'ont jamais atteint leurs objectifs", constate Mme Prat, de la CPME.
Pour la responsable, "ça n'a pas été suffisamment porté politiquement et il n'y a pas eu le volet budgétaire associé". L'organisation patronale réclame notamment que des prêts spécifiques soient accordés aux petites entreprises par une structure telle que la banque publique Bpifrance.
Le CNNum préconise pour sa part de développer une "aide financière régionale" pour les petites entreprises, et plus largement de créer un véritable écosystème en fédérant les acteurs "autour d'une marque forte", à l'image de ce qui a été fait avec la French Tech pour les start-up françaises.
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