Analyse critique du protocole thérapeutique du Pr Raoult

Auteur(s)
Pr Dominique Baudon pour FranceSoir
Publié le 01 juillet 2020 - 15:56
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Analyse critique
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Analyse critique du protocole
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Tribune du Pr Dominique Baudon, médecin général inspecteur du Service de santé des armées, Commandeur de l’Ordre National du Mérite, Officier de l’ordre de la Légion d’honneur et Chevalier des Palmes académiques.  Il est aussi spécialiste en Biologie médicale et ancien professeur en Epidémiologie et Santé publique tropicale.

L’objectif que j’ai dans cette tribune est d’analyser les critiques faites au Pr Raoult et à son équipe sur le protocole thérapeutique utilisé dans la prise en charge de la Covid 19. Trop souvent les médias, mais aussi certains « scientifiques » critiquent sans vraiment connaître. (Ultracrépidarianisme). Je pense aussi que les résultats n'ont pas toujours été bien défendus, même par ceux qui y étaient favorables.

Cette tribune s’adresse avant tout aux citoyens et pas spécifiquement aux « scientifiques »

Afin d'effectuer une analyse critique du Protocole thérapeutique, il faut connaître précisément ce protocole, la population cible qui bénéficie du Traitement, les effets secondaires des médicaments utilisés. Il faut comprendre aussi un minimum de terme scientifique, en particulier ce que sont la mortalité et la létalité.  En fin de cette tribune j’ai donné une liste d’indicateurs référencés dans le texte avec leur mode de calcul, avec les sources pour l’obtention de ces données ; j’ai donné aussi quelques définitions pour la compréhension de ce texte.

 

La population cible du traitement.

Il s’agit de malades présentant des signes cliniques évocateurs de la Covid 19, sans complications graves, ne nécessitant donc pas une hospitalisation immédiate. Il ne s’agit pas de sujets dépistés sans symptômes appelés « porteurs asymptomatiques ».

Ils ont été suspectés de la maladie par un médecin généraliste qui les a dirigés à l’IHU Marseille (Institut Hospitalo Universitaire Marseille Méditerranées Infection) pour un diagnostic biologique et un éventuel traitement. Parfois, les malades se sont rendus d’eux-mêmes à l’IHU pour un dépistage biologique.

J’appelle cette population

« Les malades de la médecine générale » ; c’est aussi cette population pour laquelle les autorités de santé ont demandé de rester chez elle après consultation médicale (Physique ou par télé consultation), et d’appeler le « 15  »en cas de complications (Insuffisance respiratoire en particulier).

 

Le protocole thérapeutique

Il est bien connu : c’est l’association « Hydroxychloroquine avec azithromycine »

La posologie dans le protocole du Pr Raoult était au maximum de 6 g d’hydroxychloroquine en 10 jours associée à 1,25 g d’azithromycine en 6 jours (minimum 3 jours de traitement) ; le traitement était en effet adapté à chaque patient selon sa situation clinique.

Les bilans pré thérapeutiques et le traitement  lui-même ont été réalisés en hospitalisation ambulatoire à l’IHU.

 

La prise en compte des  effets secondaires de l’Hydroxychloroquine.

Ils sont bien connus et ont été contrôlés aux doses utilisées dans le protocole.  Les troubles du rythme ont été en particulier recherchés (Electrocardiogramme initial et de contrôle) et recherche de la kaliémie. J’ai travaillé comme médecin et chercheur en Afrique intertropicale pendant 20 ans ; j’ai mené de nombreuses études sur le Paludisme et j’ai traité de nombreux patients africains ou expatriés. 

Jusqu’aux années 1990, le traitement efficace était la chloroquine (Nivaquine) pour les formes simples, et pour les formes plus graves la  quinine.

La posologie utilisée pour le traitement d’un accès palustre était la chloroquine à une dose totale de 2,4 g en trois jours. (La chloroquine n’est plus utilisée dans le traitement du paludisme en Afrique intertropicale depuis plus de 30 ans car le parasite responsable du paludisme est résistant à la chloroquine)

 

Ce qu’ont démontrées les études

Avec ce protocole, le portage viral, une fois le diagnostic de la Covid 19 porté (PCR +), variait de 5 à 10 Jours. Des études chinoises et autres avaient montré que ce portage est habituellement de 15 à 20 jours, parfois même plus long chez les sujets pauci symptomatiques ; cela est aujourd’hui admis et doit être considéré comme la référence. Il y a deux conséquences positives pour l’utilisation de ce protocole : l’une pour le malade qui guérit plus vite, l’autre pour la population puisque le sujet est contagieux moins longtemps. Il n’y a eu aucun trouble cardiaque.

Rien d’autre n’a été démontré. Le Pr Raoult n’a jamais parlé de « médicament miracle » ;

il n’a même jamais préconisé ce traitement ; il a dit ce qu’il avait fait, avec les résultats obtenus.

Au 30 juin, à Marseille, l’Equipe du Pr Raoult a diagnostiqué et traité à l’IHU 3342 patients ; il y a eu 18 décès. Le pourcentage de décès parmi les cas traités a été de 0,5 % (létalité apparente).

(Réf.: www.mediterranee-infection.com/covid-19)

Au 30  juin en France le nombre de cas PCR+ déclarés par les autorités de santé était de 197 885 avec 29734 décès (réf. www.santepubliquefrance), soit une létalité apparente de 15 %. Bien sûr on ne peut comparer ces deux populations différentes.

 

Les trois principales critiques

Sur l’Efficacité du traitement : Ce qui a été dit et écrit par des médias et des scientifiques : « De toute façon, 98 % des malades guérissent spontanément, et le taux de mortalité de la Covid 19 est de 0,5 %, taux qui aurait été obtenu dans les études du Pr Raoult». Ces deux affirmations sont fausses.

Ce qui est probablement vrai, c’est que 98 % des sujets infectés guérissent spontanément : mais cela comprend non seulement les malades confirmés PCR+, mais aussi les cas suspects qui n’ont pas été dépistés, et surtout les porteurs asymptomatiques. J’ai estimé plus précisément qu’environ 95 % des sujets infectés n’ont pas développé la maladie (*4).

L’affirmation suivante est, elle aussi, fausse : « Le taux de mortalité de la Covid 19 est de 0,5 %, taux obtenu dans les études du Pr Raoult». Je cite un extrait de la lettre ouverte d’un professeur d’Université, Praticien Hospitalier, signé « Sigaps », membre du Think Tank Lisa, publiée le 02-06-2020 : « Le problème ici, c’est que la mortalité naturelle du Covid-19 a été estimée selon une modélisation mathématique difficilement discutable à 0.53 % [0.3 ; 0.9] en France, en période de confinement. En d’autres termes, vous obtenez un taux de mortalité équivalent (et non pas plus bas) de celui attendu. Pas de différence. Qu’en pensez-vous ? »

Il y a là une confusion le taux de mortalité chez les malades, (létalité apparente*1), et le taux de mortalité naturelle chez les sujets infectés (létalité réelle *2)

J’ai estimé la létalité réelle à ce jour à 0,77 % (nombre de décès parmi les sujets infectés) (*4) ; c’est probablement à cette létalité que « Sigaps » se réfère.

Le 0,5 % obtenu dans les études du Pr Raoult porte sur la létalité apparente (mortalité de la population de malades) et non celle parmi les sujets infectés.

 

Sur la toxicité : Oui cette toxicité existe en fonction des posologies données.  Aux doses préconisées et en prenant les précautions classiques dans la prescription des médicaments, le risque d’effets secondaires est quasi nul.

Je ne comprends toujours pas la virulence des critiques sur ce sujet.

 

Sur la méthodologie : « Il n’y a pas eu de groupe témoins » cependant je validerai cependant le protocole.  En voilà les raisons :

Il s’agit d’une étude « observationnelle » (*5), sur les malades (stade de début) se présentant à l’IHU pour un éventuel diagnostic de la Covid 19. Toutes les études antérieures avaient montré que le portage viral était de l’ordre de 15 à 20 jours. Pour moi, ce sont les résultats de ces études qui représentent le « groupe témoin », la référence pour la comparaison. En démontrant qu’avec le traitement le portage n’était que de 5 à 10 jours, pourquoi faire un groupe témoin dans cette circonstance d’urgence. Le groupe témoin aurait été nécessaire si au départ on ne connaissait pas la durée du portage viral.

 

Pourquoi les scientifiques qui ont critiqué le protocole dès la première publication, avec le nombre considérable de malades existants alors, n’ont-ils pas réalisé l’enquête avec groupe témoin pour vérifier l’efficacité du protocole ?

Cette question m’a souvent été posée et je suis étonné de l’absence de réponse.

Et pourtant c’est évident et cela rejoint mes propos du début. Les hospitaliers voient des malades au stade de complications, les médecins généralistes au stade de début. A chacun son rôle.

Le Pr Raoult, homme de terrain, a compris qu’il fallait « recruter » les malades dès les premiers symptômes, et pour cela a travaillé en liaison avec les médecins généralistes.

 

Ma principale critique à l’égard des médias et de certains scientifiques.

Le protocole du Pr Raoult a été complètement ignoré et tout le monde s’est focalisé uniquement sur l’hydroxychloroquine.

Ainsi, dans tous les travaux de recherche publiés sur l’efficacité de l’hydroxychloroquine, quelles que soient les conditions d’utilisation de ce produit, (associations ou non avec d’autres produits - doses variables - études conduites uniquement en milieu hospitalier), si l’étude ne montrait pas d’efficacité, la conclusion était tirée que le protocole du Pr Raoult était inefficace !!

Aucune autre étude portant sur le protocole Hydroxychloroquine +Azithromycine donné à des malades en début d’infection, sans pathologie grave nécessitant une hospitalisation immédiate, selon les posologies indiquées, n’a été réalisée à ce jour, à ma connaissance.

Pour montrer parfois la mauvaise foi de rares journalistes, je voudrais vous informer des propos tenus le 6 juin dernier par un journaliste d’une chaîne d’information (je ne citerai ni l’un ni l’autre) voulant démontrer, je cite « que sur la toxicité de l’hydroxychloroquine, le Pr Raoult dit tout et son contraire ». Sa démonstration était fondée sur deux interviews, l’une en français expliquant que lhydroxychloroquine aux doses données dans son protocole n’était pas toxique, et une autre en anglais disant que lhydroxychloroquine à dose très forte pouvait être toxique ; il n’y a bien sûr là aucune contradiction, mais le téléspectateur pas forcément averti sur le sujet, peut croire ce journaliste.

Je souhaitais donner mon avis, seulement sur ce protocole. Le comportement du Pr Raoult, ses déclarations ne doivent pas interférer avec les résultats obtenus. 

J’ai employé le terme d’ultra crépidarianisme, comportement qui consiste à donner son avis sur des sujets sur lesquels on na pas de connaissances C’est parfois le cas parmi les médias.

En conclusion, je trouve les critiques portant sur le Protocole du Pr Raoult injustifiées et non fondées.

 

Sources, calcul et définitions

Sources : Santé Publique France- South China Morning Post (https://www.scmp.com)-www.mediterranee-infection-www.covidminute.com (G. Zagury et C. Gabay)-(Réf. Johns Hopkins —https://coronavirus.jhu.edu/map.html)

Quelques chiffres et définitions

Situation de la Covid 19, au 25 juin 2020 en France

  • Nombre de cas de Covid 19 confirmés (malades PCR+) = 19 885 (Incidence depuis le début de l’épidémie),
    Nombre de cas par millions d’habitants= 29 536 cas/1M (197 885/67 M)
  • Nombre de décès par Covid 19 = 29 734 (mortalité spécifique par la Covid 19)
    Nombre de décès par millions d’Hab.= 443,8/1M

Références texte *

Létalité : c’est un pourcentage de décès parmi des cas

(*1) Létalité apparente (ou case fatality rate (CFR) en anglais = Nombre de morts parmi les malades PCR + =15 % (29734/197 885)

Létalité apparente Protocole Pr Raoult = Nombre de morts parmi les malades PCR + =0,54 % (18/3342)

(A noter que nous n’avons pas de chiffres précis sur le nombre de sujets non malades mais dépistés systématiquement PCR + ; nous ne pouvons calculer la létalité sur cette population)                        

(*2)   Létalité réelle (infection fatality rate) = Nombre de morts parmi les sujets infectés =  0,77 % (0,0077)

(*3) Estimation du nombre de sujets infectés par le virus. Selon l’Institut Pasteur Paris, 5,7 % de la population française auraient été infectés, soit un total de 3 819 000 sujets infectés

(Les sujets infectés représente la somme des sujets porteurs asymptomatiques non détectés, des sujets non malades PCR+ lors de dépistage systématique, et des sujets malades confirmés PCR+)

(*4) Estimation du pourcentage de sujets infectés n’ayant pas développé la maladie (guérison naturelle) : nombre de sujets avec guérison spontanée = 3621 115 (3819000 sujets infectés -197 885 malades PCR+), soit près de 95 % des sujets infectés. (29 734/3,8 millions)

(*5) Etudes observationnelles

En épidémiologie et statistiques, une étude observationnelle tire des conclusions sur l'effet possible d'un traitement sur les participants, lorsque l'affectation des participants à un groupe de traitement par rapport à un groupe de contrôle n'est pas du ressort de l’investigateur.

Dans certains cas, les études observationnelles constituent la méthodologie la plus appropriée ( l’état pathologique étudié est rare, urgence.)…

 

 

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