Sarkozy-Macron : deux conceptions du pouvoir dans la tempête

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Alain Tranchant pour FranceSoir
Publié le 26 août 2020 - 12:55
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Nicolas Sarkozy Emmanuel Macron
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FranceSoir © Handout / TF1/AFP © Kay Nietfeld / POOL/AFP/Archives
Sarkozy-Macron : deux conceptions du pouvoir dans la tempête
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TRIBUNE : En période de confinement, il n'existe pas de statut particulier pour les anciens Présidents de la République. Assigné à résidence comme tous les Français, Nicolas Sarkozy a mis à profit cette "quarantaine" de huit semaines pour rédiger ses Mémoires.

Ecrit sur un mode purement chronologique, "Le Temps des Tempêtes" entraîne le lecteur dans les coulisses du pouvoir, le met au cœur de l'action en temps de crise, et le gouvernement d'un pays est rarement un long fleuve tranquille ! Le livre fourmille d'anecdotes, de souvenirs, de portraits, et chacun peut mesurer combien l'exercice du pouvoir suprême suppose que la barre soit tenue d'une main ferme et quelque peu expérimentée.

L'épilogue de l'ouvrage est surprenant. Arrivé au terme de 520 pages consacrées aux années 2007 et 2008, nous voilà propulsés en 2020, de plain-pied dans la pandémie de la Covid-19, puisque tel est le nom, féminin, de ce fichu virus. Pour deux pages, deux pages seulement, mais non dénuées de signification.

"Je me remémorais les crises que j'avais vécues, écrit Nicolas Sarkozy, tout en assistant, en direct, à celle du jour. C'était passionnant de voir surgir exactement les mêmes phénomènes dans des contextes pourtant bien différents. Dans toutes les crises, les responsables sont confrontés au même risque de les sous-estimer au début, et de surréagir à la fin".

Déjà, dans ces quelques lignes, perce comme un doute sur la gestion de la crise du coronavirus. Surtout quand l'on voit, aujourd'hui, le pouvoir redoubler d'ardeur en matière de tests et de port du masque, alors qu'il expliquait aux Français en début de pandémie que le masque était inutile ...tout bonnement parce que les stocks n'avaient pas été renouvelés. En janvier-février, mobilisé sur la réforme des retraites, l'article 49-3, la recherche de fiefs électoraux aux élections municipales, la candidature de Madame Buzyn à la Mairie de Paris, le gouvernement, Président de la République en tête, a grandement "sous-estimé" le risque que la pandémie frappe notre pays.

"Dans le déroulement de la crise, poursuit l'ancien Chef de l'Etat, toute personne qui n'adhère pas à cette pensée unique est immédiatement clouée au pilori".

Du léger doute, on passe à la franche interrogation. Comment ne pas penser au Professeur Raoult qui, en dépit ou à cause de ses succès marseillais, est devenu "l'ennemi public n°1" du Conseil scientifique de l'Elysée qui professe avec superbe qu'il n'y a pas de traitement contre le coronavirus ? Ce même Didier Raoult qui a soigné, au début de l'épidémie, les amis de Nicolas Sarkozy : Christian Estrosi, Maire de Nice, Valérie Boyer, Députée des Bouches-du-Rhône.

"La crise, souligne encore Nicolas Sarkozy, est avant tout un formidable révélateur de l'utilité de la politique. Dans une démocratie, le décideur final doit toujours être le politique et jamais l'expert. Ce sont le Président et les élus qui ont la légitimité du suffrage universel".

Plus de doute, plus d'interrogation, mais une certitude. Parce que les mots ont un sens, la divergence est totale entre l'ancien Président et Emmanuel Macron déclarant à la télévision le 14 juillet -et les opposants, comme les observateurs, ne semblent pas l'avoir relevé : 

"Les Français nous demandent de les soigner", mais "ce n'est pas à un homme politique de trancher" la question du traitement de la Covid-19. Si ce n'est pas à un homme politique de décider, c'est donc à "l'expert" de le faire.

Une autre différence -et de taille ! - interpelle le lecteur. Dans le corps de l'ouvrage (page 511), à l'occasion du récit de la crise financière de 2008, Nicolas Sarkozy est catégorique sur la communication du pouvoir dans la tempête.

"Dans la crise, il ne pouvait y avoir qu'un seul émetteur d'informations, ce devait être le président de la République. 

Je le signifiai au Premier ministre sans ambiguïté. La pluralité des décideurs compliquerait tout et nous n'avions pas besoin de davantage de complexité. Il fallait fixer un cap, l'expliquer et s'y tenir".

Là encore, la comparaison avec la catastrophe sanitaire de 2020 n'est certainement pas à l'avantage de nos actuels gouvernants. Il suffit de se rappeler la cacophonie du pouvoir au printemps, ou les propos tenus au sommet de l'Etat. Il y a déjà plus de 4 mois, Edouard Philippe -qui n'avait sans doute pas entendu parler de la réussite du traitement du Professeur Raoult, puisqu'il ne s'était pas déplacé, lui, à Marseille ! - annonçait un traitement "sous peu". Il a regagné son port d'attache sans que le traitement miracle ait été découvert ...

Après avoir dit le 14 juillet que ce n'était pas à un homme politique de se prononcer sur la question du traitement du virus, le Président Macron déclare le 20 août à Brégançon :

"Nous avons des perspectives qui sont raisonnables d'avoir un vaccin dans les prochains mois", et il ajoute : "Cela ne va pas régler les problèmes des prochaines semaines, mais des prochains mois".

Voilà le peuple français fixé ! Souhaitons au Président d'avoir plus de succès dans la prévision -exercice difficile, comme chacun sait ! - que son ancien Premier Ministre.

Au total, on est d'autant plus enclin à voir dans les écrits de Nicolas Sarkozy une mise en cause discrète de l'actuel locataire de l'Elysée que son fidèle compagnon de route, Brice Hortefeux, interrogé fin juillet sur le point de savoir s'il n'y avait pas eu "un peu de flottement" dans la gestion de la crise du côté du pouvoir exécutif, avait répondu sans ambages :

"Ce n'est pas un flottement, c'est un désastre".

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