Projet de fusion AstraZeneca-Gilead sur fond de Covid. Improbable pour l'analyste Jean-Yves Capo
INTERVIEW EXCLUSIVE : Jean-Yves Capo a 30 ans de pratique bancaire et analyse financière, revient sur le projet de fusion critiqué des deux big pharma. Gilead, est la société qui produit le remdesivir, un médicament aux propriétés non prouvées qui fait parler de lui dans tous les essais cliniques. AstraZeneca vient de signer un accord avec divers pays européens pour des millions de doses d'un vaccin à l'état de projet. Jean-Yves Capo a analysé pour FranceSoir les comptes de ces deux sociétés.
FS : Que pouvez-vous nous dire concernant Gilead ?
JYC : Gilead 78% de son chiffre d’affaires concentré sur le sida (VIH), avec une peur bleue de la tombée dans le domaine public de beaucoup de ses brevets, assez peu de nouveaux produits en cours de développement, des achats à prix d’or de sociétés développant un nouveau médicament, sans trop d’impact sur le CA jusqu’à présent.
De plus Gilead réalise de plus en plus de rentabilité sur des opérations purement financières par achat de titres de créances négociées et spéculation sur ses propres actions.
La preuve se trouve dans les annexes de son rapport annuel 2019 :
Gilead a décidé d’acheter jusqu’à 9 milliards de dollars de ses propres actions.
FS : Dans quel but ?
JYC : Spéculer dessus. Car en l’absence d’achats de ses actions pour réduire son capital ou éviter une OPA hostile, il n’y aucune autre raison crédible.
FS : Et en ce qui concerne Astrazeneca ?
JYC : AstraZeneca possède des produits bien plus diversifiés répartis en CA sur 4 branches entre l’oncologie (cancers), la cardiologie, les maladies respiratoires et d’autres pathologies diverses. Les gains sur opérations financières sont bien moindres que chez Gilead. La répartition géographique des activités est mieux répartie, avec un poids de l’Europe qui pourrait même s’accentuer compte tenu du vieillissement de la population plus marqué que sur les autres continents.
FS : Pensez-vous que la fusion évoquée entre les deux serait une bonne chose ?
JYC : Je ne crois pas un seul instant en une fusion.
FS : Pourquoi ?
JYC : Parce que le groupe AstraZeneca aurait beaucoup plus à perdre qu’à gagner.
AstraZeneca a une croissance de son Core Business (métiers de base) réelle quand celui de Gilead baisse.
AstraZeneca est même passé devant Gilead en 2019 avec chiffre d’affaires de 23,5 milliards de dollars contre 22,4 milliards pour Gilead. Cette dernière en réalisait plus de 26 milliards en 2017. Le portefeuille de produits est bien mieux diversifié chez AstraZeneca avec plus de 160 produits nouveaux en cours de développement dont 48 déjà approuvés par la FDA (Federal Drugs Administration aux USA)
De plus, il faudrait être suicidaire de « fusionner » avec Gilead dont beaucoup de brevets tomberont dans le domaine public, quand AstraZeneca n’est pas autant exposé à cela.
FS : Il y a t-il un risque avec les manipulations en bourse ?
JYC : Oui, les soupçons de manipulations de cours boursiers sur Gilead pourraient rejaillir sur l’ex-AstraZeneca en cas de fusion, s’ils s’avéraient confirmés par les instances de contrôle américaines, avec un impact pouvant être grave sur le cours de bourse du nouvel ensemble.
Compte tenu de ces faits, je pense qu’il y aura au mieux des accords commerciaux croisés, avec des concessions de licences croisées sur certains produits qu’une fusion, afin de ne pas s’exposer au risque que je viens d’évoquer.
Jean-Yves CAPO – Président de XANI STRATEGIES, DESCAF, 30 ans de pratique bancaire et analyse financière – (Management de transition, conseils financiers et développement commercial)
Liens :
Comptes annuels GILEAD 2019 : http://investors.gilead.com/node/36541/html
Comptes annuels ASTRANECA : https://www.astrazeneca.com/investor-relations/annual-reports.html
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