Cannabis : l'exception française du "tout répressif"
Les Pays-Bas, l'Espagne, plusieurs Etats américains... La liste des pays qui ont opté pour une dépénalisation du cannabis s'allonge mais la France, sur le point d'instaurer une amende, peine à sortir du "tout répressif".
Un rapport parlementaire qui sera présenté mercredi préconise de sanctionner les usagers par une "amende forfaitaire délictuelle", allant de 150 à 200 euros, assortie éventuellement de poursuites, ou par une simple contravention.
Promesse d'Emmanuel Macron, cette mesure, si elle s'applique en principe à tous les stupéfiants, concerne dans les faits les fumeurs de cannabis.
La dépénalisation cristallise les passions depuis 20 ans, les responsables politiques prônant cette solution se voyant vite taxés de laxisme. A peine le contenu du projet dévoilé, des politiques mais aussi des syndicats de policiers et de magistrats ont d'ailleurs prévenu qu'ils refusaient toute dépénalisation... dont il n'est pourtant pas question.
De son côté, Benjamin Jeanroy, un des responsables d'Echo, un groupe de lobby citoyen, fustige "un projet inabouti", qui ne s'attaque pas aux trafics et ne promeut pas la prévention.
La France reste loin du débat américain, où plusieurs Etats, dont récemment la Californie, ont autorisé un usage récréatif du cannabis.
En Europe, les politiques sont diverses en la matière. L'Allemagne, la Belgique et l'Italie, entre autres, ont dépénalisé son usage: en posséder ou en consommer n'est pas toléré mais les contrevenants ne risquent qu'une amende, en-deçà d'une certaine quantité.
La France, elle, fait figure d'exception: "On a mis plus de temps à intégrer qu'il y avait d'autres manières de réguler le cannabis qu'avec un régime prohibitif", explique à l'AFP David Weinberger, chercheur à l'INHESJ (Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice).
Résultat: la politique de répression est un échec en France, relevait le centre de réflexion classé à gauche Terra Nova, dans un rapport publié en décembre 2014. Avec 700.000 fumeurs de cannabis quotidiens, la consommation en France "reste l'une des plus élevées d'Europe".
- "Laisser faire" -
En outre, Terra Nova déplore une "politique qui coûte cher (près de 600 millions d'euros par an)". Or, selon le "think tank", la légalisation du cannabis rapporterait environ 2 milliards d'euros à l'Etat et permettrait de mettre en place une politique de prévention.
Selon Echo, ce serait également le meilleur moyen de déstabiliser les dealers: "Le fond de roulement d'un trafiquant qui vend plusieurs produits provient du cannabis", explique Benjamin Jeanroy. "Si vous leur enlevez ça, vous leur faites mal en terme financier".
Pour les pouvoirs publics, "laisser faire le trafic, c'est aussi s'assurer une paix sociale", affirment des acteurs du dossier.
"En 2018, est-ce qu'on peut avoir un débat différent de +pour ou contre la légalisation+?", interroge le député de Gironde Eric Poulliat (LREM), l'un des corapporteurs. "Les consommateurs et le trafic ne sont plus les mêmes" et les jeunes basculent du cannabis à d'autres drogues types MDMA ou cocaïne, à la faveur des offres des trafiquants, assure-t-il.
"Faux", rétorque Benjamin Jeanroy, qui relève qu'en dépit d'"offres marketing agressives de la part des vendeurs, on ne fait pas changer les gens de consommation du jour au lendemain".
Fumeur régulier, Mickaël (le prénom a été changé) est sceptique sur le projet d'amende: "Une amende de 150 ou 200 euros, c'est finalement comme si on avait une prune pour excès de vitesse".
Le jeune homme de 30 ans achète chaque semaine environ 5 grammes moyennant 50 euros, et ce en dépit des contrôles inopinés. Pour lui, "l'amende ne servira à rien". "Ce qu'il faut faire, c'est changer les mentalités et montrer ce que le cannabis apporte en bien-être dans des usages thérapeutiques."
Alors que des médecins recommandent parfois aux patients de soulager leur douleur avec des produits dérivés du cannabis, aucun médicament à base de fleurs séchées de cannabis n'est légal en France.
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