En politique, le test des trois passoires, l’essayer, c'est l’adopter
Dans un article paru le 17 septembre 2023, la rédaction du JDD commentait les propos tenus par Marine Le Pen lors de la rentrée du RN le 16 septembre 2023 dans le Gard :
« Marine Le Pen prépare-t-elle déjà l’élection présidentielle de 2027 ?
À la rentrée politique du Rassemblement national (RN) samedi à Beaucaire (Gard), la présidente des députés RN a fait une proposition étonnante, de grande envergure.
Elle souhaite instaurer une « déclaration des droits des nations et des peuples » afin de se protéger des « excès de pouvoir d’organismes supranationaux ou de structures commerciales ».
Si les termes restent flous, Marine Le Pen veut remettre au goût du jour la Déclaration universelle des droits de l’homme adoptée par l’ONU en 1948. Dans son viseur, l’Union européenne, mais aussi les grands groupes privés, dont les Gafam (Google, Amazon, Meta/Facebook, Apple, Microsoft), « qui peuvent intervenir directement dans les choix des nations, la vie des nations et donc la liberté des peuples à disposer d’eux-mêmes ».
Car selon elle, « les grandes menaces ne proviennent pas obligatoirement uniquement des États ».
Un projet "avec l'ensemble des nations du monde "
Il s’agit ainsi de « sacraliser des droits, à côté de ceux de la Déclaration des droits de l’homme », notamment « la sécurité » ou « la défense des intérêts vitaux des peuples ». Marine Le Pen affirme qu’une « proposition de loi constitutionnelle » sera déposée par le RN, dans l’espoir qu’elle se transforme ensuite en « résolution votée par le Parlement européen ». »
Dans la revue Contrepoints, Valérie Petit, enseignante-chercheuse, estime ce projet « clairement antilibéral et autoritaire » et s’étonne de l'absence de réponse des partis : « De la droite à la gauche en passant par la majorité, c’est le silence radio. » :
« La critique de ce projet politique antilibéral, d’une simplicité populiste confondante (revenir sur la notion de droits naturels, restreindre les libertés individuelles et économiques pour in fine instaurer un État autoritaire, protectionniste et xénophobe à la main d’une nouvelle élite populiste) semble pourtant à la portée de n’importe quel politique nanti d’un exemplaire de « L’État de droit pour les nuls » ou « Des aventures de Tchoupi au pays de la démocratie ».
L’intention est en effet limpide : il s’agit de concurrencer (avant de la remplacer) la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (DDHC) et d’en finir avec le cadre constitutionnel et le projet politique qui sont les nôtres depuis la Révolution de 1789 ; un cadre fondé sur l’État de droit (et non le droit de l’État) qui garantit, dans et par la loi, des libertés et des droits égaux à chaque citoyen face à toute forme d’absolutisme, d’autoritarisme, et bien sûr d’injustice.
En effet, cette nouvelle déclaration qui prétend faire primer les intérêts des peuples et des nations (définis, on l’imagine, par l’État français et son gouvernement RN) sur ceux des « organismes supranationaux » ne vient pas uniquement menacer les libertés économiques (de commerce, de circulation, d’entreprendre) : en réaffirmant le pouvoir des États, le Rassemblement national poursuit en réalité son œuvre illibérale habituelle de relégation des droits et libertés individuelles.
Cette attaque frontale du Rassemblement national à l’endroit des libertés, et plus largement de l’État de droit n’est pas nouvelle. »
L'éclairage de l’analyse de Valérie Petit peut se faire à la lumière d’un fait nullement anodin : c'est une ancienne députée LREM. Et cela, elle ne le mentionne ni dans son article ni dans son profil sur le site Contrepoints. Il est donc difficile pour le lecteur de retrouver le point de départ de son positionnement, de son angle. Un biais ? Peut-être une clarification essentielle que le site Contrepoints devrait faire pour ses lecteurs.
En effet, cet article décrit une fois encore la stratégie sémantique de la « novlangue » couramment utilisée par les personnalités politiques. À droite ou à gauche, cette stratégie consiste à inverser la portée et le contenu d'un discours, tout en y adjoignant un propos antinomique indispensable. Et plus encore quand il s’agit de stigmatiser les « extrêmes ». Quant à ceux issus du moule LREM, ils sont les principaux promoteurs de cette novlangue en faisant usage de la rhétorique amphigourique du « En même temps ».
Alors que Marine Le Pen propose de clarifier, d'adapter l'actuelle Déclaration des droits de l'homme, afin de protéger la France et les Français contre des instances non élues et des sociétés privées plus puissantes que des Etats, Valérie Petit y voit une restriction de liberté. Pourquoi ?
Parce que dans la novlangue en marche forcée, « être libre » est une dénomination biaisée, double, quand ils évoquent du citoyen lambda : « La liberté si je veux » et « La vérité si je mens ».
Il s'agit là encore d'une inversion de discours justifiée par du blabla. Le discours de Petit passe-t-il le test des trois passoires de Socrate : la passoire de la vérité, la passoire de la bonté et celle de l’utilité ?
Valérie Petit :
- A-t-elle vérifié si ce qu’elle dit est vrai (elle parle de l’intention de Marine Le Pen, l’a-t-elle vérifié ou alors propose-t-elle une analyse qu’elle sait pertinemment biaisée ?).
- A-t-elle quelque chose de bon à nous dire sur Marine le Pen ou le RN, sur sa proposition ?
- A-t-elle quelque chose d’utile à dire ? Est-il utile que Valérie Petit s’étonne du silence radio de la gauche à la droite sur une telle proposition ?
Alors, en appliquant la conclusion proposée par Socrate, si ce que Valérie Petit a à dire n’est ni vrai, ni bon, ni utile, pourquoi vouloir le dire ?
Bien sûr, je préfère lire ce que Valérie Petit écrit plutôt que de le voir censuré, cependant il y a là un réel problème, un mal profond dont souffre le débat public. Afin de faciliter un débat constructif et utile, je propose donc aux politiques (et à tous ceux qui communiquent dans les médias) de passer le test des trois passoires avant de s’exprimer !
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