Mai 68 : le rôle des ouvriers au cœur d'une exposition à Roubaix
"Pour la lutte de tous les travailleurs", "non à l'association capital-travail": affiches, tracts et reportages audiovisuels d'époque à l'appui, les Archives nationales du monde du travail à Roubaix interrogent dans une exposition le rôle des ouvriers en mai 1968, des occupations d'usines aux Accords de Grenelle.
"Il faut essayer de casser l'idée souvent très largement rebattue, qu'il y avait deux mouvements en mai 1968: d'abord les étudiants et ensuite les ouvriers", affirme à l'AFP Raphaël Baumard, directeur adjoint des Archives. "Les études récentes des historiens ont montré que, dès le début, des ouvriers ont participé aux premières manifestations".
L'exposition "Usine Mai 68", visible à partir de vendredi jusqu'au 16 septembre, replace mai 1968 dans le contexte international d'alors, de la mort de Che Guevara à la guerre du Vietnam, en passant par les grèves en Espagne ou les occupations d'universités en Italie.
En France, 1967 est déjà ponctuée de grèves; les secteurs du textile ou des houillères licencient.
"Mai 1968 n'est pas arrivé en 1968, mais a débuté dès 1967 et s'est poursuivi en 1969", souligne Isabelle Roussel-Gillet, directrice du master muséographique de l'Artois, qui a dirigé le projet en partenariat avec l'Ecole d'arts appliqués (Esaat) de Roubaix.
Les cinq séquences de l'exposition déconstruisent les mécanismes qui ont mené en mai 1968 à la grève la plus massive de l'histoire française, suivie pendant plusieurs semaines par 7 à 10 millions de travailleurs.
Des négociations entre syndicats et gouvernement aboutissent le 27 aux Accords de Grenelle, marqués par une hausse de 35% du salaire minimum. Les dernières usines occupées sont évacuées par les CRS en juin.
- Libération de la parole -
Pour documenter ce passé, l'institution a puisé dans son fonds de documents de syndicats et d'entreprises, coupures de presse, photographies et archives audiovisuelles de l'INA.
On peut ainsi se plonger dans le vécu des ouvriers, leur mode de vie, leurs aspirations et dans des correspondances entre syndicats et patronat.
Ici un tract de la CFDT qui exprime son "indignation" face à la présence de "2.000 policiers chez Renault" Flins, seule "réponse donnée aux revendications des grévistes"; là cette lettre du directeur de l'usine de machines agricoles Massey Ferguson qui s'inquiète des conséquences de "centaines de milliers d'heures perdues". Ou encore des cartes manuscrites d'heures de récupération de grévistes de la Lainière de Roubaix et autres appels à manifester.
Un espace reconstitue une assemblée générale, où l'on peut lire un "schéma de prise de parole pour une assemblée de travailleurs dans l'entreprise", qui appelle à "faire attention de ne pas attaquer les cadres en tant que tels".
Une vingtaine d'affiches anonymes d'un graphisme épuré, aux slogans percutants, y sont mises en valeur. Toutes étaient imprimées à l'Atelier populaire des Beaux-Arts de Paris, et récupérées par les grévistes de la France entière.
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