A Marseille, la capoeira pour aider les malades de Parkinson
"C'est plus physique que le tango!": essoufflée mais souriante, Marie-Claude, atteinte de la maladie de Parkinson, s'essaye pour la première fois à la capoeira, dans le cadre d'une étude pilote menée à Marseille pour tester la motricité des patients touchés par cette affection neurodégénérative.
Cette secrétaire médicale de 53 ans a appris sa maladie en 2011. "Une claque" que lui inflige sans précaution son neurologue. Devenue "patiente-expert" au sein de l'association France Parkinson, partenaire de cette expérience, elle lutte contre ce mal qui la ronge. Avec des médicaments, bien sûr, mais aussi une activité physique soutenue.
Marche, course à pied, tango, aqua-gym et maintenant capoeira, cet art martial afro-brésilien inventé par les esclaves. Avec elle, d'autres patients, sur les tapis du dojo d'un centre social au coeur de Marseille. Pendant cinq mois, chaque semaine, tous les jeudis, ils seront une petite dizaine à venir suer, sous la houlette d'Anthony Abbas, alias "Hulk", son nom de baptême en capoeira.
Puis, début juillet, l'évolution des patients sera évaluée, au niveau de leur motricité fine, ces gestes de la vie de tous les jours --mettre une clef dans une porte, écrire, se nourrir, manier une souris d'ordinateur-- qui peuvent devenir un calvaire.
"Nous voulons mesurer cette motricité fine avant et après capoeira", explique Laure Fernandez, chercheur à l'Institut des sciences du mouvement et maître de conférence à l'Université d'Aix-Marseille, qui leur a fait passer à tous un test de départ, via un exercice standard, sur ordinateur.
"Nous pourrons mesurer l'évolution de la rythmicité et de la fluidité de leurs gestes, voir par exemple si s'atténue ce phénomène de +freezing+ visible chez certains patients, ce moment où ils sont bloqués, incapables de réinitialiser leur mouvement, faute de décharge de dopamine dans l'organisme", explique Mme Fernandez.
L'idée de cet atelier capoeira est venue d'Olivier Blin, directeur du pôle de pharmacologie à l'AP-HM, l'hôpital public de Marseille, mais surtout directeur de Dhune, programme de recherche sur les maladies neurodégénératives associant laboratoires, hôpital et université.
- 'Lutte pour la liberté' -
"La capoeira, c'est un art martial mais aussi une danse, entièrement basée sur le contrôle de l'équilibre, sur la coordination, un outil parfait pour les patients pour qu'ils puissent par exemple développer des stratégies afin de ne pas tomber", explique ce médecin, lui-même capoeiriste depuis quatre ans.
"Ginga", "cadeira": lors de cette première journée, les patients +cobayes+, tous volontaires, ont appris les mouvements de base de la capoeira, cet art de l'esquive des coups développé par les esclaves au Brésil. Le tout en musique, en suivant le rythme échappé d'un appareil hi-fi mêlant berimbau, pandeiro et atabaque, les instruments traditionnels de cette danse.
"Ca m'épuise", sourit Gilles, lors d'une pause, "mais c'est bon", assure-t-il au sujet de cet atelier développé en partenariat avec le pôle de neurosciences cliniques de l'AP-HM à la Timone.
Ce patient a appris qu'il souffrait de Parkinson en 2009, à l'âge de 49 ans. Première alerte, un ralentissement curieux de la main droite, en posant du carrelage. Puis le verdict, après avoir échoué à contrôler sa main en se rasant, ce "phénomène de la roue dentée" connu des malades. Là aussi, l'annonce est faite sans ménagement: "Dans quelque temps, vous ne pourrez plus fermer vos boutons de chemise, vous ne pourrez plus pisser seul", lui lâche le neurologue, avant de partir déjeuner.
Pendant la séance, une alarme retentit. C'est le téléphone de Jean-Pierre, qui l'avertit qu'il doit prendre sa dopamine. "C'est dur, la coordination c'est difficile", explique ce patient de 67 ans à l'issue de l'atelier: "on a bien transpiré !"
"La capoeira, c'est un jeu, un dialogue, avec son partenaire. Pas un combat, il n'y a pas d'adversaire. Mais pour les esclaves, c'était la lutte pour la liberté", explique "Hulk". Cette même liberté dans leur corps pour laquelle se battent Marie-Claude, Gilles ou Jean-Pierre. Comme les quelque 200.000 malades de Parkinson en France.
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