De la fabrique des fake news : la maladie de Poutine
TRIBUNE - Le directeur de la CIA, Williams Burns, vient d’affirmer au cours d’un Forum sur la Sécurité qui s’est tenu à Aspen, dans l'État du Colorado aux États-Unis, qu’il n’y avait aucune source de renseignement indiquant que Vladimir Poutine souffrait d’une maladie, voire se trouvait dans un état instable. Il aurait même plaisanté en disant qu’il lui paraissait en « trop bonne santé », selon des déclarations recueillis par la BBC. C’est étonnant parce qu'à à chaque fois que des informations sont apparues dans la presse, sous forme d’affirmations, sans conditionnel, elles provenaient presque toujours de ces fameuses « sources de renseignements américaines ». Ainsi le magazine Newsweek a consacré en juin dernier un article présenté comme une exclusivité : « Poutine traité pour un cancer en avril, selon un rapport des services de renseignements américains ». Le même magazine a titré que Poutine était dans un coma : « Poutine est-il dans un coma ? », « Poutine va mourir au cours des deux prochaines années d’une maladie grave », en citant dans ce cas un général ukrainien comme source digne de foi. The New York Post, The Economist, Business Insider, CNN etc, ne sont pas en reste.
L’histoire de la présumée maladie terminale de Vladimir Poutine, accompagnée de diagnostic de médecins de la même qualité que ceux qui intervenaient dans le cadre de la dictature sanitaire, est une grande fake news qui a sa raison d’être. Dire que Vladimir Poutine est en phase terminale d'un cancer, affirmer qu’il suit telle ou telle thérapie, qu’il aurait subi telle ou telle intervention, permet d’installer l’idée du fou suicidaire qui, face à un destin inéluctable, veut emporter tout le monde avec lui dans la tombe. Voire, quelqu’un qui sous l’effet de médicaments puissants, n’est plus en état de penser correctement, donc cerné par une camarilla de gens encore plus dangereux, si tant est que ce soit possible.
Fake news en nov langues, c’est propagande. Et la propagande, c’est l’installation d’un mensonge dans la presse. L’usage d’un néologisme anglais donne à penser qu’il y a quelque chose de nouveau sous le soleil. Ces informations qui se répandent comme une trainée de poudre dans les médias de masse, sans laquelle il n’y a pas d’effet de rebond dans les réseaux sociaux, n’innovent en rien par rapport aux mensonges d’État tels que connus dans les années 70, à ceci près que maintenant des groupes plus puissants que les Etats souverains peuvent mener leur propre campagne de propagande.
Ces médias qui sont les premiers à jouer les commissaires politiques et crier aux fake news pour toute information indépendante qui ne s’inscrit pas dans le discours officiel, ont en commun de ne jamais revenir sur une de leurs fausses informations. Même lorsque celle-ci est démentie par les intéressés. Dans le cas de Newsweek, la Maison-Blanche lui a opposé un démenti public, sans pour autant que ce démenti ne se traduise par un autre article, ne serait-ce que pour répondre au désaveu. Mentez, il en restera toujours quelque chose, disait Francis Bacon, repris par Goebbels. Mais il pensait justement à des mensonges potentiellement démentis.
Aux XXI siècle ça n’arrive pas. Les menteurs ne sont jamais désautorisés parce qu’ils ont eux-mêmes inventé la perfidie de la « fake news » pour désautoriser par avance ceux qui pourraient le faire. D’autant que l’intox se repasse comme une balle. Ce n’est que rarement un travail maison. Et ce n’est pas un hasard. Sur ce point, l’enseignement sur le fonctionnement de la propagande dans les dictatures du XXe siècle est très utile. Le fait que le message soit identique, avec très peu d’inflexion, est essentiel pour assoir sa vraisemblance. L’homogénéité favorise la propagation du mensonge, la diversité la contraste. D’où le fait que les propagandistes soient en même temps les commissaires politiques en charge de l’éradication des penseurs indépendants.
La grande différence entre la propagande des années 70, est que celle-ci obéissait à des ordres verticaux, venus d’officine d’État et les conséquences étaient fatales pour les dissidents dans le cadre d’une répression qui disait son nom. Sans le cache-sexe de la bien-pensance. Mais les gens savaient lire entre les lignes de la censure. Il y avait comme une grammaire de la propagande que le lecteur savait décomposer. Au cours de ce millénaire, la propagande obéit à des officines souvent privées, associatives, qui orchestrent l’homogénéité de la pensée, l’installation des thèmes et organisent l’adhésion enthousiaste au mensonge. Là où les intellectuels et les journalistes souffraient dans les systèmes dictatoriaux, de l’humiliation que représente écrire des contre-vérités. Aujourd’hui les agents de la propagande s’en réjouissent et voient dans la propagation de mensonges, une source de félicité et orgueil. Ce qui ne change pas est que mentir délibérément pour un grand journal, c’est toujours synonyme de propagande. Ce qui n’a pas davantage changé est que les archives survivent longtemps après que les effets du mensonge se soient, eux, dissipés.
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