Nathan Paulin : danses avec le fil
On pourrait croire que Nathan Paulin, qui a fait des traversées à couper le souffle au-dessus du vide, serait imperturbable face à une salle de théâtre, mais le funambule a découvert un autre genre de peur: le trac.
Le highliner haut-savoyard de 28 ans vient de battre le record du monde de distance sur une slackline (un fil) au Mont Saint-Michel.
Au Théâtre National de Chaillot, aux côtés d'acrobates et de voltigeurs, il participe à "Corps Extrêmes" (16-24 juin), son premier spectacle créé en 2021.
"Le fait d'évoluer dans un théâtre, dans un environnement fermé, c'était quelque chose qui m'effrayait un peu au début, moi qui m'appuie sur les immensités" des lieux, confie-t-il à l'AFP. "La peur du vide se transforme en trac et peur de décevoir le public".
Comme pour la "highline", cette discipline sportive qui s'apparente au funambulisme, il a apprivoisé le trac et "prend plaisir" durant le spectacle où il alterne marche et pauses sur un fil, avant d'interagir avec les acrobates.
"J'ai compris que la scène était un grand espace de liberté, qu'on pouvait créer tout ce qu'on voulait (...) le fait d'avoir 1.000 personnes devant soi et de transmettre les choses directement, c'est très fort", explique-t-il. Et comme pour les traversées, "les gens qui me regardent ont bien plus peur que moi", plaisante-t-il.
Star dans sa discipline -- au Mont Saint-Michel, il a parcouru 2.200 mètres de long, perché à une centaine de mètres --, Nathan Paulin partira en tournée, avant d'enchaîner les traversées: rien que cet été, il tentera une traversée au-dessus du Pont du Gard, du Lac Léman, du lac d'Annecy, du port de Bonifacio...
Le jeune homme, qui frappe par sa concentration, était pourtant un garçon "à l'attention dissipée".
- Cerveau reprogrammé -
Originaire du Reposoir (Haute-Savoie) de parents qui l'emmenaient souvent dans les montagnes, Nathan Paulin tente, l'été de ses 17 ans, de marcher sur un fil entre deux arbres.
"J'ai vite été captivé par le côté méditatif. Marcher sur un fil, ça me concentre", se souvient-il. "C'était aussi une manière d'accepter mon corps. Je suis très grand (1,97 m), un peu dans mon coin et sur un fil, on est obligé de s'ouvrir pour être en équilibre".
La confiance en soi est venue "par petits pas". "Quand on est dans les Gorges du Verdon, ça prend des années avant d'être à l'aise, c'est un peu une reprogrammation du cerveau", dit le highliner qui a fait deux fois la traversée entre la Tour Eiffel et le Théâtre de Chaillot.
Il lui arrive encore de se poser des questions. Au Mont Saint-Michel, "je me suis demandé +qu'est-ce-que je fais au sommet de cette grue de 100 mètres? Je n'ai vraiment pas trop envie d'être là", sourit-il. Mais "une fois que je me mets à marcher, je reprends mes réflexes".
Comme chez les danseurs, "il y a vraiment une mémoire du corps. Le corps apprend et n'oublie pas", explique celui qui aime se voir comme "100% sportif et 100% artiste".
Chez cet habitué des records, qui donne des conférences en entreprise sur la prise de risque, le côté esthétique est venu "par le regard des autres" et la transmission de l'émotion.
La slackline aux JO ? Il n'est pas trop convaincu. "J'aime bien le côté liberté (...). Le fait de structurer, ça fige un petit peu trop les choses".
Avec ses performances, il donne aussi un coup de projecteur écologique, comme lors de la traversée du glacier d'Argentière (Mont-Blanc). Le vide qu'il a traversé "n'existait pas il y a quelques années, il était rempli de glace. Et la glace de 100 mètres sous mes pieds n'existera plus dans quelques années", dit-il.
"J'habite dans les Alpes. Le réchauffement climatique y est deux fois plus rapide qu'ailleurs, et ces milieux, on a envie de les protéger".
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